Bonne lecture!
Le lundi 15 mai 2006
Claude Legault : d'un extrême à l'autre
Julie Lemieux
Le Soleil
http://img46.imageshack.us/img46/4826/claude207fz.jpg (J'vais juste mettre un lien car l'image est assez grande )
Claude Legault porte en lui l'ombre et la lumière, le rire et la tristesse, la légèreté et la lourdeur de la vie. Malgré son humour décapant, le comédien doit se battre depuis son enfance contre le côté sombre de sa personne, qui l'attend à chaque tournant. Un combat perpétuel qui le pousse à vivre d'un extrême à l'autre, mais qui contribue aussi à son charme et à sa grande lucidité.
Il est 8 h du matin lorsque la vedette de Minuit le soir se présente au Café Cherrier avec ses cheveux rebelles, sa barbe mal rasée et ses airs d'éternel adolescent.
Craquant... Le gars est timide, c'est évident. Mais il aime tellement parler des choses de la vie qu'il oublie bien vite sa réserve pour plonger tête première dans une discussion enflammée. Les femmes, le travail, le hockey, la psychologie, la famille, l'adolescence, la crise de la quarantaine... Tous les sujets se bousculent et deux heures plus tard, nous sommes encore là, à jaser.
Vous vous demandez qui est le vrai Claude Legault? Le bouffon de l'émission Dans une galaxie près de chez vous ou le portier tourmenté de Minuit le soir? Dans la vie de tous les jours, le comédien est en fait un parfait mélange des deux. «Je peux aller du summum du déconnage au summum du dark side. De Galaxie à Minuit...», confie-t-il, entre deux verres de jus d'orange et une bouchée d'omelette froide.
Le comédien ne s'en cache pas: les quatre personnages de Minuit... représentent un collage de ses émotions et de celles de son éternel complice, Pierre-Yves Bernard, qui a coscénarisé la série avec lui. «Ce sont nos envies, nos craintes, nos angoisses, nos fantasmes... Les réflexions de deux gars dans la quarantaine qui sont pas mal mélangés. On a juste décidé d'écrire ce qu'on avait dans la tête et c'est ce que ç'a donné. Quelqu'un qui voudrait analyser ça dirait qu'ils ne feelent pas ces deux gars-là! Peut-être...», admet-il, un sourire en coin.
C'est vrai que les deux amis n'étaient pas au sommet de leur forme lorsqu'ils ont entamé l'écriture de cette extraordinaire série, qui devait à l'origine pencher bien davantage vers la comédie. Avec la quarantaine est survenue la fameuse crise, celle qui force les bilans, les interrogations, la réflexion sur le parcours accompli jusque-là. Une période intense et difficile, soutient Claude Legault.
«Je ne sais pas pour les filles, mais pour les gars, la curve de la quarantaine, ça veut dire que t'as les deux roues dans la garnotte pis que t'essayes de rester sur la route.» Un état d'esprit, un malaise, un défi qui transparaissent dans la série, dont la première saison est offerte depuis peu en DVD.
Mais le comédien n'a pas attendu 42 ans avant de se remettre sérieusement en question. Tout petit, son esprit lunatique était déjà prêt à s'envoler à la moindre occasion pour s'extirper de la salle de classe et songer à la vie.
«Tu me donnais une boîte de carton et je pouvais niaiser avec pendant quatre heures. Je partais loin dans ma tête et les profs me le reprochaient.» À l'adolescence, cette imagination débordante a choisi le mauvais canal et s'est buté à la déprime. Les choses ont pris une tournure inquiétante et Claude a bien failli dérapé.
Il n'y avait pas grand-chose à faire pour les jeunes dans le quartier robuste de Montréal-Nord où il a grandi. Pas grand-chose à part flâner dans les arénas, fumer de la drogue, faire des mauvais coups «niaiseux». «Ce n'était pas un quartier pour moi. Mais ça m'a probablement apporté autre chose, une résistance que je n'avais peut-être pas.»
Claude a donc flirté avec la délinquance et abandonné l'école en quatrième secondaire, complètement mêlé, complètement perdu face à l'avenir. Ses parents travaillaient fort pour nourrir leur famille et la plupart du temps, ils ne savaient pas ce que faisait leur fils cadet. Le père était absent et n'a jamais été capable de parler à ses enfants. Un homme à l'image de ceux de sa génération, quoi. «Je pense que la seule affaire qu'on s'est dite, mon père et moi, c'est : «Il lance et compte! en écoutant le hockey. C'est là qu'on était le plus proche...»
Après quelques années d'errance, le comédien a décidé de retourner sur les blancs d'école en voyant une pub sur le raccrochage scolaire. En se démenant corps et âme pour faire vivre leurs quatre enfants, ses parents lui avaient inculqué l'importance du travail et il était bien conscient que son attitude ne le menait nulle part. Mais que faire quand on ne se connaît pas, quand on a aucune idée de ce que l'on vaut? «Je ne savais pas ce que je voulais, je ne savais pas quel était mon talent. Je ne savais rien du tout.»
Jusqu'au jour où il a vu un match d'impro à la télé et qu'il a décidé qu'il voulait jouer à ce jeu d'équipe intense qui ressemblait tellement au hockey, sa passion de petit garçon. Pour lui, ce fut un véritable appel. Il a donc formé une ligue au Cégep Montmorency, où il était inscrit en cinéma. Et c'est là qu'il a fait la connaissance de son chum Pierre-Yves.
Étonnamment, l'UQAM lui a ensuite fermé les portes de son école de théâtre, prétextant un manque d'aptitude pour... l'improvisation. Un an plus tard, il faisait partie de la LNI. Douce revanche au coeur du comédien. Et on connaît la suite. Claude a fait des publicités signées Jean-Claude Lauzon, écrit avec Pierre-Yves pour les 100 Watts, Michel Courtemanche, Patrick Huard, joué dans de nombreux téléromans, cosigné les textes de Galaxie et Minuit le soir. Tout ça, sans avoir passé par une école de théâtre. Un véritable exploit.
«Il y a toujours quelqu'un quelque part pour te dire que t'as pas d'affaire là. Il ne faut pas s'arrêter à ça.» C'est d'ailleurs ce qu'il raconte aux jeunes qu'il rencontre à l'occasion dans les écoles. Qu'il ne faut pas se laisser décourager, qu'il faut faire ses folies, mais ne jamais oublier de rêver, d'avancer. Et qu'il faut apprendre à se faire confiance malgré tout.
«On demande aux jeunes de décider beaucoup trop tôt ce qu'ils feront dans la vie. Le cégep, c'est une période de gestation et c'est important que ça existe. Il faut laisser les jeunes être ce qu'ils sont, faire leurs niaiseries. Parce que c'est aussi ça, l'expérience de la vie.»
Entrevue éclair
Ce qui vous fait le plus plaisir dans la vie : (Il hésite et sourit.) Ça ne se dit pas... Faire l'amour.
Ce qui vous fait le plus peur : La maladie. La mienne et celle de mes proches.
Ce que vous vouliez faire quand vous étiez petit : Joueur de hockey. Si j'avais mesuré un pouce de plus, j'aurais aussi voulu être pompier ou policier. Mais j'ai oublié ça. Ma grandeur m'a castré de bien des affaires.
Votre artiste ou personnalité publique préféré : Jean Leloup, Pierre Lapointe, Luc Picard, David Lahaye.
Ce que vous voudriez avoir réalisé avant de mourir : (Long silence) J'aimerais ça arriver à un stade de ma vie où je serai capable d'accepter tout ce que je suis, de ne plus m'en faire. D'être en paix avec moi-même, de calmer mes démons... Mais en attendant, vous pourrez les voir dans Minuit le soir!