Un article plus spécifique sur la pollution engendrée par les moteurs à 2 temps!
Wô les moteurs à deux temps !
Québec Science
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Aucun fabricant de motomarines et de motoneiges ne vous le dira, mais les moteurs dont ils équipent leurs véhicules sont d'épouvantables pollueurs. Les améliorer ? Inutile : c'est le principe même du moteur à deux temps qui est à mettre aux poubelles.
par Jean Benoît Nadeau
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Les maringouins.
C'est ainsi que les propriétaires de chalets surnomment les motomarines qui font du boucan et des vagues, parfois à quelques mètres du rivage. Ce fléau a deux points communs avec la motoneige : le pilote (dont il ne sera pas question ici) et le moteur à deux temps, un dinosaure mécanique.
Le moteur à deux temps est un monstre environnemental, à la fois bruyant, puant et extrêmement polluant. Signe immanquable que c'est bien lui : la fumée bleue qu'il dégage. Elle vient du mélange d'huile et de pétrole dont il s'abreuve.
L'agence américaine de protection de l'environnement (EPA) estime que les huit millions de hors-bord et les trois millions de motomarines, de motoneiges et de VTT rejettent chaque année autant d'hydrocarbures que 15 Exxon Valdez - le fameux pétrolier de la compagnie Exxon qui avait déversé 180 millions de litres de pétrole au large de l'Alaska en 1989. Les moteurs à deux temps consomment moins de 1 % de tout le pétrole aux États-Unis, mais produisent 27 % de toute la pollution. Sans compter qu'ils recrachent 100 % de leur huile sous forme de fumée !
« Entre deux pleins, une tondeuse à gazon munie d'un tel moteur pollue autant qu'une fourgonnette qui fait près de 1 000 km », dit Peter Barton, chef de l'ingénierie au département de recherche et de mesure des émissions d'Environnement Canada, qui s'intéresse aux moteurs à deux temps depuis que les véhicules routiers sont mieux contrôlés. Les autos et des motos sont toutes munies de moteurs à quatre temps, beaucoup plus propres - de même que certains VTT, hors-bord et nouveaux modèles de tondeuses.
Faut-il bannir le moteur à deux temps ? D'un point de vue technique, le problème est dû au fonctionnement même de l'engin (voir l'encadré à la page XX). L'EPA et les fabricants, dont Bombardier, croient qu'il suffit de le réformer. Les associations environnementales voudraient le voir disparaître. Selon le Conseil régional de l'environnement des Laurentides, c'est tout le loisir motorisé qui est en cause.
C'est le journaliste américain André Mele qui, en 1993, a fait sonner l'alarme le premier en publiant Polluting for Pleasure (polluer pour le plaisir), une charge à fond de train contre les moteurs à deux temps. L'agence américaine de protection de l'environnement avait déjà mis les véhicules non routiers sur sa liste noire. Mais les premiers résultats des essais en bassin de l'EPA ont surpris tout le monde, même les plus avertis.
Environnement Canada, qui fait ses propres essais, a dévoilé des chiffres étonnants : les moteurs à deux temps dégagent 15 fois plus d'hydrocarbures (le pétrole non ou mal brûlé) et 2 fois plus de monoxyde de carbone qu'un moteur à quatre temps de puissance équivalente. Le tiers du carburant dans le réservoir d'essence n'est jamais brûlé.
Le moteur à deux temps existe encore pour quatre raisons : il est plus puissant, plus léger, plus simple et plus pratique. Plus puissant à poids égal, car il ne fait que deux mouvements pour chaque détonation au lieu de quatre. Plus léger car il comporte moins de pièces. En particulier, il n'a pas besoin d'un lourd carter pour contenir l'huile puisque son pétrole mélangé d'huile lubrifie l'engin à mesure que se produit l'action motrice. Pour cette raison, il est aussi plus simple à faire fonctionner et à réparer. Et il est plus pratique pour des outils comme les scies à chaîne ou pour les usages qui demandent de la robustesse. Le deux-temps peut fonctionner dans de nombreuses positions alors que le moteur à quatre temps a besoin d'une panne à huile presque obligatoirement située en bas, ce qui diminue ses possibilités d'orientation.
Le livre d'André Mele avait cependant un défaut : de faibles assises scientifiques, notamment quant à l'effet des polluants. Les universitaires n'ont pas tardé à s'intéresser à la question. Ainsi, Russell Long, directeur du Earth Island Institute de San Francisco, a étudié les polluants qui sont envoyés dans la nature. Au lac Tahoe, en Californie, on a mesuré une concentration d'hydrocarbures de 47 parties par milliard - à titre de comparaison, il n'en faut que 5 pour percevoir une différence de goût dans l'eau. La liste d'hydrocarbures est longue, car les dérivés - méthyles, butyles, benzènes, toluènes - varient selon les mélanges d'essence et la température ambiante. Sans compter les oxydes d'azote et le monoxyde de carbone. Ces substances nuisent à la santé humaine, à la faune aquatique et au zooplancton. Même en faibles quantités, les hydrocarbures peuvent endommager les chromosomes, nuire au développement foetal, entraîner des malformations. « Le pire, dit Russell Long, c'est qu'en Californie les gens font du nautisme dans les réservoirs d'eau potable. »
La pollution des moteurs à deux temps peut difficilement être contrôlée. Ils recrachent tellement d'essence qu'il ne sert à rien de les munir d'un convertisseur catalytique. Cet appareil, couplé au tuyau d'échappement des automobiles, contient divers réactifs qui finissent de brûler le pétrole non consumé, convertissent les nitrates d'azote en oxygène et transforment le monoxyde de carbone (CO) en bioxyde (CO2). Mais le convertisseur ne peut pas tout brûler ce qui sort d'un moteur à deux temps. De plus - péché suprême -, il en affecte la puissance, la raison d'être de l'engin. Par-dessus le marché, le tuyau d'échappement des motomarines est directement dans l'eau, qui sert de silencieux. Comme aucune fumée ne s'échappe dans l'air, tous les polluants se retrouvent dans l'eau.
Depuis cette année, l'EPA oblige les fabricants de motomarines et de moteurs hors-bord à réduire les émissions de 75 % d'ici 2006. Les Américains mettent l'accent sur le nautisme, en raison de leur climat : les deux tiers du parc de moteurs à deux temps sont reliés aux sports aquatiques. Au Canada, le ministère de l'Environnement, qui fait actuellement des essais, a demandé au parlement le pouvoir d'établir un règlement à ce sujet. Les 600 000 motoneiges et les 400 000 VTT sont dans le collimateur - il n'y a que 70 000 motomarines au Canada. « Ça s'en vient pour la motoneige, on en tient compte », dit Pascal Léporé, directeur des communications chez Bombardier Produits Récréatifs.
Les fabricants ont réagi favorablement à cette nouvelle politique, en partie parce qu'ils l'ont négociée et parce qu'ils y voient un avantage concurrentiel. Désormais, c'est à qui vendra les moteurs les plus propres, les moins bruyants et les plus économiques. Seule Honda fabrique des moteurs à quatre temps depuis 1972. Tous les autres s'orientent vers la conception de moteurs à deux temps à injection munis de convertisseurs catalytiques.
« C'est une technologie compliquée qui coûte cher, environ 600 dollars par moteur », dit Pascal Léporé. Ces moteurs à injection directe réduisent la quantité d'essence non brûlée parce qu'ils injectent le fluide détonnant le plus tard possible pendant le processus d'échappement. On verra aussi apparaître l'injection d'huile, que les utilisateurs n'auront plus à mélanger eux-mêmes. La quantité d'huile consommée pourrait être quatre fois moindre, selon Peter Barton, d'Environnement Canada.
Mais ces moteurs à deux temps améliorés ont un gros défaut : ils demeurent malpropres. Même équipés d'un système à injection, ils sont toujours de 7 à 10 fois plus polluants que les quatre-temps parce qu'ils recrachent encore des hydrocarbures et toute leur huile.
Certains fabricants de tondeuses et de hors-bord se sont déjà convertis au quatre-temps. Cependant, Bombardier, qui installe des moteurs à quatre temps sur son nouveau VTT, n'est pas pressée de le faire sur les motoneiges et les motomarines. « Les moteurs à quatre temps sont lourds et coûtent cher, dit Pascal Léporé. De plus, la motomarine et la motoneige ont besoin de beaucoup de puissance à bas régime en raison de leur mode de propulsion, ce qui est moins le cas pour les VTT. »
Mais il se peut bien que Bombardier et ses concurrentes n'aient pas le choix. La Californie, deuxième plus important marché de motomarines après le Michigan et avant la Floride, se prépare à bannir les deux-temps d'ici trois ans. Et ce ne sera pas une première : sur le lac Constance, à la frontière de la Suisse, de l'Allemagne et de l'Autriche, les véhicules munis d'un moteur à deux temps sont interdits. Ce règlement a été étendu à toute la Suisse, et d'autres pays européens envisagent de l'adopter.
Encadré
Comment fonctionnent-ils ?
Les termes deux-temps et quatre-temps font référence au cycle du piston dans le cylindre.
* Moteur à quatre temps (autos, motos, certains VTT, hors-bord et tondeuses)
Premier mouvement, la bougie fait détonner le mélange et propulse le piston (c'est la partie motrice du mouvement). Deuxième mouvement : retour du piston, qui éjecte les gaz de combustion par la soupape d'échappement. Troisième mouvement : le piston aspire l'air et l'essence vaporisés par la soupape d'admission. Quatrième mouvement : le piston comprime le gaz dans la chambre pour la détonation. Et ça recommence.
* Moteur à deux temps (motomarines, motoneiges, la plupart des hors-bord et des VTT et les scies à chaîne)
Premier mouvement : la bougie fait détonner le pétrole comprimé, le piston est propulsé. Deuxième mouvement : pendant le retour du piston, les gaz de combustion sont chassés dans le canal d'échappement par l'arrivée d'essence gazeuse qui sera comprimée dans la dernière partie du mouvement. Et ça recommence.
Pourquoi le moteur à deux temps pollue-t-il tant ?
1) Parce que l'admission et l'échappement ont lieu dans le même mouvement, alors qu'il s'agit d'un processus séparé dans le moteur à quatre temps. C'est l'essence qui chasse les gaz de combustion, ce qui entraîne nécessairement une perte. C'est la principale source de pollution du deux-temps, mais c'est celle qu'on peut le plus facilement contrôler avec les procédés modernes d'injection.
2) L'huile de lubrification, mêlée à l'essence, ne brûle pas : elle s'évapore sous l'effet de la chaleur. Dans un moteur à quatre temps, cette huile ne sort pas du moteur parce qu'elle est entreposée dans une chambre séparée, le carter, où le piston s'éclabousse à chaque mouvement. Aucun procédé ne règle encore ce problème inhérent au moteur à deux temps.