Passages de livres (citations)
Modérateur : Elise-Gisèle
Pas inusité, mais assez particulier tout de même, de trouver de la poésie dans un roman policier. Beaucoup plus fréquent dans le polar chinois, si on en juge par les écrits de l'auteur Qiu Xialong.
En voici un aperçu tiré du roman De soie et de sang p.81:
Pour vous situer un peu, le personnage principal, inspecteur de son métier est en même temps traducteur de roman et prépare une thèse universitaire. Il entre dans un "bar-poterie" au cours de l'enquête, pour attendre une personne qu'il veut obtenir des informations. Dans ce bar, il voit deux jeunes amoureux qui lui amènent en mémoire, un poème d'une poétesse du XIIIe siècle.
« Toi et moi brûlons
l'un pou l'autre,
comme perdus dans le four du potier.
D'une poignée
de glaise, forme un toi,
forme un moi. Réduis-nous
de nouveau en glaise, ajoute
de l'eau, reforme
un toi, reforme un moi.
Afin que tu sois dans mon corps et moi dans le tien. »
Également, en p.103, il est question d'une des victimes qui exerçait le métier particulier de compagne-de-repas. La victime était très belle et venait d'un milieu pauvre.
«...Par la fenêtre, elle voyait les branches nues des saules dans le vent d'automne et n'était sûre que d'une chose: une ouvrière du textile vieillit vite.
Bientôt, la splendeur du printemps s'efface de la fleur. Rien n'arrête la pluie froide, ni le vent perçant. »
J'en étais ce matin à essayer de combler un peu le retard que j'ai pris dans mes annotations sur mes livres lus, et je suis tombée sur un extrait de mon livre coup de coeur 2007.
Extrait en page 48 de "Cloudstreet" de Tim Winton.
Quelques semaines plus tard, un soir qu’elle était au piano méditant les possibilités de distraction, son cœur s’arrêta. Elle poussa un cri étonné, scandalisé et son nez heurta le do de serrure avec assez de force pour assombrir la pièce de bruit. Son nez était fort et osseux, et le do de serrure résonna dans cette bibliothèque jusqu’à ce que la rigidité cadavérique s’installe. La pièce absorba ses sucs et la chaleur de l’été lui travailla si bien le corps que sa surface prit la consistance dure et sèche d’une meringue.
C’est ainsi que le vicaire la trouva lorsqu’il vint lui rendre visite pour faire le point. L’odeur le renversa comme un coup de calibre 303 et il prit la fuite en saignant du nez. Le saignement de nez dura sept jours et sept nuits. L’homme n’en mourut pas, mais il en perdit sa foi en la bonté humaine, se fit baptiste pour commencer, banquier pour finir.
La maison fut barricadée avec des planches, et retint son souffle.
Extrait particulièrement savoureux. L’humour noir du genre pince-sans-rire fait ressortir ce passage du bouquin. Cet extrait à la poésie sous-jacente se pose évidente pour faire une finale en beauté.
Extrait en page 48 de "Cloudstreet" de Tim Winton.
Quelques semaines plus tard, un soir qu’elle était au piano méditant les possibilités de distraction, son cœur s’arrêta. Elle poussa un cri étonné, scandalisé et son nez heurta le do de serrure avec assez de force pour assombrir la pièce de bruit. Son nez était fort et osseux, et le do de serrure résonna dans cette bibliothèque jusqu’à ce que la rigidité cadavérique s’installe. La pièce absorba ses sucs et la chaleur de l’été lui travailla si bien le corps que sa surface prit la consistance dure et sèche d’une meringue.
C’est ainsi que le vicaire la trouva lorsqu’il vint lui rendre visite pour faire le point. L’odeur le renversa comme un coup de calibre 303 et il prit la fuite en saignant du nez. Le saignement de nez dura sept jours et sept nuits. L’homme n’en mourut pas, mais il en perdit sa foi en la bonté humaine, se fit baptiste pour commencer, banquier pour finir.
La maison fut barricadée avec des planches, et retint son souffle.
Extrait particulièrement savoureux. L’humour noir du genre pince-sans-rire fait ressortir ce passage du bouquin. Cet extrait à la poésie sous-jacente se pose évidente pour faire une finale en beauté.
Extrait de « La route » de Cormac McCarthy
Mise en situation. Fin du monde que nous connaissons. Un débile a finalement pesé sur le bouton OFF. Un père à son fils.
« Il faut que tu portes le feu.
Je ne sais pas comment faire.
Si, tu sais.
Il existe pour de vrai ? Le feu ?
Oui, pour de vrai.
Où est-il ?
Je ne sais pas où il est.
Si, tu le sais. Il est au fond de toi. Il y a toujours été. Je le vois. »
Philippe Claudel, La petite fille de Monsieur Linh, p.170
Tout se mélange. Les lieux, les jours, les visages. Le vieil homme revoit son village, les rizières et leurs dernier mat étincelant, selon les heures, le paddy lié en bottes, les mangues mûres, les yeux de son ami le gros homme, ses doigts solides et jaunis par le tabac, les traits de son fils, le cratère laissé par la bombe, les corps éventrés, le village en feu.
Il avance. Il se cogne contre les années et contre les gens qui courent on ne sait ou, qui courent toujours, comme si le propre de l'homme était de courir, courir vers un grand précipice sans jamais s'arrêter.
Tout se mélange. Les lieux, les jours, les visages. Le vieil homme revoit son village, les rizières et leurs dernier mat étincelant, selon les heures, le paddy lié en bottes, les mangues mûres, les yeux de son ami le gros homme, ses doigts solides et jaunis par le tabac, les traits de son fils, le cratère laissé par la bombe, les corps éventrés, le village en feu.
Il avance. Il se cogne contre les années et contre les gens qui courent on ne sait ou, qui courent toujours, comme si le propre de l'homme était de courir, courir vers un grand précipice sans jamais s'arrêter.
Mirianne a écritPhilippe Claudel, La petite fille de Monsieur Linh, p.170
Tout se mélange. Les lieux, les jours, les visages. Le vieil homme revoit son village, les rizières et leurs dernier mat étincelant, selon les heures, le paddy lié en bottes, les mangues mûres, les yeux de son ami le gros homme, ses doigts solides et jaunis par le tabac, les traits de son fils, le cratère laissé par la bombe, les corps éventrés, le village en feu.
Il avance. Il se cogne contre les années et contre les gens qui courent on ne sait ou, qui courent toujours, comme si le propre de l'homme était de courir, courir vers un grand précipice sans jamais s'arrêter.
Superbe passage. Vraiment très beau. Merci Mirianne.
Tout se mélange. Les lieux, les jours, les visages. Le vieil homme revoit son village, les rizières et leurs dernier mat étincelant, selon les heures, le paddy lié en bottes, les mangues mûres, les yeux de son ami le gros homme, ses doigts solides et jaunis par le tabac, les traits de son fils, le cratère laissé par la bombe, les corps éventrés, le village en feu.
Il avance. Il se cogne contre les années et contre les gens qui courent on ne sait ou, qui courent toujours, comme si le propre de l'homme était de courir, courir vers un grand précipice sans jamais s'arrêter.
Superbe passage. Vraiment très beau. Merci Mirianne.
(...)« Mais la grande découverte de Michael ne fut pas que son père savait jouer aux échecs, ni qu'il ait eu la gentillesse d'acheter un si bel échiquier. C'était d'être capable d'absorber dans les livres autre chose que de simples histoires, ce qui lui ouvrait de larges perspectives d'avenir concernant ses rêves et ses ambitions.» (...)Le lien maléfique - Anne Rice
Vive la beauté des livres et les plaisirs qu'ils procurent. Longue vie au livre papier!
tipet a écritUp pour Savy!
Gros merci Tipet. Pourtant j'avais cherché avec le nom de Mirianne et fait plein d'association de mots pouvant se rapporter et je n'arrivais à rien.
Grâce à Tipet, je peux partager ce que j'ai lu ce matin. Un court extrait d'un bouquin non publié à ce jour.
Stéphane, un auteur-artisan du Pas de Calais, que j'ai connu sur le net il y a bientôt 3 ans.
Voilà En oubliant qu’on vit, on oublie qu’on va mourir ; mieux, quand l’épisode est vraiment bon, on oublie parfois que ceux qu’on aime vont mourir. Sont morts.
Gros merci Tipet. Pourtant j'avais cherché avec le nom de Mirianne et fait plein d'association de mots pouvant se rapporter et je n'arrivais à rien.
Grâce à Tipet, je peux partager ce que j'ai lu ce matin. Un court extrait d'un bouquin non publié à ce jour.
Stéphane, un auteur-artisan du Pas de Calais, que j'ai connu sur le net il y a bientôt 3 ans.
Voilà En oubliant qu’on vit, on oublie qu’on va mourir ; mieux, quand l’épisode est vraiment bon, on oublie parfois que ceux qu’on aime vont mourir. Sont morts.
Re: Passages de livres (citations)
Je remonte ce topic pour une petite citation. Des mots du grand Brell que je viens de lire dans un petit bouquin de Stanley Péan, "L'appel des loups".
J'ai trouvé cet extrait superbe, il est tiré d'une chanson intitulée " Le prochain amour ", je devais le partager. Alors voilà :

« Je sais, je sais sans savoir ton prénom
Que je serai ta prochaine capture
Je sais déjà que c'est par leur murmure
Que les étangs mettent les fleuves en prison

Re: Passages de livres (citations)
Dino Buzzati auteur
Les Journées perdues
Quelques jours après avoir pris possession de sa somptueuse villa,
Ernst Kazirra, rentrant chez lui, aperçut de loin un homme qui sortait,
une caisse sur le dos, d’une porte secondaire du mur d’enceinte,
et chargeait la caisse sur un camion. Il n’eut pas le temps de le rattraper
avant son départ. Alors, il le suivit en auto.
Et le camion roula longtemps, jusqu’à l’extrême périphérie de la ville,
et s’arrêta au bord d’un vallon. Kazirra descendit de voiture et alla voir.
L’inconnu déchargea la caisse et, après quelques pas, la lança dans le ravin,
qui était plein de milliers et de milliers d’autres caisses identiques.
Il s’approcha de l’homme et lui demanda :
« Je t’ai vu sortir cette caisse de mon parc.
Qu’est-ce qu’il y avait dedans ?
Et que sont toutes ces caisses ? »
L’autre le regarda et sourit :
« J’en ai encore d’autres sur le camion, à jeter.
Citation:
Tu ne sais pas ? Ce sont les journées. -
Quelles journées ?
- Tes journées.
- Mes journées ?
- Tes journées perdues.
Les journées que tu as perdues.
Tu attendais, n’est-ce pas ?
Elles sont venues. Qu’en as-tu fait ?
Regarde-les, intactes, encore pleines.
Et maintenant... » Kazirra regarda. Elles formaient un tas énorme.
Il descendit la pente et en ouvrit une.
- Citation: A l’intérieur, il y avait une route d’automne, et au fond Graziella,
sa fiancée,
qui s’en allait pour toujours. Et il ne la rappelait même pas.
- Citation:
Il en ouvrit une autre.
C’était une chambre d’hôpital,
et sur le lit son frère Josué, malade, qui l’attendait.
Mais lui était en voyage d’affaires.
- Citation:
Il en ouvrit une troisième. A la grille de la vieille maison misérable se tenait Duk,
son mâtin fidèle qui l’attendait depuis deux ans, réduit à la peau et aux os. Et il ne songeait pas à revenir.
Il se sentit prendre par quelque chose qui le serrait à l’entrée de l’estomac.
Le manutentionnaire était debout au bord du vallon, immobile comme un justicier.
« Monsieur ! cria Kazirra. Écoutez-moi. Laissez-moi emporter au moins ces trois journées.
Je vous en supplie. Au moins ces trois. Je suis riche. Je vous donnerai tout ce que vous voulez. »
- Citation: Le manutentionnaire eut un geste de la main droite, comme pour indiquer un point inaccessible,
comme pour dire qu’il était trop tard et qu’il n’y avait plus rien à faire. Puis il s’évanouit dans l’air, et au même instant disparut aussi le gigantesque amas de caisses mystérieuses.
Et l’ombre de la nuit descendait.
Les Journées perdues
Quelques jours après avoir pris possession de sa somptueuse villa,
Ernst Kazirra, rentrant chez lui, aperçut de loin un homme qui sortait,
une caisse sur le dos, d’une porte secondaire du mur d’enceinte,
et chargeait la caisse sur un camion. Il n’eut pas le temps de le rattraper
avant son départ. Alors, il le suivit en auto.
Et le camion roula longtemps, jusqu’à l’extrême périphérie de la ville,
et s’arrêta au bord d’un vallon. Kazirra descendit de voiture et alla voir.
L’inconnu déchargea la caisse et, après quelques pas, la lança dans le ravin,
qui était plein de milliers et de milliers d’autres caisses identiques.
Il s’approcha de l’homme et lui demanda :
« Je t’ai vu sortir cette caisse de mon parc.
Qu’est-ce qu’il y avait dedans ?
Et que sont toutes ces caisses ? »
L’autre le regarda et sourit :
« J’en ai encore d’autres sur le camion, à jeter.
Citation:
Tu ne sais pas ? Ce sont les journées. -
Quelles journées ?
- Tes journées.
- Mes journées ?
- Tes journées perdues.
Les journées que tu as perdues.
Tu attendais, n’est-ce pas ?
Elles sont venues. Qu’en as-tu fait ?
Regarde-les, intactes, encore pleines.
Et maintenant... » Kazirra regarda. Elles formaient un tas énorme.
Il descendit la pente et en ouvrit une.
- Citation: A l’intérieur, il y avait une route d’automne, et au fond Graziella,
sa fiancée,
qui s’en allait pour toujours. Et il ne la rappelait même pas.
- Citation:
Il en ouvrit une autre.
C’était une chambre d’hôpital,
et sur le lit son frère Josué, malade, qui l’attendait.
Mais lui était en voyage d’affaires.
- Citation:
Il en ouvrit une troisième. A la grille de la vieille maison misérable se tenait Duk,
son mâtin fidèle qui l’attendait depuis deux ans, réduit à la peau et aux os. Et il ne songeait pas à revenir.
Il se sentit prendre par quelque chose qui le serrait à l’entrée de l’estomac.
Le manutentionnaire était debout au bord du vallon, immobile comme un justicier.
« Monsieur ! cria Kazirra. Écoutez-moi. Laissez-moi emporter au moins ces trois journées.
Je vous en supplie. Au moins ces trois. Je suis riche. Je vous donnerai tout ce que vous voulez. »
- Citation: Le manutentionnaire eut un geste de la main droite, comme pour indiquer un point inaccessible,
comme pour dire qu’il était trop tard et qu’il n’y avait plus rien à faire. Puis il s’évanouit dans l’air, et au même instant disparut aussi le gigantesque amas de caisses mystérieuses.
Et l’ombre de la nuit descendait.
Dernière modification par Zamia le sam. avr. 11, 2009 9:11 pm, modifié 1 fois.
[size=130][b] [color=#008080]«L'extraordinaire se trouve sur le chemin des gens ordinaires.»
[ Paulo Coelho ] - Le pèlerin de Compostelle [/color] [/b][/size]
[ Paulo Coelho ] - Le pèlerin de Compostelle [/color] [/b][/size]
Re: Passages de livres (citations)
Un p'tit up!
Je voulais en mettre une.. mais je me rends compte que je l'ai déjà mise! Faut croire que je l'aime vraiment :P
Je voulais en mettre une.. mais je me rends compte que je l'ai déjà mise! Faut croire que je l'aime vraiment :P
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- Manitou de la Parlotte
- Messages : 1531
- Inscription : sam. août 11, 2007 12:00 am
Re: Passages de livres (citations)
L'enfant de Noé d'Éric-Emmanuel Schmitt
C'est normal, Joseph.Combien as-tu d'enfants?Quatre. Et de petits-enfants? Cinq. En te sauvant, le père Pons a sauvé neuf personnes. Douze pour moi. À la prochaine génération, ça constituera plus. Et sans cesse d'avantage. Dans quelques siècles, il aura sauvé des millions d'être humains
-Comme Noé?
C'est normal, Joseph.Combien as-tu d'enfants?Quatre. Et de petits-enfants? Cinq. En te sauvant, le père Pons a sauvé neuf personnes. Douze pour moi. À la prochaine génération, ça constituera plus. Et sans cesse d'avantage. Dans quelques siècles, il aura sauvé des millions d'être humains
-Comme Noé?