La famille recomposée en décomposition

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Parfois, la rupture est accueillie comme un soulagement par l'enfant et par son beau-parent. D'autres fois, un deuil terrible s'ensuit.
illustration, David Lambert, La Presse





La famille recomposée en décomposition

Louise Leduc

La Presse

De toutes les provinces canadiennes, c'est au Québec que les parents ont le plus tendance à établir une nouvelle union à peine un an après leur séparation. Pour bon nombre d'enfants, la vie se décline donc avec le chum de l'une, la blonde de l'autre, les demi-soeurs, le fils de la blonde et plusieurs paires de grands-parents plus ou moins de passage. Comment naviguer dans tout ça ? Que reste-t-il de tous ces liens une fois que les enfants sont grands ?

Michel et son ex se sont donné une règle : ne jamais présenter un nouveau conjoint aux enfants avant trois mois de fréquentation. Les petits, âgés de 5 et 7 ans, avaient trop souffert du départ du dernier chum de leur mère.

Michel a transgressé la règle une fois et en a payé le prix. «J'étais tellement certain que ça allait marcher avec cette fille que je lui ai présenté les enfants avant nos trois mois réglementaires. Les enfants l'ont beaucoup aimée, mais on s'est laissés peu de temps après. Mon ex m'a engueulé et elle avait raison.»

Une autre mère nous a parlé de son petit bonhomme de 10 ans, le nez à la fenêtre et les yeux baignés de larmes en regardant s'éloigner pour toujours celui qui lui avait servi de père pendant cinq ans.








Et c'est ainsi que l'enfant se trouve à avoir des lieux d'attachement multiples, et plusieurs paires de grands-parents, note Nicole Hébert, psychologue. «Ça devient complexe, mais il ne faut pas sous-estimer leur capacité de négocier avec tout ça dans leur tête et dans leur coeur. Il reste que chaque cas est cependant particulier.»

Parfois, la rupture est accueillie comme un soulagement par l'enfant et par son beau-parent. D'autres fois, un deuil terrible s'ensuit.

Michel Campbell, psychologue, raconte le cas d'une de ses patientes. Suzanne avait rencontré André alors qu'il avait un bébé de deux ans et demi. Suzanne s'occupera de l'enfant - davantage que le père, même - jusqu'à la rupture, qui surviendra 14 ans plus tard.

«Je vois des conjoints qui font tout pour les enfants de l'autre, et je leur dis d'être prudent, dit M. Campbell. D'une part, ils peuvent se mettre les enfants à dos, et d'autre part, si ça va mal, tu risques de tomber haut.»

Aimer, mais pas trop?

Julie Gosselin, candidate au doctorat en psychologie clinique à l'Université de Montréal, croit pour sa part qu'il faut militer comme société pour une meilleure reconnaissance du rôle de beau-parent.

«Quand on permet à un beau-parent d'entrer dans la vie d'un enfant, il faut vivre avec la conséquence de ce geste», dit-elle.

Quand la situation le commande, quand un beau-parent a passé des années dans la vie d'un enfant, ne pourrait-on pas, advenant une rupture, envisager par exemple des droits de visite une fois par mois? demande Julie Gosselin.

En plus de devoir composer avec papa d'un bord, maman de l'autre, faut-il vraiment imposer aux enfants de maintenir le contact avec son ex-beau-père d'un bord, et son ex-belle-mère de l'autre? Pas simple, suggère-t-on.

«Mais rien n'est simple depuis la fin de la famille nucléaire typique! lance Julie Gosselin. Tout est à inventer. Je ne dis pas que c'est la solution idéale, mais quand un beau-parent a été une figure marquante et positive dans la vie d'un enfant, la séparation d'un couple est un deuil injuste pour l'un comme pour l'autre. Si la famille recomposée a le droit d'exister, la famille décomposée devrait avoir le droit d'exister aussi!»

Normalement, en cas de rupture d'une famille reconstituée, le beau-parent et le parent redeviennent des étrangers aux yeux de la loi. Jusqu'ici, on ne leur accorde généralement aucun droit, et encore moins si le couple ne s'est pas marié.

Alain Roy, professeur de droit à l'Université de Montréal, relève cependant des cas exceptionnels où un beau-père ou une belle-mère se sont battus, avec succès, pour maintenir un lien avec l'enfant.

«La cour autorise alors de simples visites, une fois par mois, par exemple», note-t-il, précisant que cela peut survenir quand le beau-parent a remplacé un parent disparu de l'écran radar.

De façon encore plus exceptionnelle, la Cour supérieure avait même accordé en 2002 la garde d'un orphelin de mère à son beau-père plutôt qu'à son père biologique, le juge estimant que les liens étaient plus étroits avec le beau-père. Pour gagner de telles causes, le beau-parent devra prouver qu'il en va de l'intérêt de l'enfant, et non pas de son souhait à lui.
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Quelques chiffres



Pourcentage des mariages qui se terminent par un divorce au Québec : 53,5%

> Pourcentage des divorcés québécois qui se remarient : 25% des divorcés, 22 % des divorcées

> Pourcentage d'enfants en garde partagée au Québec : 29%(12 % au Canada)

> Proportion de familles monoparentales au Québec : une famille sur trois

> Proportion des enfants qui ont un beau-père ou une belle-mère cinq ans après la séparation de leurs parents : les deux tiers

Sources : Institut de la statistique du Québec et Quand les parents se séparent, de Heather Juby et al (2004)








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