Deux CV douteux
Dany Doucet
Le Journal de Montréal
11/09/2009 04h52
Les curriculum vitae de deux des trois candidats dans la course à la chefferie de l'Action démocratique du Québec laissent habilement croire qu'ils ont plus de scolarité qu'en réalité, eux qui n'ont ni diplôme universitaire, ni diplôme d'études collégiales (DEC).
Le niveau de scolarité devrait-il influer sur le choix du prochain chef de l’ADQ ?
À la lecture des curriculum vitae et biographies de Christian Lévesque et de Éric Caire, on a l'impression que l'un a fait des études collégiales en Ontario et que l'autre détient un baccalauréat.
Pourtant, ce n'est pas le cas.
Sur son CV disponible sur le site de l'ADQ, Éric Caire laisse croire qu'il détient une formation universitaire en communications de l'Université Laval, alors qu'il n'y a suivi qu'une seule session, en 1993.
«C'est clairement pas correct. Surtout sur une aussi longue période, il devrait indiquer clairement ce qu'il a réussi ou non», commente Florent Francoeur, président-directeur général de l'Ordre des conseillers en ressources humaines du Québec.
Pour sa part, Christian Lévesque parle d'«études collégiales» en Ontario alors qu'il s'agissait d'une cinquième année de high school, à peu près l'équivalent du secondaire ici, bien qu'il n'y ait pas vraiment de comparable.
«Comme c'est une biographie qui s'adresse à des Québécois, l'allusion au collégial n'est pas claire, car il n'y a pas vraiment d'équivalent ici à cette 13e année de high school, ajoute M. Francoeur. Au Québec, le collégial fait référence au niveau du cégep.»
Une vérification des faits
C'est notamment ce qui ressort d'une analyse effectuée par Le Journal de Montréal des différents CV disponibles sur les candidats en lice pour succéder à Mario Dumont.
Les candidats ont presque tous trois CV en circulation : un sur le site de l'Assemblée nationale, un sur celui de l'ADQ et un autre sur leur site de candidat à la chefferie.
Ce n'est pas autant sur la valeur du papier que devrait se porter les inquiétudes des membres de ce parti mais sur l'honneteté et la transparence de leur futur chef ?
En ce qui concerne Gilles Taillon, tous les renseignements académiques sont pareils d'un CV à l'autre, aucune anomalie ou imprécision n'a été trouvée.
Les trois candidats ont un programme substantiel en matière d'éducation et veulent revoir le système en profondeur.
La course à la chefferie de l'ADQ prend fin le 18 octobre prochain.
Éric Caire : pas de bac
Éric Caire vient finalement d'abandonner la référence au baccalauréat en communication qu'il évoque dans tous ses CV publics.
Ailleurs, notamment dans son CV de l'Assemblée nationale (mis à jour en juillet la dernière fois), on peut toujours y lire, entre parenthèses suivies d'un simple tiret pour indiquer subtilement que la formation suit son cours : Baccalauréat en communication, Université Laval (1993-).
Dans son CV sur le site officiel de l'ADQ, le tiret suivant «1993» a disparu, indiquant que le diplôme a été terminé en 1993, ce qui est faux.
Dans sa récente biographie à titre de candidat à la chefferie, le député de La Peltrie ne parle plus de cette formation, mais il y évoque le début de son cégep, sans y préciser qu'il n'a jamais terminé ce cours non plus.
M. Caire a plus tard complété une attestation d'études collégiales (AÉC) en informatique. Quand? Obtenue en 2001 selon ses CV et débutant en 1997 selon sa biographie de candidat à la chefferie.
Année charnière
«L'année 1997 fut une année charnière pour moi, écrit-il. Je retournai aux études afin de compléter au Collège Multi-Hexa un diplôme comme programmeur-analyste.»
Il s'agit en fait d'une formation collégiale sans mathématiques, ni français ou philosophie.
C'est donc sans diplôme d'études collégiales (DEC) et par le biais de la porte d'entrée du service d'éducation aux adultes que M. Caire avait réussi son inscription à l'Université Laval, en 1993, où il n'a complété qu'une seule session.
Joint par Le Journal, M. Caire a assuré qu'il avait réussi ses cours, une information impossible à corroborer auprès de l'Université Laval.
«C'est un bac non complété. Il faudrait un jour que je me réinscrive», a commenté M. Caire.
Christian Lévesque : pas de collégial
Après avoir réussi son secondaire au Québec, l'ex-député de Lévis Christian Lévesque précise, dans sa biographie disponible sur son site Internet de candidat à la chefferie, qu'il s'est inscrit au Saint-Lawrence High School de Toronto. L'école a été rebaptisée depuis Lawrence Park Collegiate Institute.
«Dès ses études collégiales, qu'il a effectuées à Toronto au St-Lawrence High School, il a décidé de retourner dans le monde du commerce», peut-on lire dans sa biographie de candidat à la chefferie.
Son attaché de presse, Arianne Gauthier, a expliqué au Journal qu'il s'agissait d'une formation «préuniversitaire», alors que M. Lévesque parle plutôt d'«études collégiales».
«Ayant compris qu'il était plus à l'aise dans le domaine des affaires que sur les bancs d'école, c'est donc au cours de ses études collégiales à Toronto (Grade 13, St-Lawrence High School) qu'il a décidé de retourner dans le monde du commerce».
En Ontario, le high school est nécessaire pour entrer au collège ou à l'université. Il faut être au collège pour parler d'études collégiales.
Depuis, le ministère de l'Éducation ontarien a éliminé cette 5e année du high school, connue là-bas comme «Grade 13».
M. Lévesque ne parlait pas de cette formation dans son CV de l'Assemblée nationale.
Sa récente biographie évoque aussi une formation de niveau universitaire : «Christian a poursuivi sa formation à l'Université de Philadelphie, à la Leadership Academy», peut-on lire.
Le Journal n'a pu déterminer quelle était la nature exacte de cette formation et l'attaché de presse de M. Lévesque n'a pas retourné nos appels, hier.
Ce n'est pas autant sur la valeur du papier qui devrait inquiéter les membres de ce parti mais de l'honneteté et la transparence de leur futur chef....
