Publié le 20 février 2011 à 06h30 | Mis à jour le 20 février 2011 à 06h30
Point de vue
À mon frère Jean Tremblay, maire de Chicoutimi
Nous partageons vous et moi la même foi, celle en ce Jésus de Nazareth qui, des terres de la Palestine, nous a livré le message des Béatitudes, celui de la solidarité humaine, de la vérité, de la justice et de la compassion. Il a eu pour ses disciples ainsi que pour ceux et celles qui allaient les suivre des recommandations de nature à leur faire éviter les pièges du fanatisme dont se revêtaient les docteurs de la loi et ces pharisiens qui aimaient se faire voir en public.
«Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d'eux; sinon, vous n'aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. Quand donc tu fais l'aumône, ne va pas le claironner devant toi; ainsi font les hypocrites, dans les synagogues et les rues, afin d'être glorifiés par les hommes; en vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.» Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu'on les voie. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s'imaginent qu'en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter. N'allez pas faire comme eux ; car votre Père sait bien ce qu'il vous faut, avant que vous le lui demandiez.» Mt. 6, 1-8
Mon cher Jean, toi et moi, prenons au sérieux ces paroles de Jésus. Je ne doute aucunement de la ferveur de tes engagements et de la profondeur de ta foi. Ce que je redoute, toutefois, c'est que les circonstances et les influences, plus près de visions religieuses et sectaires que de la foi elle-même, te conduisent à poser des gestes qui ne pourront qu'être néfastes à cette foi héritée de Jésus lui-même. Cette foi nous libère de toute cette mascarade des us et coutumes dont les peuples ont hérité de cultures et de religions desquelles ils sont issus. Paul de Tarse qui occupe une importance de premier plan dans la compréhension du mystère qui nous enveloppe et dans cette foi qui nous unit a eu ces paroles à l'endroit de ceux et celles qui ne savaient comment se comporter tantôt avec les juifs, tantôt avec des païens. Je t'invite à lire attentivement ce qu'il écrit aux Corinthiens qui se posaient ces questions.
«"Tout est permis"; mais tout n'est pas profitable. "Tout est permis"; mais tout n'édifie pas. Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d'autrui. Tout ce qui se vend au marché, mangez-le sans poser de question par motif de conscience; car la terre est au Seigneur, et tout ce qui la remplit. Si quelque infidèle vous invite et que vous acceptiez d'y aller, mangez tout ce qu'on vous sert, sans poser de question par motif de conscience. Mais si quelqu'un vous dit : "Ceci a été immolé en sacrifice", n'en mangez pas, à cause de celui qui vous a prévenus, et par motif de conscience. Par conscience j'entends non la vôtre, mais celle d'autrui; car pourquoi ma liberté relèverait-elle du jugement d'une conscience étrangère? Si je prends quelque chose en rendant grâce, pourquoi serais-je blâmé pour ce dont je rends grâce? Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. Ne donnez scandale ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l'Église de Dieu, tout comme moi je m'efforce de plaire en tout à tous, ne recherchant pas mon propre intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin qu'ils soient sauvés.» Cor.1, 10, 23-33
Jean, mon frère dans le Seigneur Jésus de Nazareth, je t'invite à méditer ces deux extraits, celui de Mathieu et ce dernier de Paul. Demande-toi si la campagne que tu mènes répond à l'esprit des Évangiles et des Épitres de Paul auxquels tu crois profondément, ou si tu ne te fais pas la marionnette de ceux et celles qui voudraient bien convertir la foi chrétienne en une secte religieuse. Dans ce dernier cas tu ne manqueras pas d'appuis, mais est-ce vraiment là que t'appelle la volonté du Père?
Je termine, en te faisant une confidence. Un jour on m'a remis une croix à porter comme signe d'apôtre et de missionnaire au service des pauvres et des démunis. En conscience je l'ai donné à une connaissance, devenue aveugle à l'âge de 20 ans, et dont la vie était beaucoup plus près du message évangélique que la mienne. Je me disais dans mon fort intérieur que je devais l'inscrire avant tout dans mon coeur avant de la porter sur mon corps. J'ai, aujourd'hui, 70 ans et j'y travaille toujours.
Jean, la foi que nous partageons n'a pas besoin d'accommodements raisonnables pour la simple raison qu'elle nous libère de toutes les contraintes et nous rend capables de nous adapter à toutes les situations. Notre foi est une foi de liberté. Ne soyons scandales pour personne si ce n'est pour témoigner de cette liberté qui nous permet d'être à proximité de tous et de toutes. Soyons des témoins de vérité, des apôtres de justice, des personnes au coeur ouvert capables de vivre dans tous les milieux et au coeur de toutes les tendances. Soyons simplement et profondément humains.
Voilà, Jean, ce que je tenais à te dire au nom de celui en qui nous croyons profondément toi et moi.
Bien fraternellement
Quelqu'un qui admire ton zèle, mais qui en interpelle les orientations.
Oscar Fortin, Québec
