Publié le 08 avril 2010 à 08h02 | Mis à jour à 08h02
Il faut sauver le colonel Williams
Pierre Jury
Le Droit
Plusieurs Canadiens se demandent bien pourquoi les autorités de la prison Quinte sont intervenues, samedi, pour sauver la vie du colonel Russell Williams, qui a tenté de se suicider.
Le colonel Williams est ce militaire qui est accusé du meurtre de deux femmes de Trenton, la caporale Marie-France Comeau, à l'automne, et Jessica Lloyd, en février. Il est également accusé d'agressions sexuelles sur deux femmes de la région de Trenton, survenues en septembre 2009.
Ce cas a monopolisé l'attention du public, parce que le colonel Williams était, à ce moment-là, un militaire de haut rang, commandant de la base militaire de Trenton,
Le colonel Williams aurait tenté de se suffoquer en ingurgitant du papier, du carton et du papier d'aluminium. Il avait bloqué la serrure de sa cellule, où il attend son procès pour double meurtre prémédité. Il est depuis sous observation constante au centre de détention Quinte, dans la région de Kingston, à deuxheures au sud-ouest d'Ottawa.
Pourquoi investir des fonds publics pour prévenir qu'un accusé mette fin prématurément à ses jours? N'est-ce pas du gaspillage de nos impôts, questionnent certains?
En apparence, oui.
Mais le procès pourrait éclairer la population et les autorités sur les motifs qui pourraient pousser un homme qui a, de toute évidence, réussi dans la vie, qui vit une relation stable avec une femme, de commettre des meurtres aussi sordides? Tout ceci doit évidemment être prouvé devant le tribunal, mais le questionnement demeure.
Et puis, il y a tout ce qui pourrait surgir comme informations au cours d'un tel procès. Le colonel Williams a habité dans plusieurs communautés à travers le pays, à Kingston, à Ottawa et en Nouvelle-Écosse, et a servi au Moyen-Orient. Il se pourrait que des disparitions survenues là mènent à d'autres accusations criminelles, au fil des enquêtes qui ont redémarré pour tenter d'établir un lien entre le colonel Williams et ces victimes. Déjà, une famille de la région de Kingston a demandé que l'enquête sur le décès non résolu de leur fils, en octobre 2003, fasse l'objet de vérifications. Le colonel Williams étudiait au Collège militaire royal, à Kingston, à la même époque.
Toutes ces familles cherchent à fermer un chapitre difficile de leurs vies, qui correspond à la perte d'un être cher. Les questions de la Couronne, dans un futur procès, pourraient peut-être permettre au colonel Williams de révéler une quelconque responsabilité dans ces affaires sordides.
Si les autorités avaient agi avec laxisme et négligé de sauver la vie du colonel Williams, qui sait quels secrets il aurait amenés dans sa tombe? Les gardiens de la prison de Quinte ont donc très bien fait en intervenant aussi rapidement que possible pour éviter le décès du colonel Williams.
Au terme de son procès, s'il devait être reconnu coupable, le colonel Russell Williams vivrait alors avec tout le fardeau de la responsabilité, de la culpabilité et de la honte qu'il aurait éclaboussée sur lui, sa famille, ses proches et ses collègues. Cela pourrait être trop lourd à porter et il ne serait pas impossible qu'il passe alors à l'acte. Ce sera sa décision.
Mais, pour le moment, il faut sauver la vie du colonel Williams. Pour comprendre ce qui s'est passé, et pour que les familles des victimes puissent y vivre leur deuil.
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