Les pauvres agresseurs
Richard Martineau
03/12/2011 05h44
Jeudi, je disais que j'en avais ras le bol de notre complaisance envers les agresseurs et les intimidateurs.
Que c'est bien beau, jaser, parler, discuter avec les p'tits baveux qui font régner la terreur à l'école, mais qu'un moment donné, il faut sévir.
Ma chronique m'a valu une réponse très symptomatique et très révélatrice d'une intervenante.
Le mal-être des bourreaux
"Je vous inviterais à vous informer avant d'écrire sur des problématiques sociales, écrit Emmanuelle Locas, étudiante en travail social à l'Université du Québec en Outaouais.
"Ces p'tit criss comme vous les appelez sont souvent des jeunes qui souffrent eux-mêmes à leur façon. Je n'excuse pas leurs gestes ou leurs paroles d'intimidation, comprenez-moi bien. Par contre, je vous invite à tenter de comprendre POURQUOI ils agissent ainsi. C'est en comprenant quelque chose, en cernant les causes, qu'on peut intervenir efficacement.
«Il faut leur montrer d'autres manières d'exprimer leur mal-être à eux. C'est pour cela qu'on nous forme, nous, les intervenants, à qui vous vous adressez du haut de votre condescendance.»
Deux victimes
Tout est là.
En quelques lignes, cette future travailleuse sociale (qui va, j'en suis sûr, parfaitement s'intégrer dans son milieu de travail et connaître une carrière longue et fructueuse ponctuée de colloques et de congrès) a réussi à résumer parfaitement la pensée angélique des intervenants.
La violence est le résultat d'un mal être, les agresseurs sont de pauvres victimes qui ne savent pas comment s'exprimer, etc.
Bref, dans les cas d'intimidation, il y a deux victimes : le jeune qui se fait écoeurer, agresser, humilier, insulter, tabasser et violenter, et le pauvre agresseur, qui, après avoir poussé un élève dans une case et lui avoir foutu une baffe en pleine cafétéria, va secrètement pleurer dans les toilettes, rongé par le remords et les regrets.
Si je suis condescendant, madame Locas, vous, vous êtes insultante envers les VRAIES victimes d'intimidation.
Sur le même niveau
Dans le courriel que vous m'avez envoyé, madame l'étudiante, vous n'avez pas daigné écrire un mot, UN SEUL, sur Marjorie Raymond. Rien.
Mais sur les agresseurs, par contre, vous ne tarissez pas.
Un détail ? J'en doute. Vous et vos confrères êtes tellement entraînés à penser au mal-être des agresseurs que vous oubliez celui des victimes.
Des victimes si souffrantes, si brisées qu'elles ne voient d'autre issue que la mort.
En connaissez-vous, madame Locas, des agresseurs qui se sont pendus dans le garage de leurs parents car ils souffraient dans leur corps et dans leur âme d'être des monstres ?
Comment pouvez-vous mettre la souffrance de la victime et celle de l'agresseur sur le même niveau ?
La chaîne
Remarquez, je ne blâme pas cette étudiante. Elle crache mécaniquement ce qu'on lui a appris.
À savoir que tout le monde est une victime. Il n'y a plus de bien et de mal, d'agresseurs et d'agressés, juste une interminable chaîne de martyrs et de souffre-douleurs qui font la queue devant le comptoir des plaintes de la vie.
Vous verrez, bientôt, on va nous dire que celui qui frappe souffre plus que celui qui est frappé.
Au moins, une blessure physique, ça se soigne. Alors que le pauvre agresseur, lui, est la victime d'une machination sociale qu'il ne peut détruire.
http://fr.canoe.ca/infos/chroniques/ric ... 54401.html" onclick="window.open(this.href);return false;