Le dimanche 03 février 2008
Affaire Guy et Mark Lafleur: une spécialiste comprend le père
Mario Girard
La Presse
D'un côté, un fils souffrant du syndrome de la Tourette qui fait face à une vingtaine de chefs d'accusation. De l'autre, un père qui doit répondre à une accusation de «témoignages contradictoires» pour avoir voulu aider ce fils. Entre les deux, un débat enflammé sur les limites qu'un parent peut franchir pour protéger son enfant.
Depuis le début du procès du fils de Guy Lafleur, Mark, beaucoup de choses ont été écrites sur le syndrome de la Tourette (SGT). Mais peu de gens se sont intéressés à la réalité des parents des enfants qui sont frappés par ce mystérieux mal. La Dre Francine Lussier, l'une des spécialistes québécoise de cette maladie, dit comprendre ce que vit l'ancien joueur étoile du Canadien.
«Je ne suis pas du tout surprise de voir ce qui lui arrive en ce moment, dit la Dre Lussier. Chaque fois que j'entends parler de cela, je rage intérieurement. Je me dis que les gens qui commentent cette histoire ne connaissent rien à cette maladie. Ils ne tiennent pas compte de ce que les parents de ces enfants vivent.»
Guy Lafleur doit comparaître devant le tribunal le 7 février. Il est accusé d'avoir voulu tromper la cour par un témoignage «contradictoire» lors de l'enquête sur remise en liberté de son fils. Ce dernier fait face à plus de 20 chefs d'accusation, notamment pour agression sexuelle sur une personne mineure, voies de fait à l'aide d'une arme, menaces et séquestration.
«Je ne dis pas que l'histoire du fils de Guy Lafleur s'excuse à cause du syndrome de la Tourette, reprend Francine Lussier. Je dis que ça s'explique par cette maladie. J'oserais aussi dire que le témoignage de Guy Lafleur s'explique par ce qu'il a vécu avec son enfant.»
La Dre Lussier rencontre beaucoup de parents dont l'enfant est atteint de cette maladie. Elle découvre des gens épuisés, à bout de souffle et en manque de ressources. «On parle beaucoup de Guy Lafleur parce qu'il est connu, dit-elle. Mais des parents que je ramasse à la petite cuillère, il y en a à la tonne. Ils ne savent plus quoi faire. Ils sont dépassés par la situation.»
Un trouble neurologique
Le syndrome de la Tourette, nommé ainsi en l'honneur du neurologue français Gilles de la Tourette, qui fut le premier au XIXe siècle à décrire cette maladie, est un trouble neurologique. Il serait lié à un dérèglement des neurotransmetteurs.
«Mais c'est aussi une maladie psychiatrique puisqu'elle est reliée à un grand nombre de pathologies, explique la Dre Lussier On estime que les enfants qui en sont atteints sont, dans 50% des cas, des hyperactifs. Or, on sait que l'hyperactivité est une maladie en soi.»
Parmi les symptômes cliniques, on retrouve les tics moteurs (clignement des yeux, grimaces) et les tics sonores (jappements, cris, langage grossier). Pour le grand public, le SGT est surtout synonyme de ces tics. Mais selon la Dre Lussier, on aurait tort de croire que cette maladie ne se résume qu'à cela. «Sur les 500 familles que nous avons suivies lors d'une étude, seulement 12% des sujets touchés par le SGT ne présentaient que des tics.»
Les personnes atteintes du SGT peuvent aussi souffrir d'un déficit de l'attention, d'obsessions maladives et de problèmes de comportement qui prennent la forme d'agressivité ou de crises de rage. Ces symptômes agissent bien évidemment sur l'estime de soi.
Selon la Dre Lussier, ces symptômes ont tendance à s'atténuer avec l'âge.
«Ça se résorbe vers l'âge de 25 ans, dit la spécialiste. C'est parfois plus tôt chez les filles. Ce qui va rester, c'est un déficit de l'attention, de l'impulsivité et des tics. Les problèmes de comportement rentrent dans l'ordre.»
Cette rémission est obtenue grâce au travail et à l'acharnement des parents, mais aussi des intervenants et des enseignants. «Malheureusement, ceux-ci aussi deviennent épuisés, souligne Francine Lussier. J'ai déjà vu des enfants qui devaient passer deux jours avec leurs parents, deux jours dans un centre d'accueil et un jour à l'école tellement ils exigeaient des soins et de l'énergie.»
http://www.cyberpresse.ca/article/20080203/CPACTUALITES/802030594/6737/CPACTUALITES