J'ai réussi à trouver quelques lignes de l'article (p.s. il n'est pas complet !)
C’est le nom, en caractères chinois, d’Alexandre Despatie.
Un nom qu’une armée d’athlètes et de sportifs de salon, de Pékin à Hongkong, ont appris bien malgré eux à connaître. Et à craindre…
À 19 ans et des poussières, Alexandre Despatie a déjà fracassé tous les records canadiens en plongeon.
Photo: André Cornellier
«Les Chinois sont aussi fous de plongeon que les Canadiens le sont de hockey», dit Yi Hua Li, ex-étoile olympique chinoise aujourd’hui entraîneuse-chef du Club de plongeon de Pointe-Claire, dans l’ouest de Montréal. Pour eux, l’«épreuve reine» des Jeux n’est pas le 100 m. C’est la tour de 10 m.
Le jour de la grande finale, aux Jeux d’Athènes, ils seront sans doute des dizaines de millions devant leur téléviseur à prier pour que le jeune champion du monde en titre commette des erreurs. Et laisse la voie libre à «leur» champion, Tian Lang, 23 ans, médaillé d’or à Sydney et élevé au rang de demi-dieu dans son pays. Alexandre Despatie en est parfaitement conscient. Et à vrai dire, il s’en fiche.
«Je ne suis jamais nerveux sur un tremplin», dit-il, attablé à la cafétéria du complexe sportif Claude-Robillard, à Montréal, où il s’entraîne avec le club CAMO. «Mon cœur ne bat pas plus vite aux Jeux olympiques qu’aux autres compétitions.»
Prétentieux, Alexandre Despatie? Le jeune Lavallois aurait bien des raisons de bomber le torse. À 19 ans et des poussières, il a déjà fracassé tous les records canadiens en plongeon, ne compte plus le nombre de ses victoires sur la scène internationale et vient de connaître la meilleure saison de sa vie (quatre médailles d’or, deux d’argent et trois de bronze, au 10 m, au 3 m et au plongeon synchronisé).
Les émissions de variétés — et les filles! — se l’arrachent, il roule en Audi A4 et fait partie depuis des années du club restreint des athlètes les plus admirés du pays.
Pourtant, malgré ses trophées, sa gloire et sa notoriété, il arrive encore à ce surdoué d’être envahi par le doute. «Je suis très émotif», admet-il avec une franchise et un aplomb étonnants pour un jeune homme qui a tout juste atteint sa majorité. «Quand je n’obtiens pas ce que je veux, ça vient me chercher profondément. Je pleure souvent, je n’ai pas honte de le dire.»
Les trois dernières années ont été «extrêmement difficiles», dit son entraîneur, Michel Larouche, rencontré dans le minuscule bureau du club CAMO, au sous-sol du complexe Claude-Robillard. Perfectionniste, habitué d’offrir des performances éblouissantes, «Alexandre ne se reconnaissait pas le droit à l’erreur. Ce n’est pas l’idéal, à l’entraînement: c’est en faisant des erreurs qu’on apprend», dit-il.
Tous les grands athlètes sont émotifs, poursuit l’entraîneur. «C’est ce qui leur permet de donner leur cœur, leurs tripes. Mais c’est une arme à double tranchant. Ça peut aussi les entraîner au fond de la cave.»
Et la «cave», Alexandre Despatie l’a visitée souvent ces dernières années, confirme sa mère, Christiane. «S’il y avait un problème avec un plongeon et qu’il fallait apporter des correctifs, il se décourageait et tombait dans un grand trou noir. C’était l’enfer. Il fallait être très perspicace pour le sortir de cet état. Il se disait qu’il ne valait rien…»
Le jeune plongeur l’admet volontiers: il a souvent pensé tout abandonner. «Je me dis régulièrement: “Je pourrais être ailleurs.” Quand ça va mal, je me demande où j’en serais si j’avais décidé, à 10 ans, de faire autre chose. Puis, je me dis que je travaillerais peut-être dans un magasin à sept dollars l’heure et que je gratterais mes cents pour sortir la fin de semaine. C’est là que je reviens à la réalité. Il y en a combien des gars de mon âge qui aimeraient faire le tour du monde, avoir des amis partout?»
Il marque une pause, jette un coup d’œil autour de lui. «De toute façon, je suis rendu tellement loin que même si je voulais de tout mon cœur arrêter, je ne pourrais pas. Ce serait immoral, stupide. Je laisserais tomber trop de monde.»
Alexandre Despatie est né à Montréal le 8 juin 1985, l’année de la chanson «We Are the World» et de la retraite de René Lévesque. Le «phénomène» Despatie, lui, est né exactement 13 ans et 103 jours plus tard, à Kuala Lumpur, en Malaisie.
Ce jour-là, le Lavallois gagne la médaille d’or à la tour, aux Jeux du Commonwealth, et devient le plus jeune athlète de l’histoire à remporter une compétition internationale de plongeon. Cet exploit lui vaut une pleine page dans le Livre Guinness des records, où on le voit, minuscule, l’air gêné, dans les bras d’un plongeur britannique (Tony Ali) deux fois plus âgé et plus musclé que lui. «Cette photo-là a fait Alexandre Despatie, dit Jean Gosselin, spécialiste du marketing sportif du cabinet de relations publiques National. Elle résume à elle seule tout le vieux mythe de David contre Goliath.»
Dans le stade de Kuala Lumpur, la frénésie est telle que ses entraîneurs doivent déguiser le héros du jour pour le sortir de l’enceinte!
À son retour au pays, le plongeur découvre, stupéfait, l’ampleur de la vague qu’il a soulevée. Trois grandes chaînes de télévision ont dépêché leur camion satellite devant la résidence familiale, à Laval-sur-le-Lac. «Ce n’était pas une tempête médiatique, c’était un raz-de-marée!» se souvient Christiane Despatie, la mère d’Alexandre, une grande et énergique blonde de 47 ans.
Six ans plus tard, la tempête s’est à peine calmée.
«Alexandre, c’est vraiment un cas unique», s’exclame Guy Maguire, webmestre du site du club CAMO. À elle seule, la section consacrée à Despatie reçoit plus de visites que tout le reste du site. Les visiteurs viennent de dizaines de pays, du Gabon aux îles Fidji en passant par le Cameroun et le Qatar. «Pendant les Jeux de Sydney, il a reçu tellement de courriels de soutien et de félicitations que mon ordinateur s’est bloqué», raconte le webmestre. Encore aujourd’hui, même si le champion dispose de son propre site (
www.alexandredespatie.ca), Guy Maguire reçoit régulièrement des courriels à son intention. «Ça provient autant des jeunes garçons que des grands-mères. Les gens lui écrivent comme s’il était un membre de la famille.»
En ce vendredi après-midi de printemps, au complexe Claude-Robillard, les plongeurs du club CAMO terminent leur ultime séance d’entraînement de la semaine. Sur les tremplins, de jeunes recrues d’à peine six ans, visiblement intimidées, côtoient une véritable équipe d’étoiles. On y trouve la Montréalaise Émilie Heymans, championne du monde à la tour; la Vancouvéroise d’origine Blythe Hartley, autre habituée des podiums; et le Longueuillois Philippe Comtois, partenaire d’Alexandre Despatie dans les épreuves du 10 m et du 3 m synchronisés. «Si le club CAMO était un pays, il se classerait troisième au monde!» proclame fièrement l’entraîneur-chef, Michel Larouche. Lui-même a été courtisé par une équipe australienne et a décliné («par patriotisme», dit-il) une offre très alléchante de la Grande-Bretagne.
Aux yeux des enfants réunis pour le bain libre dans le bassin adjacent, la star des stars reste sans conteste Alexandre Despatie. À chacune de ses apparitions au tremplin, une douzaine d’entre eux se rassemblent, presque hystériques, pour scander son nom. Un scénario qui se répète presque partout où il va — on le reconnaît dans la rue jusqu’en Australie!
Son entraîneur, lui, semble moins impressionné. «Lève un peu les fesses», «Étire mieux tes jambes», lui lance-t-il après chacun de ses plongeons. «Alexandre est évidemment excellent, dira-t-il une fois l’entraînement terminé. Mais à côté de ce qu’il pourrait devenir, c’est une farce. Ses meilleures années sont devant lui. C’est encore un enfant pour ce qui est de son développement physique.»
Par chance, la poussée de croissance exceptionnelle qui a tant inquiété le plongeur à la veille des derniers Jeux s’est arrêtée. Il ne voulait surtout pas devenir Alexandre le Grand… «À 5 pi 8 po (1,73 m), j’ai la taille idéale. Plus grand, ce serait difficile. Plus petit, je manquerais de puissance.»
De la puissance, il en faut énormément pour exécuter le super dive, plongeon dont il sera beaucoup question dans le «Profil olympique» que NBC consacrera à Despatie (le diffuseur officiel des Jeux aux États-Unis a dépêché toute une équipe au Québec pour le réaliser).
Deux sauts périlleux et demi arrière et deux vrilles et demie valent à ce plongeon un coefficient de difficulté de 3,8, le plus élevé de la discipline. En tout, l’athlète québécois doit exécuter une dizaine de mouvements en moins de deux secondes! C’est en effet le temps dont il dispose, dans les airs, pour éblouir les juges. Il a tout ce qu’il faut pour y parvenir. Flexibilité, grâce, élégance et… courage. Lorsqu’il arrive dans l’eau, le plongeur file à plus de 50 km/h. «À cette vitesse, l’eau est dure comme de la roche», dit Michel Larouche.
Le père d’Alexandre, Pierre Despatie, n’ose pas approcher de la tour: ça lui donne le vertige. Sa mère, Christiane, évite de regarder certains des sauts qu’il exécute. Fiston, lui, n’éprouve jamais ne serait-ce qu’un frisson en haut de la tour. «J’ai déjà frappé un tremplin, j’ai eu des flats sérieux, mais je n’ai pas peur. Dès que t’as une barrière, c’est dur de t’en sortir.»
Pas étonnant qu’il n’ait jamais peur.
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--Message edité par bisous le 2004-08-04 09:44:31--