Publié : mar. sept. 25, 2007 3:35 am
La chronique de Jean-Jacques Samson
Le couple Marois-Charest
Jean-Jacques Samson
Le Journal de Montréal
25/09/2007 08h56
Pauline Marois sera de retour à l'Assemblée nationale dans quelques jours, avant même les premiers gels nocturnes et dix-huit mois seulement après avoir démissionné pour aller cultiver ses fleurs sur l'Île-Bizard, disait-elle.
La nouvelle chef du Parti québécois a profité d'un laissez-passer de Jean Charest dans Charlevoix, qui n'a pas présenté de candidat libéral contre elle. Le premier ministre, dont le propre leadership est en ballottage, n'a pas fait preuve de grandeur d'âme ou d'un sens très poussé de la démocratie. Il ne voulait d'abord pas que l'on puisse mesurer sa propre popularité à travers les résultats de cette élection partielle. De plus, il estimait tout simplement que ses intérêts personnels et ceux de son parti seraient mieux servis si Mme Marois revenait vite sous les feux de la rampe à tous les jours. La politique est ainsi faite: de nobles valeurs sont souvent invoquées pour envelopper des intérêts partisans à court terme.
Le Parti québécois a droit de vie ou de mort sur le gouvernement Charest, minoritaire à l'Assemblée. C'est le PQ qui détient la balance du pouvoir et c'est Pauline Marois qui pourra précipiter le Québec en élections générales, lorsqu'elle déterminera que le moment est opportun. La prochaine crise du genre surviendra normalement au printemps 2008, après le dépôt du deuxième budget de la ministre Monique Jérôme-Forget. Le printemps dernier, le PQ (Mme Marois agissait alors en coulisse) a troqué son appui contre des dépenses sociales additionnelles exigées du gouvernement Charest dans des postes budgétaires de son choix.
Le PQ a une dette de 2 millions $, ce qui est un sérieux frein au déclenchement d'élections précipitées. Par contre, Mme Marois est dévorée par l'ambition de devenir la première première ministre du Québec. La tentation sera forte de miser sur des sondages favorables, si tel est le cas. Si le contexte n'est pas propice par contre, la chef péquiste mènera à nouveau le même type de négociations avec les libéraux. Il faudra cependant se rappeler alors qu'un ascenseur relie ces deux formations politiques qui se liguent contre l'ADQ pour préserver une commode alternance de trente ans dans le partage du pouvoir. L'élection d'hier en a fourni un autre exemple.
D'autre part, Mme Marois anticipe que Jean Charest s'accrochera jusqu'aux prochaines élections, pendant que lui réclame un moratoire jusqu'en 2009 au moins. Au cours d'une conversation, il y a dix jours, alors même que les libéraux affaiblis étaient réunis en conseil général, elle s'est d'abord gardée de spéculer avec moi sur le leadership du premier ministre, pour finalement jeter : «il est tenace, n'oubliez pas !» Ce serait sans doute le scénario de rêve pour elle : affronter le chef libéral usé et le plus mal aimé dans la population. (Rien ne garantit cependant que les libéraux lui laisseront cette chance.)
La cote de popularité de Mme Marois est présentement gonflée, comme cela se produit pour tout nouveau leader. Parlez-en à Stéphane Dion. La réalité les rattrape cependant toujours.
Par ailleurs, les plus dangereux ennemis des chefs péquistes se sont toujours trouvé derrière eux et non en face. Mme Marois a gagné sans gloire l'élection partielle dans Charlevoix mais son image auprès des siens a tout de même souffert. Elle a dû répéter à plusieurs reprises que l'accession à la souveraineté était sur la glace pour une durée indéterminée. Une controverse a aussi surgi en fin de campagne sur son château de 3 millions $ à l'Île-Bizard, après l'opération porte ouverte un peu loufoque de son modeste chalet dans Charlevoix, pour berner la galerie. Ces épisodes auront contribué à une démobilisation des militants. La recherche du pouvoir pour le pouvoir (et non pour bâtir un pays souverain) et la richesse personnelle sont mal vue par plusieurs au PQ.
Mme Marois peut s'attendre à une méfiance et à des résistances plus fortes que prévues initialement face à la révision du proramnme qu'elle exige, ou sinon à des désertions nombreuses. Pierre Marc Johnson et Lucien Bouchard ont même vécu les deux à la fois.
Mais à bien retenir pour aujourd'hui: la victoire de Pauline Marois a été désirée par Jean Charest et elle est donc aussi un peu sa victoire. Cela devrait suffire à nous garder alertes.
Le couple Marois-Charest
Jean-Jacques Samson
Le Journal de Montréal
25/09/2007 08h56
Pauline Marois sera de retour à l'Assemblée nationale dans quelques jours, avant même les premiers gels nocturnes et dix-huit mois seulement après avoir démissionné pour aller cultiver ses fleurs sur l'Île-Bizard, disait-elle.
La nouvelle chef du Parti québécois a profité d'un laissez-passer de Jean Charest dans Charlevoix, qui n'a pas présenté de candidat libéral contre elle. Le premier ministre, dont le propre leadership est en ballottage, n'a pas fait preuve de grandeur d'âme ou d'un sens très poussé de la démocratie. Il ne voulait d'abord pas que l'on puisse mesurer sa propre popularité à travers les résultats de cette élection partielle. De plus, il estimait tout simplement que ses intérêts personnels et ceux de son parti seraient mieux servis si Mme Marois revenait vite sous les feux de la rampe à tous les jours. La politique est ainsi faite: de nobles valeurs sont souvent invoquées pour envelopper des intérêts partisans à court terme.
Le Parti québécois a droit de vie ou de mort sur le gouvernement Charest, minoritaire à l'Assemblée. C'est le PQ qui détient la balance du pouvoir et c'est Pauline Marois qui pourra précipiter le Québec en élections générales, lorsqu'elle déterminera que le moment est opportun. La prochaine crise du genre surviendra normalement au printemps 2008, après le dépôt du deuxième budget de la ministre Monique Jérôme-Forget. Le printemps dernier, le PQ (Mme Marois agissait alors en coulisse) a troqué son appui contre des dépenses sociales additionnelles exigées du gouvernement Charest dans des postes budgétaires de son choix.
Le PQ a une dette de 2 millions $, ce qui est un sérieux frein au déclenchement d'élections précipitées. Par contre, Mme Marois est dévorée par l'ambition de devenir la première première ministre du Québec. La tentation sera forte de miser sur des sondages favorables, si tel est le cas. Si le contexte n'est pas propice par contre, la chef péquiste mènera à nouveau le même type de négociations avec les libéraux. Il faudra cependant se rappeler alors qu'un ascenseur relie ces deux formations politiques qui se liguent contre l'ADQ pour préserver une commode alternance de trente ans dans le partage du pouvoir. L'élection d'hier en a fourni un autre exemple.
D'autre part, Mme Marois anticipe que Jean Charest s'accrochera jusqu'aux prochaines élections, pendant que lui réclame un moratoire jusqu'en 2009 au moins. Au cours d'une conversation, il y a dix jours, alors même que les libéraux affaiblis étaient réunis en conseil général, elle s'est d'abord gardée de spéculer avec moi sur le leadership du premier ministre, pour finalement jeter : «il est tenace, n'oubliez pas !» Ce serait sans doute le scénario de rêve pour elle : affronter le chef libéral usé et le plus mal aimé dans la population. (Rien ne garantit cependant que les libéraux lui laisseront cette chance.)
La cote de popularité de Mme Marois est présentement gonflée, comme cela se produit pour tout nouveau leader. Parlez-en à Stéphane Dion. La réalité les rattrape cependant toujours.
Par ailleurs, les plus dangereux ennemis des chefs péquistes se sont toujours trouvé derrière eux et non en face. Mme Marois a gagné sans gloire l'élection partielle dans Charlevoix mais son image auprès des siens a tout de même souffert. Elle a dû répéter à plusieurs reprises que l'accession à la souveraineté était sur la glace pour une durée indéterminée. Une controverse a aussi surgi en fin de campagne sur son château de 3 millions $ à l'Île-Bizard, après l'opération porte ouverte un peu loufoque de son modeste chalet dans Charlevoix, pour berner la galerie. Ces épisodes auront contribué à une démobilisation des militants. La recherche du pouvoir pour le pouvoir (et non pour bâtir un pays souverain) et la richesse personnelle sont mal vue par plusieurs au PQ.
Mme Marois peut s'attendre à une méfiance et à des résistances plus fortes que prévues initialement face à la révision du proramnme qu'elle exige, ou sinon à des désertions nombreuses. Pierre Marc Johnson et Lucien Bouchard ont même vécu les deux à la fois.
Mais à bien retenir pour aujourd'hui: la victoire de Pauline Marois a été désirée par Jean Charest et elle est donc aussi un peu sa victoire. Cela devrait suffire à nous garder alertes.