Publié le 13 août 2010 à 05h00 | Mis à jour à 10h12
Une infirmière qui s'est suicidée avait été forcée de retourner au travail
Claudette Samson
Le Soleil
(Québec) Une infirmière du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ) qui s'est donné la mort avait été forcée de retourner au travail, alors que son entourage constatait qu'elle était inapte à le faire. Dans une lettre laissée à ses proches, la femme de 58 ans soulignait elle-même que son retour précipité au travail constituait une des difficultés qu'elle vivait.
Quatre infirmières du CHUQ se sont suicidées depuis un an et demi, a confirmé jeudi la direction du centre hospitalier (lire l'encadré). L'une d'elles, que nous appellerons Diane, avait 37 ans d'expérience et était à un an et demi de sa retraite. Le Soleil a parlé avec l'une de ses proches, qui a confirmé de nombreuses informations obtenues d'abord de la part d'une collègue.
Diane était en congé de maladie lorsqu'elle a dû rencontrer le médecin du bureau de santé du CHUQ pour une contre-expertise.
À sa sortie du bureau, «elle avait les larmes aux yeux parce que le médecin la retournait au travail. Elle m'a dit qu'elle n'était pas prête», a raconté la collègue qui l'a rencontrée à ce moment.
Par la suite, ses compagnes de travail ont constaté que Diane, qui avait repris son boulot dans une unité où les conditions sont particulièrement difficiles, n'était effectivement pas en état de le faire.
«C'est vrai», confirme la belle-soeur de Diane. Sans dire que le travail est la cause de son suicide, elle confirme aussi que Diane parle de cette situation difficile dans sa lettre.
Dans les semaines qui ont suivi le suicide de sa belle-soeur, elle et son mari, qui est le frère de Diane, se sont rendus au service des ressources humaines du CHUQ, qui englobe le Centre hospitalier de l'Université Laval (CHUL), Saint-François d'Assise et L'Hôtel-Dieu de Québec.
Une employée leur a alors dit, d'un ton banalisant : «Ce n'est pas la première qui se suicide, et ce ne sera pas la dernière.» Ces propos les ont fortement indisposés. «Ce n'est pas normal de se faire dire ça.»
Récemment, raconte encore la dame, le couple a écrit à la directrice des soins infirmiers du CHUQ pour lui faire part de son désarroi et son amertume.
«On dit dans la lettre qu'on est très déçus qu'une organisation aussi réputée ne prenne pas plus soin de son personnel infirmier. Il y avait une gestion des risques à faire auprès d'elle et ça n'a pas été fait. Elle n'a pas reçu l'aide qui était requise, elle a été retournée au travail alors qu'elle n'était pas prête. On leur dit aussi que ce sont les infirmières qui tiennent le système de santé», relate la belle-soeur.
Ils n'ont pas encore reçu de réponse.
Des collègues se sentent coupables
Diane «ne vivait que pour son travail», souligne sa belle-soeur, se disant persuadée que les conditions difficiles qu'elle rencontrait au boulot ont été «la goutte qui a fait déborder le vase».
Cet événement malheureux n'a pas été sans affecter les collègues de Diane, qui avaient noté sa détresse. «On s'en était parlé et on avait tous constaté qu'elle n'était pas capable. On se demandait si on devait parler à la direction», dit l'une d'elles.
Après le geste malheureux, «on s'est dit qu'on aurait dû le faire, on se sent un peu coupables».
Cette employée déplore vivement le rôle du bureau de santé du CHUQ. Lorsqu'un employé est mis en congé de maladie par son médecin, il doit subir une contre-expertise, dit-elle. «Les cas d'épuisement ou de problèmes psychologiques, les maux de dos, tout ce qui ne paraît pas physiquement est souvent contesté et la personne est forcée de revenir», affirme-t-elle.
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