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La pandémie de grippe a mis en lumière un côté peu glorieux des humains
Par Pierre Saint-Arnaud, LA PRESSE CANADIENNE
à 15h18 HAE, le 22 décembre 2009.
MONTREAL - La pandémie de grippe A (H1N1) a donné lieu à des efforts remarquables des réseaux de santé et à des gestes dignes de mention mais elle a aussi fait ressortir quelques côtés plus retors de l'espèce humaine.
Dès le départ, le fait que nous vivions à l'ère des communications (et des experts en communication publique) a créé un problématique jusque-là inédite: quel nom donner à l'épidémie? Jamais dans le passé avait-on en effet contesté les appellations de grippe espagnole, asiatique ou de Hong Kong.
LA PRESSE CANADIENNE/Pawel Dwulit
Initialement appelée grippe porcine parce que la souche avait été identifiée dans cette espèce, il a fallu se raviser devant les interventions musclées des lobbys de l'industrie du porc qui voyaient leur produit étiqueté comme dangereux, même si ce n'était pas le cas. Ironiquement, des embargos ont été placés sur le porc canadien après que des animaux eurent été infectés ... par des humains porteurs.
Puis, le nom de grippe mexicaine a commencé à circuler, une référence au lieu d'origine de la propagation du virus, au grand dam des autorités mexicaines. A leur grand soulagement, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est intervenue en cours de route pour s'assurer qu'on lui donnerait son nom scientifique de grippe A (H1N1) qui, malgré son inélégance, a collé.
Dans la catégorie "faites ce que je dis et non ce que je fais", le gouvernement canadien aura marqué des points: le 27 avril 2009, le ministre de la Sécurité publique Peter Van Loan qualifiait d'exagérée la décision de certains pays (notamment l'Inde et la Malaisie) de conseiller à leurs ressortissants d'éviter le Canada en raison de la présence de cas de grippe porcine. Dès le lendemain, le 28 avril, le Canada déconseillait à ses ressortissants de se rendre au Mexique pour les mêmes raisons.
Bien que les autorités aient signalé que le virus était bénin, la peur était au rendez-vous partout dans le monde: le 6 mai, Haïti refusait l'entrée au pays d'un bateau mexicain qui transportait 70 tonnes de vivres, une aide humanitaire en réponse à la famine qui sévissait à plusieurs endroits dans la perle des caraïbes à la suite de violentes tempêtes.
Plus près de nous, des Canadiens - dont une trentaine d'étudiants de l'Université de Montréal - furent placés en quarantaine en Chine, simplement parce qu'ils venaient du Canada, une situation injustifiée qui a perduré quelques jours.
En préparation de la recrudescence du virus à l'automne, une communauté autochtone du nord du Manitoba recevait de Santé Canada en septembre des housses mortuaires, soulevant l'indignation de ses membres et de la ministre fédérale de la Santé Leona Aglukkaq, elle-même autochtone.
Au début de la deuxième vague, à l'automne, l'ouverture de la campagne de vaccination massive a donné lieu à certains des événements les plus disgracieux de la pandémie. Ainsi, certaines vedettes ont obtenu un passe-droit pour une vaccination hâtive, de même que des membres de fondations d'hôpitaux, alors que l'on commençait à peine la vaccination des premiers groupes vulnérables.
Le ministre québécois de la Santé, Yves Bolduc, a alors menacé de sanctionner les infirmières qui feraient des passe-droits, provoquant la colère de leur syndicat qui a demandé des excuses qui ne sont jamais venues.
Le porte-parole de l'opposition péquiste en matière de santé, Bernard Drainville, y est allé pour sa part d'une sortie on ne peut plus politique, accusant Ottawa de ne pas fournir au Québec sa juste part de vaccins. L'accusation n'a jamais été confirmée ou infirmée.
De son côté, la Fédération de l'âge d'or du Québec (FADOQ) a senti le besoin d'une sortie publique pour dénoncer la discrimination dont étaient victimes les personnes âgées souffrant de maladies chroniques puisqu'elles n'avaient pas été incluses dans les groupes prioritaires, une lacune finalement corrigée par Québec.
Même le milieu du hockey professionnel n'y a pas échappé. Les Flames de Calgary ont bénéficié d'une clinique de vaccination privée alors que les groupes à risque étaient encore à recevoir l'inoculation, ce qui a valu à au moins deux fonctionnaires de la santé albertaine d'être congédiés.
Tout au long de la pandémie, Internet a fait oeuvre d'information mais aussi de désinformation et de machine à rumeurs. Ainsi, tous les détracteurs des vaccins y ont trouvé un véhicule pour transmettre leur point de vue, forçant les autorités de santé publique à consacrer des efforts additionnels pour faire passer leur message pro-vaccination.
Le cyberespace nous a également permis de découvrir les plus farfelus (et inexacts) des conseils pour lutter contre la grippe, dont: éviter tout contact avec la cravate d'un médecin, fumer des cigarettes électroniques, ou encore déposer des oignons autour de la maison.
Enfin, la grippe porcine-mexicaine-H1N1 aura aussi fait quelques gagnants: les compagnies pharmaceutiques qui fabriquent le vaccin au premier chef, mais aussi les laboratoires médicaux privés, dont certains ont exigé des frais exorbitants pour des analyses, les fabricants de masques, de liquides antiseptiques et de lingettes stérilisantes, pour ne nommer que ceux-là.
En contrepartie, les compagnies aériennes, plusieurs lieux de récréation où les gens se réunissent en grand nombre et les industries touristiques de plusieurs régions du globe ont souffert sérieusement de la pandémie.
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