Une amie de Marjorie Raymond se confie
«L'avoir vu avant, on l'aurait sauvée»
Taïeb Moalla
2décembre 2011
Lundi, quelques instants avant de mettre fin à ses jours, Marjorie Raymond a envoyé un véritable cri de détresse, par courriel, à Jessica Marin. Malheureusement, sa meilleure amie n'a consulté sa messagerie que le lendemain.
«Si je l'avais vu, je serais allée chez eux. J'aurais peut-être pu...», a lâché Jessica, trop émue pour pouvoir compléter sa phrase.
Détail encore plus troublant, Marjorie aurait également envoyé un message texte, dimanche, à une autre amie pour lui annoncer qu'elle comptait mettre fin à ses jours. «La fille n'a pas allumé. Elle n'a été voir personne et elle n'en a pas parlé», regrette amèrement Jessica.
Victime elle aussi d'intimidations et complètement dévastée par le suicide de Marjorie Raymond, Jessica Marin, 18 ans, a décidé de ne plus remettre les pieds à l'école secondaire Gabriel-Le Courtois de Sainte-Anne-des-Monts.
«On s'est vues toute la semaine dernière. Elle riait. Tout allait bien. Elle avait du fun, mais elle ne voulait pas aller à ses cours. Elle avait peur des filles qui l'écœuraient beaucoup. Je lui disais : sois forte ma belle. Laisse-les faire, continue à vivre ta vie. J'essayais de lui remonter le moral», a décrit Jessica.
Cette dernière se faisait intimider par une autre «clique» que celle qui s'en prenait à Marjorie. Elle a d'ailleurs redoublé deux années de scolarité à cause de cette situation.
Même si elle doit normalement achever son secondaire 5 ce printemps, Jessica a décidé de le faire bien loin de Sainte-Anne-des-Monts.
«Je ne veux plus aller à l'école. J'ai vécu la même chose que Marjorie. J'avais peur d'affronter et d'avancer, a-t-elle rapporté. Je veux aller retrouver mes frères à Rimouski et connaître d'autres choses. Je ne suis plus capable. Je veux m'en aller de là.»
«Je ne veux pas la perdre»
Aussi traumatisée que sa fille, Maryse Marin avait la voix encore nouée par l'émotion lorsque nous avons pu lui parler, jeudi.
«Jessica s'est mise à crier et à pleurer en lisant le message de Marjorie, mardi, a-t-elle décrit. Elle me disait : L'avoir vu avant, on l'aurait sauvée.»
Affirmant trouver la situation «très difficile», Mme Marin ne sait plus à quel saint se vouer. «J'ai toujours forcé ma fille à aller à l'école même si elle pleurait et qu'elle se refermait sur elle-même ces derniers temps, a-t-elle fait remarquer. En tant que parent, je disais toujours à Jessica : Ignore-les, laisse-les faire, ne frappe pas sur les autres (...) Mais là, j'ai très peur. Je ne veux pas la perdre. Vu que c'était sa grande chum, j'ai pas le goût qu'il se passe le même drame.»
«M'en veux pas»
Ceci est le dernier courriel envoyé par Marjorie à Jessica, lundi en fin de matinée. Nous le reproduisons tel quel.
«!!asti dvie dmarde!!!!ya juste toi d'bon ds ma vie!! Je t'aime enormément ma belle je serais la pour te protéger.Men veux pas pour le geste que je vais poser...xxxx Marjorie».
La DPJ en dernier recours
Sans vouloir commenter le suicide de Marjorie Raymond, la Commission scolaire des Chic-Chocs a rappelé que la menace de faire intervenir la Direction de la protection de la jeunesse faisait partie des «protocoles» en vigueur.
La Loi sur l'instruction publique prévoit que «le directeur de l'école s'assure, selon les modalités établies par la commission scolaire, que les élèves fréquentent assidûment l'école».
En cas d'absences non motivées, le même texte stipule que «le directeur de l'école intervient auprès de l'élève et de ses parents en vue d'en venir à une entente avec eux et avec les personnes qui dispensent les services sociaux scolaires sur les mesures les plus appropriées pour remédier à la situation».
Cela dit, «lorsque l'intervention n'a pas permis de remédier à la situation, le directeur de l'école le signale au directeur de la protection de la jeunesse après en avoir avisé par écrit les parents de l'élève», prévoit la législation.
L'intimidation en milieu scolaire (primaire et secondaire) au Québec
Voies de faits simples
2009-2010 : 493 arrestations
2010-2011 : 497 arrestations
Harcèlement criminel
2009-2010 : 104 arrestations
2010-2011 : 109 arrestations
Profération de menaces
2009-2010 : 390 arrestations
2010-2011 : 419 arrestations
Intimidation
2009-2010 : 66 arrestations
2010-2011 : 22 arrestations
Source : Sûreté du Québec
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