La maladie de Jack Layton et les journalistes
Yves Boisvert
19 décembre 2011
La collègue Chantal Hébert, dans le Toronto Star, écrit que les médias n’ont pas fait leur travail lors de la dernière campagne électorale en ne posant pas assez de questions sur l’état de santé véritable du chef du NPD, Jack Layton.
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Sans doute sa mort, quatre mois après les élections générales, a eu des conséquences politiques sérieuses.
Notamment en privant le Parlement d’une véritable opposition officielle.
Les meilleurs éléments ont été occupés à faire campagne et c’est une bande de juniors qui tenait le fort néo-démocrate cet automne.
Les journalistes, dit Chantal Hébert, n’auraient pas été aussi complaisants avec Stephen Harper ou Michael Ignatieff, s’ils avaient eu un cancer de la prostate “guéri” pour ensuite marcher avec une canne, prétextant une mauvaise chute.
Pourquoi?
Parce qu’on les voyait comme potentiels premiers ministres. Or, dit-elle, on s’en rend maintenant compte, M. Layton était à quelques points de former un potentiel gouvernement de coalition avec les libéraux.
On peut échafauder toutes les hypothèses d’après-match. Le fait est que les succès du NPD étaient largement imprévisibles et théoriques.
Mais quoi qu’il en soit, qu’aurait-il fallu faire? Poser des questions lors de chaque point de presse?
Exiger un bilan de santé pour tous les chefs de parti?
Tous ceux qui ont côtoyé des gens atteints du cancer le savent: les pronostics sont le plus souvent imprécis, contradictoires, et interprétés de toutes sortes de manière par le patient lui-même.
Quand il y en a.
Je préfère présumer que les chefs de parti ne sont pas intéressés à se présenter lorsqu’ils sont en phase terminale.
Pour avoir vu Jack Layton tout de suite après les élections, je ne peux pas dire qu’il donnait l’impression d’un homme sur le point de mourir.
La conférence de presse qu’il a donnée, deux mois plus tard, amaigri, faible, pour annoncer son retrait “temporaire”, a causé un choc à tout le monde.
Ce n’est qu’en rétrospective qu’on s’est dit qu’il était peut-être malade gravement même pendant la campagne.
Peut-être. À ce jour, on ignore s’il le savait lui-même.
Il est vrai que la santé d’un leader politique est une question d’intérêt public, un objet légitime d’interrogation journalistique. Jusqu’à un certain point.
Jusqu’à quel point? Poser des questions à un homme qui a rendu publique sa maladie, très bien.
Reposer des questions par la suite, fort bien.
On ne peut pas présumer que Jack Layton “le savait”. Autrement dit, il se peut fort bien que toutes les questions ne nous auraient rien appris.
On ne peut pas présumer qu’il y a eu une fraude intellectuelle.
Pour aller au-delà, il faudrait exiger la publication d’un bulletin de santé. C’est ce qu’on fait aux États-Unis avec le président.
Ça me semble une intrusion excessive dans la vie privée du candidat. Je préfère me contenter de ses réponses et me fier à sa bonne foi médicale.
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