À chacun sa mission
JENNIFER GUTHRIE, MÉTRO
04 mars 2009 12:00

«Star Académie est vue comme une voie de promotion qui n’est pas à la portée des artistes dits émergents ou indépendants», soutien Steve Marcoux, de la SOPREF.
Chaque nouvelle mouture de Star Académie ranime un vieux débat. D’un côté, les amateurs du genre saluent le retour de l’une des rares émissions de variétés à occuper les ondes de la télévision québécoise. De l’autre, les détracteurs se font une joie de critiquer un concept qui, selon eux, accouche de «stars préfabriquées formatées pour les radios FM».
Il reste pourtant une part de l’auditoire qui se questionne. Quelle relation entretient la scène musicale québécoise avec Star Académie? L’émission donne-t-elle un coup de main à la scène locale en faisant, chaque semaine, la promotion de la chanson auprès de quelque deux millions de téléspectateurs, ou la machine qui pousse l’Académie risque-t-elle au contraire d’étouffer les artistes émergents?
«Star Académie prend beaucoup de place dans l’empire Quebecor, mais je ne pense pas qu’elle prenne tant d’espace que ça à l’extérieur, a noté en entrevue à Métro Nicolas Tittley, animateur et chroniqueur à MusiquePlus. Il y a de la place pour autre chose.»
L’arrivée en ondes d’émissions consacrées à la musique, notamment à Radio-Canada, où Studio 12 et M pour musique ont été ajoutées à la programmation, promet une place de choix aux artistes plus marginaux qui n’ont pas leur place sur le plateau de Star Académie.
Le succès de l’émission pilotée par Julie Snyder n’a d’ailleurs pas entraîné un affaiblissement de la scène indépendante. Plusieurs artistes, dont Pierre Lapointe, Ariane Moffatt et Vincent Vallières, se sont taillé une place fort enviable en parallèle du phénomène Star Académie.
«Ce qui est bon de tout mouvement “on”, c’est qu’il produit immanquablement un mouvement “off”, a expliqué Stéphane Laporte, concepteur de la version québécoise de Star Académie. En réaction à l’arrivée de Star Académie, en 2003, il y a des gens qui se sont tournés vers des artistes qui n’avaient pas pris le chemin de l’académie.»
Les artistes indépendants qui tentent de se bâtir une carrière ne peuvent toutefois pas ignorer les impacts de Star Académie.
«Pour certains, Star Académie n’a absolument aucun effet, a indiqué Steve Marcoux, directeur des communications de la Société pour la promotion de la relève musicale de l’espace francophone (SOPREF). Mais pour les artistes plus pop, l’effet se fait sentir, c’est certain. Pour eux, il est impensable de se produire en spectacle dans certains endroits le dimanche soir, sauf s’ils sont prêt à affronter une salle vide.»
Aider la relève?
Les artistes de la relève ont rarement droit à une vitrine aussi exceptionnelle que Star Académie en début de carrière. Le choix des invités du gala dominical, où Patrick Bruel, Michel Fugain et Céline Dion ont défilé depuis trois semaines, peut ainsi soulever la question de l’intégration des artistes émergents, qui pourraient y profiter d’une visibilité accrue.
«Penser que Star Académie doit quelque chose aux artistes émergents, c’est être à côté de la plaque, a affirmé Nicolas Tittley. Star Académie fait un show grand public. C’est une émission consensuelle, rassembleuse, faite pour que Monsieur et Madame Tout-le-monde s’y retrouvent. Ça n’a rien à voir avec la scène des Cowboys fringants ou de Malajube. Ce sont deux mondes.»
La SOPREF croit toutefois que l’intégration d’artistes plus marginaux à l’offre de Star Académie ne devrait pas être exclue.
«Il serait intéressant et bénéfique pour la diversité culturelle et le rayonnement de l’éventail culturel qu’il y ait une place pour la scène émergente ou indépendante à l’émission», a précisé M. Marcoux.
Selon plusieurs, les artistes émergents qui aspirent à vivre de leur art n’ont toutefois pas à attendre l’appel de l’Académie. La vitalité de la scène locale et la place accordée à la relève par des événements comme Pop Montréal, l’Initiative musicale internationale de Montréal (MIMI), les FrancoFolies et M pour Montréal permettent à la métropole de peindre, depuis quelques années déjà, un paysage musical plus diversifié, plus éclaté et plus exportable que jamais.
Star Académie est médiatisée, mais jamais autant que le hockey
Lorsqu’elle est en ondes, l’émission Star Académie retient beaucoup l’attention des médias. Sa couverture, aussi impressionnante soit-elle, n’est toutefois pas comparable à celle du hockey, qui bat tous les records.
Selon les données compilées par la firme de courtage en information média Influence communication, Star Académie a occupé 0,75 % de l’espace médiatique au cours de la semaine du 15 février.
Le Canadien, qui était alors secoué par la crise Alex Kovalev et les révélations-chocs de La Presse sur les liens qu’entretenaient les frères Kostitsyn avec Roman Hamrlik et le crime organisé, a occupé 7,56 % de l’espace média.
Plus que l’Afrique
Même si le hockey n’a pas son égal en termes de couverture médiatique, Star Académie peut se vanter de faire beaucoup parler d’elle dans la province.
«Au Québec, on en dit autant sur Star Académie en quatre semaines et demie que ce qu’on dit en un an sur l’Afrique, a noté Jean-François Dumas, président d’Influence communication. C’est énorme, mais on parle quand même un peu plus de Tout le monde en parle.»
L’émission animée par Guy A. Lepage, en partie diffusée en même temps que Star Académie le dimanche, atteint en quatre semaines le nombre de mentions que l’Afrique obtient en un an.
Intérêt généralisé?
M. Dumas remarque que, pour l’heure, la couverture médiatique de Star Académie se concentre beaucoup dans les médias liés à Quebecor. Il estime toutefois que la situation est appelée à changer.
«Plus on va approcher de la finale, plus il y aura un engouement et plus les médias, même ceux qui ne sont pas affiliés à Quebecor, entreront dans la danse, a-t-il jugé. Je ne serais pas surpris si Star Académie se retrouvait dans le top 10 des nouvelles les plus populaires à l’aube de la finale.»
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