La question qui se pose dans les états-majors de campagne cette semaine, c’est : « à combien gagne-t-on? » Quel pourcentage de voix sera suffisant pour chacun des partis pour s’assurer la victoire?
Dans une course à trois, c’est une question simple qui a non pas une, mais DES réponses compliquées.
D’abord, parce que dans une course à trois, un tout petit écart de voix peut signifier de très grands écarts en nombre de sièges. Ainsi, en 1990 en Ontario, le NPD de Bob Rae avait surpris tout le monde en enlevant un gouvernement majoritaire avec seulement 37 % des voix. Et au Québec, Jean Charest s’était maintenu au pouvoir en 2007 avec 33 %. C’était pourtant le pire résultat des libéraux depuis la Confédération.
En fait, la concentration des voix et les différences régionales prennent une importance démesurée quand il y a trois partis en lice.
Ainsi, en 2007 au Québec, c’est la concentration des voix des libéraux chez les non-francophones qui a fait gagner les libéraux. Alors que l’ADQ (avec 31 % des voix) payait très cher son incapacité de gagner des voix sur l’île de Montréal et finissait avec sept sièges de moins que le PLQ.
Normalement, cette concentration du vote libéral nuit au PLQ. Ainsi, en 1998, le PQ avait gagné un plus grand nombre de sièges, mais avec moins de voix que les libéraux. On estime généralement qu’il faut que les libéraux aient quatre ou cinq points d’avance pour obtenir plus de sièges que les péquistes.
Cette année, dans une lutte à trois, le gagnant de l’élection pourrait bien n’avoir besoin que d’un pourcentage de voix relativement peu élevé pour obtenir une majorité de sièges.
Ainsi, certains stratèges péquistes estiment que le PQ pourrait former un gouvernement majoritaire avec aussi peu que 34,5 ou 35 % des voix. Selon eux, la Coalition avenir Québec vient essentiellement chercher du vote libéral et cette division pourrait même leur donner une dizaine de sièges. Des sièges que le PQ ne pouvait espérer gagner en début de course.
Évidemment, il est beaucoup trop tôt pour faire ce genre de prédiction. Les débats n’ont pas encore eu lieu et rien ne montre que la CAQ a terminé sa montée.
Juste pour mémoire, à ce moment-ci de la campagne fédérale de l’an dernier, personne n’aurait osé prédire la montée du NPD et la débandade du Bloc québécois.
Reste qu’un parti politique peut penser qu’il pourrait obtenir un mandat majoritaire et gouverner quand, dans les faits, presque les deux tiers des Québécois auraient voté contre lui.
Ironiquement, cela survient quand, pour la première fois depuis sa fondation, le programme du PQ ne s’engage plus à instaurer un élément de scrutin proportionnel au Québec, préférant une vague promesse d’une réforme indéterminée du mode de scrutin.
Encore une fois, il est bien trop tôt pour faire ce genre de prédiction. Mais si un parti politique devait former un gouvernement majoritaire avec les voix d’un Québécois sur trois, les demandes de réforme du mode de scrutin vont devenir plus pressantes.
C’est un débat qui n’intéresserait plus seulement les experts, mais qui pourrait se transporter « dans la rue ».
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