Anya a écrit : Est-ce que Paul Laplante peut utiliser l'héritage de Diane Grégoire pour payer ses frais d'avocat?
David Dolan,notaire Intervenants : Benoît Dutrizac
Durée : 8:29 Date : 15/12/2011
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Merci pour le lien, Anya.
Pour en faciliter un peu la compréhension, voici la transcription que j'ai faite de l'entrevue.
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"Est-ce que Paul Laplante peut utiliser l’héritage de Diane Grégoire pour payer ses frais d’avocat?
David Dolan, notaire.
Benoît Dutrizac.
BD : On apprenait ce matin que Diane Grégoire a hérité de 1 million de dollars en 2007. Elle est mystérieusement disparue en 2008. Hier, Paul Laplante, le conjoint de Diane Grégoire, a été formellement accusé de meurtre prémédité au Palais de justice de Salaberry-de-Valleyfield.
La question qu’on se posait, puis j’ai reçu un courriel ce matin qui posait la même question : est-ce que l’héritage de Diane Grégoire peut payer les frais d’avocat de Paul Laplante qu’on accuse de l’avoir tuée? Avec nous, le notaire David Dolan.
BD : Monsieur Dolan, bonjour.
DAVID DOLAN : Bonjour.
BD : Alors la question est très simple, vraiment : est-ce que Paul Laplante peut utiliser l’argent de Diane Grégoire qu’elle a eu en héritage, et en plus qu’on l’accuse de l’avoir tuée, pour payer son célèbre avocat?
DD : Bien écoutez, il y a plusieurs volets, je pense, dans cette question-là. La première réponse, ce serait de vous dire «Non, je vois pas comment on pourrait utiliser cette somme-là», pour plusieurs raisons.
D’abord, probablement ce qui est arrivé… C’est difficile, et je ne veux pas nécessairement entrer dans le cas directement, mais lorsqu’un personne disparaît au Québec, elle est présumée à ce moment-là absente.
Donc c’est un peu ce qui est arrivé à la dame en 2007… non, 2008, elle est disparue, et il y a quelque chose dans le Code civil qui prévoit que lorsqu’une personne disparaît, elle est présumée vivante tant qu’on prouve pas qu’elle est décédée, et ça, ça dure pendant 7 ans.
Donc pendant cette période-là, la personne qui est présumée vivante, mais qui est absente, on doit lui nommer quelqu’un pour s’occuper de gérer ses biens. Alors dans notre dossier, est-ce que c’est le mari qui a été nommé? Bon, imaginons que c’est ça. Quand on est nommé pour gérer les biens d’une personne absente, on a des règles à suivre. On peut pas utiliser cet argent-là nécessairement pour nous. On doit gérer selon des règles très précises et ça peut pas être utilisé pour nos fins à nous.
Ça, c’est la partie tant que la personne est présumée vivante parce qu’elle est absente.
A partir du moment où une personne décède ou, enfin, qu’on prouve son décès, elle n’est plus présumée absente à ce moment-là, elle est décédée. Donc là, normalement, la partie de gestion des biens devrait cesser et là on devrait ouvrir une succession et dire à ce moment-là qui sont les héritiers de la personne qui est décédée.
Il y a un certain délai qui s’applique, mais c’est là qu’on embarque dans le deuxième volet où, lorsqu’une personne décède, ses héritiers, il se peut que ce soit pas ceux qu’on pense, parce qu’il y a un principe qui dit qu’on peut pas hériter d’une personne si on est jugé indigne d’hériter de cette personne-là.
BD : O.K.
DD : Les raisons pour être indigne d’une personne, la première principale, c’est d’attenter à la vie d’une personne. Si on est déclaré coupable d’avoir attenté à la vie du défunt, automatiquement on appelle ça de l’indignité de plein droit. Donc ça c’est automatique; s’il y a un jugement qui reconnaît coupable quelqu’un, il est automatiquement retiré. On n’a qu’à sortir le jugement, puis la personne n’hérite pas.
BD : Mais est-ce que quelqu’un doit faire des démarches pour démontrer l’indignité de la personne en question?
DD : Bien voilà, c’est ça, c’est que quand c’est fait de plein droit lorsque c’est un jugement… On n’est pas rendus là. Il n’y a pas de jugement encore et ça peut prendre des mois, des années, je ne sais pas.
Alors là, c’est sûr qu’en attendant, il faut peut-être faire des choses, mais imaginons, c’est qu’il y a un deuxième volet. C’est que si jamais on n’avait pas un jugement et que la personne n’est pas reconnue coupable ou que la personne a été reconnue coupable mais elle était comme acquittée pour cause de… de…
BD : Faute de preuves?
DD : Ou elle n’était pas en connaissance de cause. On entend ça des cas où elle a pas toute sa tête, puis enfin, je ne veux pas rentrer dans d’autres détails.
Si ça arrivait ce point-là et que la personne était acquittée, on peut quand même… S’il y a vraiment des faits qui nous font dire qu’elle était quand même la personne qui a attenté à la personne, elle pourrait être reconnue quand même indigne, mais là il faut s’adresser au tribunal. Il faut justifier.
Il y a eu des cas de jurisprudence qui sont venus dire que même si la personne avait été acquittée pour faute de preuve ou pour un vice de procédure ou peu importe, on pouvait quand même la déclarer indigne, mais là il faut s’adresser au tribunal. Là il faut faire vraiment une démarche et plaider puis arriver avec des preuves puis justifier le pourquoi la personne est indigne.
Donc c’est clair que, oui, il y a des démarches à faire. En attendant, là c’est plutôt une question de protéger les actifs. Ce qu’on peut faire, sans nécessairement parler de ce dossier-là, mais lorsqu’on pense qu’il y a des biens à quelque part et que le débiteur ou, enfin, la personne qui a des comptes à rendre, on a peur qu’il dilapide les biens ou qu’il fasse des choses avec l’argent puis qu’il s’en serve pour lui-même ou pour d’autres fins que celles pour lesquelles il était mandaté, que ce soit comme tuteur des biens, administrateur, il faut prendre un avocat et évidemment demander soit saisie avant-jugement ou, enfin, faire des démarches pour essayer de faire bloquer pour pas que les fonds disparaissent.
BD : Monsieur Dolan, quand on parle de geler les avoirs, est-ce que ce sont les démarches dont vous venez de parler?
DD : Oui, c’est ça en réalité. C’est certain que les gens qui veulent protéger le patrimoine, qui seraient en droit d’avoir ces sommes-là, si la personne qui les a en ce moment est pas supposée de les avoir puis va les perdre éventuellement, ces gens-là devraient contacter tout de suite évidemment un avocat pour voir les procédures à faire pour faire effectivement geler les fonds.
Là ce qui est embêtant, c’est qu’on n’a pas toutes les informations dans ce dossier-là.
BD : Je lisais, monsieur Dolan, dans le journal que le présumé meurtrier a fait signer une procuration à sa conjointe un peu avant sa disparition afin d’avoir accès à ses comptes bancaires. Qu’est-ce que ça signifie?
DD : Bon, voyez-vous, c’est ça. C’est que quand une personne est présumée absente, ce que j’ai expliqué au tout début, c’est qu’à ce moment-là on lui nomme un tuteur, sauf si la personne qui est disparue avait déjà donné le mandat à quelqu’un d’agir pour la représenter. Donc on présume que dans ce dossier-là, c’est ce qui est arrivé.
A ce moment-là c’est vraiment… Le Curateur public est là pour protéger les gens au Québec. On a le Curateur public du Québec. Alors la famille proche peut s’adresser encore une fois à un avocat pour dire «On pense que la personne qui agit avec un mandat peut pas agir.»
De toute façon, maintenant que la personne est décédée, on peut plus agir avec un mandat. La procuration de gestion n’est plus bonne. La personne est décédée. On a la preuve. A ce moment-là, ça, ça tombe et là on embarque dans le processus de succession.
Ça fait que cette partie-là, même s’il avait procuration, ça ce sera une autre chose. Il aura des comptes à rendre au liquidateur, le vrai liquidateur qui sera nommé à la succession. Celui qui a fait la gestion pendant les deux (2) années que ç’a duré devra rendre des comptes de qu’est-ce qu’il a fait avec les sommes.
BD : Et si le présumé meurtrier qui est trouvé coupable a déjà dépensé l’argent appartenant à la victime?
DD : Ça c’est le problème qu’on retrouve dans plein de situations où on a des droits. On peut les faire valoir dans le Code civil avec un avocat, puis on se fait représenter, puis on va peut-être gagner notre cause, mais si la personne a dilapidé les biens ou les a mis à l’abri, les a transférés dans un autre pays ou tout simplement a tout dépensé, on se retrouve avec rien, et ça c’est une situation qu’on ne souhaite pas ici dans ce dossier-là.
BD : Donc il faut être vigilant. Il faut que la famille soit vigilante.
DD : Ah bien oui, tout à fait. Il faut vraiment agir, je pense, avec célérité.
BD : Très bien. Merci beaucoup pour ces explications. C’était à peu près limpide. Même moi j’ai compris.
DD : A peu près? (rire)
BD : Non, non, mais c’est --
DD : (Inaudible)
BD : C’est un sujet assez délicat aussi parce qu’on veut présumer de rien, puis on veut entacher la réputation de personne, mais devant le problème et surtout devant cette nouvelle d’héritage de 1 million et la disparition un an plus tard de Mme Grégoire, on est en droit de se poser des questions. Merci, monsieur Dolan.
DD : Ça me fait plaisir.
BD : Aurevoir."