Publié le 18 septembre 2010 à 05h00 | Mis à jour le 18 septembre 2010 à 05h00
Qui doit payer?
François Bourque
Le Soleil
(Québec) Québec n'a encore ni amphithéâtre ni équipe de hockey, mais la rivalité avec Montréal enfièvre à nouveau le débat public. On ose à peine imaginer ce que ce sera quand les francophones des «nouvo» Nordiques vont défoncer Carey Price.
Mon ami Yves Boisvert de La Presse a allumé le feu la semaine dernière en parlant d'un «Colisée de quêteux».
Il s'est défendu de jouer la rivalité Québec-Montréal, mais vous savez ce que c'est. Ça ne prend pas grand-chose à nos radios pour qu'elles flairent et exploitent le filon de l'autoroute 20.
Si Montréal peut se faire payer un Quartier des spectacles, une salle pour l'OSM, un prolongement du métro ou un nouveau toit pour un Stade olympique sans locataire, pourquoi Québec n'aurait-elle pas droit à son amphithéâtre?
De l'autre bout de la 20, on pourrait alléguer que Québec vient d'avoir la promenade Samuel-De Champlain, l'argent du 400e, le Musée des beaux-arts, l'agrandissement de l'aéroport, le Super PEPS.
Qu'elle voudra bientôt le Forum universel des cultures, le Diamant de Lepage, un tramway, le Manège militaire, un anneau de glace, une nouvelle candidature olympique.
Pourquoi un amphithéâtre public à Québec, alors qu'à Montréal et ailleurs en Amérique du Nord, c'est souvent le privé qui les paye?
Voyez, on n'en sortira jamais. Chacun va continuer de veiller jalousement sur sa «juste part» de l'argent public.
Pas seulement dans l'axe Québec-Montréal d'ailleurs, mais aussi avec le ROC. Pourquoi à Québec et pas dans le Rest of Canada, où il y a aussi des projets d'amphithéâtre?
À ce débat sur l'équité régionale se mêle un débat d'opportunité.
L'argent public ne devrait-il pas servir aux hôpitaux, aux écoles ou aux routes? À la limite à des festivals, des salles de concert ou de théâtre qui ne pourraient exister autrement.
Ou alors, à des arénas de village, comme vient de le suggérer l'ex-entraîneur du Canadien Alain Vigneault, depuis Vancouver. Une ville qui sait très bien de quoi elle parle quand il est question d'argent public et d'infrastructures de sport.
Ceux qui s'opposent au projet ou y sont réticents évoquent la nécessité d'une participation du privé.
Combien?
Je ne pense pas avoir vu de chiffres. J'imagine que ce doit être «le plus possible».
De retour de voyage, le maire Labeaume a été catégorique : «Oubliez le privé. A-t-on le droit de faire un cadeau aux citoyens, de leur donner ce qu'ils veulent? Ce sont eux qui payent les taxes.»
À moins d'avoir plusieurs gros locataires, un amphithéâtre ne sera jamais assez rentable pour intéresser un investisseur privé, évalue le maire.
«Ça donne bonne bouche de parler du privé, c'est à la mode, mais qui va mettre de l'argent? Le privé n'investit pas s'il n'y a pas de rendement.»
Encore moins s'il n'y a pas d'équipe de la LNH, peut-on penser.
À moins de parler de sommes symboliques ou de trouver un prodigieux mécène, on voit mal d'où pourrait venir l'argent privé.
Reste l'argent de J'ai ma place. Les 11,5 millions $ recueillis auprès de citoyens et d'entreprises sont significatifs.
Mais j'ai le mauvais pressentiment que plusieurs voudront reprendre leurs billes s'ils découvrent n'y a pas de hockey professionnel.
Sera-t-il plus facile de trouver de l'argent privé advenant le «retour» des Nordiques?
Dans son analyse économique du projet, la firme Ernst & Young suggère qu'il sera légitime d'exiger du propriétaire de l'équipe une «contribution financière importante».
C'est beau sur papier. Encore faudra-t-il que ce propriétaire y trouve son intérêt.
C'est ici que s'ouvrira le jeu des négociations entre l'équipe de hockey et le gestionnaire de l'amphithéâtre.
En théorie, on peut imaginer plusieurs scénarios de participation privée dans l'amphithéâtre :
1. contribution directe du propriétaire de l'équipe;
2. prix de loyer assez élevé pour rembourser une partie de l'investissement;
3. partage des revenus de concession, de stationnement et de publicité à l'avantage des pouvoirs publics;
4. vente du nom de l'amphithéâtre (le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, en a fait la suggestion cette semaine);
5. taxes sur les billets. Ernst & Young parle de 8 % à 10 %, ce qui pourrait rapporter entre 4 millions $ et 4,5 millions $ par an.
En pratique, trouver de l'argent privé risque de ne pas être si facile.
Le propriétaire de l'équipe ne fera pas de cadeau à la ville. Québec s'est tellement peinturée dans le coin avec le retour des Nordiques que c'est l'équipe qui aura le gros bout du bâton dans le rapport de force.
Il faut aussi comprendre que les revenus qu'on voudrait utiliser pour rembourser l'amphithéâtre (vente du nom, concessions, publicité, etc.) ne seront plus disponibles pour boucler les opérations courantes.
On ne sera pas plus avancé si l'injection d'argent privé dans l'amphithéâtre provoque des déficits d'exploitation qu'il faudra payer avec de l'argent public.
La dernière question est délicate, mais doit aussi être posée.
Se pourrait-il que des opposants au projet s'inquiètent surtout que l'amphithéâtre puisse servir les intérêts de Quebecor? Un réflexe de PKP bashing. Je n'ai pas la réponse.
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