Le dimanche 11 juin 2006
LANGUES OFFICIELLES
La Défense pourrait se retrouver devant les tribunaux
Presse Canadienne
Ottawa
Le Commissariat aux langues officielles vient de servir un sérieux avertissement au ministère de la Défense de se conformer une fois pour toutes à la loi sur les langues officielles, à défaut de quoi, l'affaire pourrait se retrouver devant la Cour fédérale.
Dans un rapport accablant, le bureau de la commissaire Dyane Adam adresse 13 recommandations au ministère qui, depuis 30 ans, bafoue la loi sur les langues officielles quand vient le temps de combler des postes désignés bilingues.
«Le bilinguisme n'est généralement pas un critère à respecter absolument lors des promotions et des mutations à un poste bilingue» au ministère de la Défense et dans les Forces armées, dénonce-t-on dans le rapport obtenu par la Presse Canadienne.
Cette situation résulte en des statistiques peu reluisantes. Des enquêtes récentes démontrent que 53 pour cent des emplois qui devraient être occupés par des personnes bilingues sont, dans les faits, comblés par des personnes unilingues. Un plan stratégique est en place depuis quelques années pour rectifier le tir, mais les changements s'opèrent encore «trop lentement», conclut l'enquête.
Le rapport fait suite à une plainte logée en 2003 par le député du Bloc québécois, Benoît Sauvageau. Alors porte-parole du Bloc pour les langues officielles, le député avait formulé une plainte alléguant que le recrutement, la nomination et la mutation à des postes bilingues de personnel ne possédant pas les connaissances linguistiques nécessaires avaient des répercussions négatives sur le milieu de travail.
Le Commissariat, après une longue enquête, conclut que la plainte est fondée.
«Le rapport démontre que, depuis plus de 35 ans, il n'y a aucune volonté sérieuse et concrète du ministère de la Défense nationale de corriger l'injustice flagrante faite aux francophones dans l'armée», résume M. Sauvageau.
En déclarant la plainte fondée, la commissaire aux langues officielles permet, du coup, au député de Repentigny de porter l'affaire devant la Cour fédérale. Et c'est là que, contrairement à tous les autres rapports et recommandations antérieures, ce rapport «peut faire et doit faire une différence», déclare M. Sauvageau, qui espère que la possibilité de poursuite fera bouger la Défense.
Le député n'a toutefois pas l'intention de poursuivre le ministère devant les tribunaux, pour l'instant du moins. Le rapport indique que le commissariat fera un suivi d'ici décembre 2007. Si ce suivi ne montre aucune amélioration majeure, M. Sauvageau pourrait alors changer d'avis.
Mais à en croire la Défense, la poursuite devrait être évitée puisque des changements sont à prévoir. Le directeur aux langues officielles pour le ministère et les Forces armées, le colonel Jean-Luc Milot, a affirmé que l'organisation doit présenter bientôt son prochain plan d'action pour les langues officielles, plan qui prend en compte les recommandations de la commissaire.
«Nous sommes en transformation et nous allons changer notre approche», a expliqué le colonel Milot, qui tient à souligner qu'environ 20 millions $ par année sont investis pour la formation linguistique des militaires.
La ministre responsable des langues officielles, Josée Verner, a dit de son côté avoir livré ses observations à son collègue de la Défense, le ministre Gordon O'Connor.
«Il est certain qu'il faut s'assurer que les services soient améliorés dans les deux langues», a déclaré Mme Verner, la semaine dernière.
La série de recommandations du rapport, qui comportent des échéanciers précis, obligerait les Forces armées à tenir compte des capacités linguistiques lors de la dotation. En comblant les postes désignés bilingues par du personnel bilingue, la Défense pourrait renverser la vapeur et faire en sorte qu'à la longue, les francophones ne soient plus obligés de parler surtout anglais au travail.
Les choses pourraient aussi changer au plan de la formation et du choix d'un métier où les francophones ne bénéficient pas de «chances égales» puisque certains cours ne sont offerts qu'en anglais.
Pour expliquer sa difficulté à respecter la loi et à renverser la vapeur, la Défense dit faire face à des «obstacles», tels que le manque de ressources, ainsi que les coûts et les limites à la formation en cas de déploiements à l'étranger.
Le Commissariat concède que les Forces canadiennes «sont différentes des autres institutions fédérales, mais nous aimerions que la mise en oeuvre de la politique du corps d'officiers bilingue occupe une place plus importante dans les priorités».
Ce n'est pas la première fois que les Forces armées sont vertement critiquées par le Commissariat aux langues officielles. Depuis 1977, ce bureau dénonce régulièrement le manque de volonté de la Défense nationale de se soumettre à la loi.
Langues officielles: le ministère de la Défense devant les tribunaux?
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