Que nous réserve Stephen Harper pour 2012?
27 décembre 2011
Stéphanie Marin
La Presse Canadienne
Ottawa, Ontario
Après avoir aussi rapidement mis en oeuvre ses promesses électorales cet automne, Stephen Harper ne devrait pas sortir de gros lapin de son chapeau pour 2012, mais plutôt poursuivre sur sa lancée de gouvernement majoritaire qui n'a que faire des protestations de l'opposition et de ceux qui se mettent en travers de son chemin.
Mais il pourrait bien avoir à gérer certains contrecoups créés par ses décisions, estiment des observateurs de la scène politique.
Désormais à la tête d'un gouvernement majoritaire, le premier ministre a fait adopter en quatrième vitesse les projets de loi qui lui étaient chers - et qu'il avait promis à ses électeurs et partisans.
On pense ici à l'abolition de la Commission canadienne du blé et à l'ajout de sièges aux Communes pour que certaines provinces soient mieux représentées. La destruction du registre des armes de chasse n'a plus que deux étapes à franchir aux Communes et son sort est d'ores et déjà scellé par la majorité conservatrice. Même chose pour le projet de loi omnibus visant à durcir la justice criminelle, dont l'adoption n'est plus qu'une formalité.
Si bien que l'on peut se demander ce qui lui reste à accomplir en 2012.
«Stephen Harper est comme un général triomphant, regardant le champ de bataille encore fumant, rempli des débris de la guerre, des armes détruites jonchant le sol, se disant :'nous avons gagné»', décrit le professeur de politique de l'Université Queen's, Ned Franks.
«Et il doit se dire: ''Bon, maintenant, qu'est-ce qu'on fait?''».
À part son projet de réforme du Sénat, et celui sur les droits d'auteur, il a presque tout abattu son programme législatif.
L'année 2012 n'apporterait ainsi pas de coups d'éclat, ni de changements radicaux. Mais plutôt une solide - et ferme - continuité, prévoit Jean-Herman Guay, professeur de politique à l'Université de Sherbrooke.
«Encore plus de la même recette», résume Ned Franks.
«Dans la première année d'un mandat, les gouvernements mettent en oeuvre les mesures les plus dures, les plus costaudes, susceptibles de plaire à leur électorat. Il devrait glisser les mesures plus consensuelles pour la seconde partie de son mandat majoritaire», commente M. Guay.
Il croit ainsi que les troupes de Stephen Harper vont pousser encore plus leur programme en matière de sécurité et de loi et d'ordre.
L'ancien premier ministre libéral Jean Chrétien craint pourtant des mesures plus controversées. Dans une lettre de sollicitation de dons, il a demandé aux partisans libéraux d'ouvrir leur portefeuille, brandissant le spectre de «l'agenda caché» de Stephen Harper, faisant valoir qu'il s'attaquerait à la légalité du mariage gai et de l'avortement.
Pourtant, en campagne électorale, Stephen Harper a promis que son gouvernement, même majoritaire, ne toucherait pas à ces deux dossiers.
Et dans les coulisses du parti, c'est le même son de cloche. Pas forcément parce que le premier ministre approuve le mariage entre conjoints de même sexe et l'avortement, mais parce qu'il serait bien conscient que d'y toucher serait un geste politiquement dangereux.
Antonia Maioni, qui enseigne la politique à l'Université McGill, ne prévoit pas non plus de bombes pour 2012.
«Registre des armes à feu, environnement, immigration: on voit un gouvernement qui est prêt à tourner la page sur les chemins déjà tracés par les gouvernements antérieurs», juge-t-elle.
«On peut parler de virage idéologique, mais ce n'est pas caché».
«Harper est un stratège qui joue aux échecs. Ce n'est pas le prochain jeu qui compte, mais celui d'après», analyse-t-elle.
Selon M. Guay, «Stephen Harper veut que le Parti conservateur soit le nouveau parti de la gouvernance au Canada (à la place du Parti libéral). Il ne fait pas de mesures trop radicales, car le pays se gouverne surtout au centre.»
Il se demande d'ailleurs si les conservateurs, maintenant qu'ils ont tant accompli et ont montré qu'ils ont «une main de fer dans un gant de fer», seront plus respectueux de l'opposition.
Car en 2011, les bâillons, le rejet de tous les amendements de l'opposition, la limitation du temps de débat pour les divers projets de loi, tout était bon pour que les initiatives de Stephen Harper deviennent lois rapidement.
Ned Franks ne croit pas que les conservateurs se montreront plus conciliants. Les deux principaux partis d'opposition sont faibles, et sans chef.
Selon Mme Maioni, le plus important à venir sera le budget. Il sera révélateur de ce que Stephen Harper réserve aux Canadiens.
«On ne devrait pas être étonnés de voir changer certaines choses. On va voir ce qui va se passer au niveau du financement des programmes sociaux et du savoir», avance-t-elle.
Et on risque fort de voir Stephen Harper abandonner certaines choses, comme la culture, croit-elle.
Mais 2012 aura son lot de patates chaudes que M. Harper ne pourra éviter, croit Ned Franks.
Les conséquences du projet de loi omnibus pour durcir la justice criminelle vont commencer à se faire sentir, prévoit-il. Il y aura plus de personnes en prison et les coûts vont s'accumuler.
«Ce qui va causer une certaine anxiété et hostilité des provinces envers le gouvernement fédéral», prédit M. Frank.
Les conséquences des compressions annoncées de cinq à dix pour cent de tous les ministères fédéraux seront aussi connus en 2012, et vont rimer avec abolitions de postes et diminutions de services, rappelle-t-il.
Et Québec ne devrait pas avoir de grandes attentes pour 2012. La province a passé l'automne à dénoncer le projet de loi pour abolir le registre des armes de chasse et celui pour durcir la justice criminelle. Mais aussi à déplorer la nomination de hauts fonctionnaires unilingues anglais comme le nouveau vérificateur général.
La voix du Québec n'est pas entendue à Ottawa, conclut Mme Maioni. M. Guay attribue cette attitude en partie au mouvement souverainiste qui est en perte de vitesse. Le Québec serait ainsi moins une menace pour les fédéralistes.
Pourtant, le risque «le plus vague, mais pourtant le plus dangereux pour le gouvernement, c'est de s'aliéner le Québec», assure M. Franks.
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