Quand le contenant emporte le contenu!
Guy Fournier
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Cette année, pour la première fois depuis longtemps, j'ai pu regarder le Bye Bye en direct, mais de Paris et à 5 h du matin! Seul avec ma femme, car à cette heure, il y a déjà longtemps que nos invités avaient regagné leur domicile. Dans les circonstances, que je n'aie jamais pouffé de rire et très peu souri n'est pas surprenant. S'il y a une émission qu'on doit regarder en groupe avec un verre dans le nez, c'est bien le Bye Bye, quel qu'en soit le cru.
Pas besoin d'être devin pour imaginer les réactions de l'audience. Environ le tiers des deux millions de téléspectateurs et plus ont dû adorer ce Bye Bye, un autre tiers est sans doute resté sur sa faim, et le dernier tiers a détesté et sûrement déjà réclamé pour l'an prochain le remplacement de ce capitaine bicéphale -Morissette-Cloutier- à la barre du Titanic de la Société Radio-Canada (SRC) pour la troisième fois.
Y A-T-IL DE LA VIE SANS LE BYE BYE?
Jusqu'à un certain point, le Bye Bye est au réseau français de la SRC ce que Hockey Night in Canada est au réseau anglais: malgré leur coût très élevé, malgré un bon nombre de téléspectateurs qui doutent de la pertinence de ces émissions à la télévision publique, malgré Don Cherry et nos «humoristes» provocateurs qui finissent toujours par faire scandale, la direction de l'un ou l'autre réseau ne se résigne pas à jeter l'éponge. Par deux fois au moins, à la fin des années 1990 et en 2009, la SRC a «courageusement» abandonné l'émission de fin d'année pour y revenir quelque temps après. Comme si la SRC ne pouvait exister sans le Bye Bye.
L'an dernier, j'avais demandé dans ces pages s'il était toujours justifiable d'investir plusieurs centaines de milliers de dollars dans ce débordement annuel d'humour parfois drôle, souvent cynique, presque toujours méchant. À la fin, on ne fait que répéter ce que nos humoristes et d'autres émissions d'humour font tout au cours de l'année, sans parler des galas Juste pour rire qui se retrouvent à la télé et les autres revues de l'année qu'on présente sur scène, à la radio et à la télévision. Avant le Bye Bye, la SRC diffuse Laflaque et Infoman qui, malgré des moyens modestes, sont souvent plus amusants que les Bye Bye eux-mêmes.
À LA SEMAINE PROCHAINE!
En produisant cette année un Bye Bye encore plus politique que les années passées, on n'a qu'enfoncé les mêmes clous que Laflaque et Infoman, mais avec un plus gros marteau. À la première chaîne, À la semaine prochaine avait, quelques heures plus tôt, labouré les mêmes sillons. À la tête d'un petit bataillon d'auteurs et d'interprètes, Philippe Laguë déclenche plus de rires en une heure que trois ou quatre Bye Bye réunis.
À la radio, comme on ne peut faire appel aux effets spéciaux, ou on a de bons textes ou on fait patate.
Pour ce dernier Bye Bye, le contenant ne l'a-t-il pas emporté souvent sur le contenu ? Je ne me souviens pas d'avoir vu dans une seule émission de télé autant d'effets spéciaux. Un véritable banquet technique, mais sans doute trop de plats, si astucieux soient-ils. Un peu plus, et c'était l'indigestion aiguë.
Question d'humour, le «direct» a des avantages. Comme les effets sur lesquels on peut s'appuyer ne sont pas légion, il faut compter sur des textes solides. Les tours de passe-passe auxquels le direct astreint les comédiens forcent l'admiration et s'il arrive qu'une perruque soit mal ajustée ou une moustache mal collée, ce n'en est que plus drôle. Voilà en partie ce qui faisait le charme des Bye Bye d'autrefois et qui fait encore le plaisir d'une revue comme celle qu'on présente annuellement au Théâtre du Rideau Vert.
UNE «ANNUS HORRIBILIS»!
Un Bye Bye plus politique? A-t-il été autre chose que politique? Si bien que les numéros qui ne l'étaient pas –comme celui de Michèle Richard et les quelques pastiches d'émissions de télé- avaient l'air décalés dans cette espèce de four (attention: j'emploie le mot dans son sens premier !) où on a grillé nos hommes et nos femmes politiques durant plus d'une heure.
Pour la plupart des Québécois, 2011 fut une «annus horribilis». Les tergiversations du gouvernement de Québec à propos d'une enquête publique sur la construction, la guerre fratricide du Parti québécois, l'élection à Ottawa d'une horde de députés néo-démocrates qui ne nous donnent pas davantage droit au chapitre que les bloquistes d'hier, des infrastructures en ruine, les demi-vérités sur les gaz de schiste, les inepties de trop de nos élus, n'en mettez plus, la cour est pleine. Tant et tant qu'il n'était sûrement pas nécessaire d'en rajouter encore.
SERIONS-NOUS SI MASOCHISTES?
Faut-il absolument finir l'année en balayant les dernières illusions qu'on pourrait encore entretenir sur nos divers gouvernements et en confortant le pourcentage innombrable de Québécois qui croient que tout est pourri et qu'il n'y a plus qu'à accepter l'inacceptable? Sommes-nous si masochistes qu'il faille le 31 décembre au soir donner une dernière taloche à tout bon sentiment et un dernier coup de pied à tout espoir?
Enfin, dernière question, sans doute très impertinente, dans ce Bye Bye québécois pure laine, qu'y avait-il pour le million de nos compatriotes francophones qui habitent les autres provinces, qui sont loin de notre nombrilisme «petit Québec» et qui paient, eux aussi, pour la télévision publique?
Mes préférences
Je vous les indique sans ordre de préséance
*L'ouverture avec nos infrastructures en décrépitude. Une ouverture dynamique et originale avec de jolis effets spéciaux.
*François Légo, une bonne trouvaille.
*Entre deux chaises avec Claude Meunier et le faux Lucien Bouchard… même si je trouve qu'on s'est beaucoup acharné sur l'ancien premier ministre du Québec.
*Elvis Gratton et le faux Stephen Harper, même si je trouve qu'on en a beurré épais sur Harper.
*Véronique Cloutier qui imite Coeur de Pirate et Brigitte Boisjoli.
*Amir Khadir en Capitaine Solidaire.
*On connaît la cassette, malgré une imitation un peu trop caricaturale de Mario Tessier, tout comme l'a été celle de France Beaudoin.
*Le maire Gérald Tremblay sur des chansons de Gerry Boulet, même si notre pauvre maire croule déjà sous les sarcasmes.
*Kinkin et le plan Nord, malgré les insupportables sacres du capitaine Y Bock, dont l'excellente caricature de Jean-François Mercier n'avait pas besoin et qui faisaient oublier la bonne idée des Denis Drolet en Ducon & Ducon.
Mes malaises
*Pauline Marois est dans l'trouble à soir, juste avant les 12 coups de minuit. C'était frapper fort sur un clou déjà bien enfoncé.
*Louis-François Marcotte, chef «à la diction douteuse». Au moins, il ne sacre pas en ondes.
*Le «boot camp» (camp de recrues) du NPD, trop long et plus cynique que drôle.
*La parodie d'Opération séduction avec Régis Labeaume et PKP. Un contenu biaisé et trop attendu.
*Urinair avec les imitations de DSK et Depardieu, même si le clin d'oeil à la série Pan Am était une belle idée.
*Le sketch de Michèle Richard malgré une imitation intéressante de Véronique Cloutier. Je ne me souviens pas d'avoir entendu Michèle Richard sacrer à la télévision ou sur scène.
*Trop souvent, j'ai eu l'impression que les deux vedettes du Bye Bye, très omniprésentes, avaient cherché à se faire plaisir plutôt que de chercher le plaisir des téléspectateurs.
Mes aversions
J'ai vraiment détesté…
*Les interminables pauses publicitaires que semblaient allonger encore les «fausses» publicités de l'équipe de concepteurs et les nombreuses et inévitables promotions de la SRC.
*Le nombre de sacres impressionnants, en particulier dans le numéro de Michèle Richard et dans Kinkin-le secret du plan Nord.
*La blague scatologique à propos de Justin Trudeau!