L’ombre de Legault
Jean-Jacques Samson
16/05/2011 04h00
La formation d’un parti unique de centre-droite au Québec avant les prochaines élections, susceptible de devenir l’opposition officielle ou, pourquoi pas, de prendre le pouvoir, passe par deux prérequis : une grande abnégation de la part du chef de l’ADQ, Gérard Deltell, et un peu plus de pragmatisme politique de la part de libertariens qui prêtent à caricature.
Le Parti québécois a ses Gérald Larose et Marc Laviolette; l’ADQ a ses Claude Garcia et Adrien Pouliot qui nuisent à la crédibilité des formations qu’ils pensent servir. Le Québécois moyen est d’extrême-centre, disait le calculateur Robert Bourassa.
Il y a un fort appétit pour du nouveau en politique au Québec. Il s’est manifesté dans la percée du Parti conservateur dans la région élargie de Québec en 2006, puis dans la vague adéquiste de 2007 et à nouveau dans le balayage irrationnel réussi par le NPD aux élections fédérales du 2 mai. Parallèlement, François Legault, qui anime un think-thank depuis plusieurs mois mais qui n’a encore avancé que des propositions très générales, serait le préféré comme premier ministre, selon des sondages, même s’il n’a pas encore de parti politique. Les astres sont donc bien alignés pour briser le cercle vicieux PLQ-PQ qui s’échangent le pouvoir aux huit ans.
Unir les forces
Le Réseau Liberté-Québec animé par Éric Duhaime, Joanne Marcotte et quelques autres militants, ainsi que la Coalition pour l’avenir du Québec de François Legault, ne sont que des clubs politiques. Ils n’ont ni organisation ni financement populaire.
L’Action démocratique du Québec a essuyé toute une raclée en 2008 mais elle demeure un véritable parti politique structuré qui peut facilement servir de point de ralliement. L’idée a bien cheminé à l’ADQ. Seule, elle ne pourrait espérer faire élire plus qu’une petite poignée de députés dans deux ans, réalise-t-on.
François Legault, pour des raisons encore difficiles à cerner, incarne le renouveau recherché. Son bagage professionnel et politique lui confère, en plus, une plus forte crédibilité que celle détenue par Gérard Deltell.
Ce dernier s’est donné corps et âme depuis novembre 2009 pour sauver l’ADQ. L’unification des forces de droite suppose toutefois que M. Deltell cède humblement sa place à François Legault.
Un bon dosage
Stephen Harper et Jack Layton, l’un de droite, l’autre de gauche, ont su mettre beaucoup d’eau dans leur vin, ces derniers mois, afin de rendre leurs partis plus digestibles pour les citoyens moyens. Les résultats sont probants.
Le leader d’une droite unie devra également contenir les débordements des jusqu’au boutistes qui garrochent sur la place publique des propositions irréalistes ou qui ne font que braquer une majorité de Québécois, comme on l’a vu à l’ADQ en fin de semaine. Par exemple, privatiser la SAQ qui extorque les Québécois est une idée populaire; donner au privé le transport et l’électricité d’Hydro-Québec est un épouvantail, qui fausse irrémédiablement la perception de l’ADQ, même lorsque de telles propositions sont rejetées. Vouloir légiférer sur l’utilisation des cotisations des syndiqués par les centrales est par ailleurs tout simplement irréaliste.
Les couleurs d’automne
En coulisses, des acteurs à l’ADQ comme dans le camp Legault s’entendent que la fusion de la droite devrait se faire à l’automne en prévision d’élections générales en 2012 ou, au plus tard, au printemps 2013. Cette question a éclipsé tout le reste au conseil général de l’ADQ en fin de semaine. Pauline Marois devrait invoquer le Frère André pour que l’opération avorte, sans attendre les couleurs de l’automne.
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