Le blogue de Chantale Hébert
8 février 2010
Dans la cour d’école du voisin
Publié dans |Général
Au début des années 70, j’ai fait partie de la deuxième promotion de la première école secondaire publique de langue française de Toronto. À l’époque, le système scolaire francophone était encore embryonnaire et l’idée d’étudier en français était vue par bon nombre d’anglophones comme une façon de prendre un mauvais départ dans la vie. Mon professeur d’anglais de 13ème année était du nombre. Elle avait de la difficulté à imaginer que des universités voudraient accueillir des étudiants dont la maîtrise de l’anglais n’était pas garantie – en tout cas à ses yeux. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne m’avait pas prédit un bel avenir.
Alors que je faisais encore mes premières armes en journalisme quelques années plus tard, j’avais réalisé un reportage sur le décrochage scolaire au sein de la minorité franco-ontarienne. À l’époque, les chiffres étaient effarants. Seuls les autochtones décrochaient davantage que les franco-ontariens, et de peu.
La semaine dernière, l’Institut de la statistique du Québec publiait une étude qui montre que les étudiants francophones de l’Ontario sont désormais proportionnellement plus nombreux à détenir un diplôme universitaire que leurs vis-à-vis anglophones. L’étude conclut à ce sujet:
“En bref, les jeunes adultes francophones de l’Ontario semblent avoir comblé le retard de scolarisation que leurs aînés accusent par rapport à leurs concitoyens anglophones, ce qui n’est pas encore le cas au Québec.”
Les raisons de ce redressement exemplaire de la minorité franco-ontarienne sont multiples. Sur le plan historique, on peut retenir:
- La mise en place progressive, après 1968, d’un système de langue française digne de ce nom.
- L’obtention par la communauté franco-ontarienne de la gestion scolaire, revendiquée et obtenue de hautte lutte devant les tribunaux sur la foi de l’article 23 de la Charte des droits et libertés, pendant les années 80.
- La valorisation du français qui a résulté de l’instauration du bilinguisme officiel à Ottawa et de l’avènement par la suite de nombreuses écoles d’immersion française à l’échelle ontarienne.
Du point de vue du parent que j’ai été en Ontario et au Québec, voici également quelques caractéristiques qui rendent le système de la province voisine un peu différent de celui du Québec:
- L’école privée n’est pas subventionnée en Ontario. Résultat: les frais de scolarité de ce genre d’écoles ne sont pas à la portée de la classe moyenne. Les écoles privées de langue française se comptent sur les doigts d’une seule main. Pour la quasi-totalité des parents, l’obtention d’un système d’éducation plus performant passe obligatoirement par l’amélioration de l’école de tout le monde plutôt que par la recherche d’une solution de rechange.
-Dans les écoles dites à vocation particulière – comme celles qui offrent des concentrations en art ou en théâtre par exemple – on a eu tendance à privilégier autant les étudiants susceptibles de décrocher que les premiers de classe. Et ces décrocheurs en puissance sont généralement identifiés dès le primaire. En Ontario, un élève surdoué tombe sous les dispositions qui gèrent l’enfance exceptionnelle au même titre qu’un élève qui fait face à des défis d’apprentissage dans l’autre sens.
- Il n’y a pas en Ontario de grand débat de société sur les cours de religion versus les cours d’éthique parce que ni l’un ni l’autre ne fait partie du cheminement scolaire régulier. On retrouve pas ce type d’enseignement du début du primaire à la fin du secondaire. Des écoles primaires publiques de langue française offrent aux parents qui le désirent des cours de catéchèse pour préparer leurs enfants à la première communion. Ces cours se donnent avant ou après les heures de classe. Dans le réseau catholique public de l’Ontario, on considère généralement que c’est l’école qui est confessionnelle, pas son curriculum.
Une note en terminant: En Ontario, les frais de scolarité collégiaux et universitaires sont nettement plus élevés qu’au Québec. Traditionnellement, la minorité franco-ontarienne n’a pas fait partie des couches socio-économiques supérieures de la société ontarienne. Malgré cela, ces frais ne semblent pas avoir fait obstacle au rattrapage scolaire des jeunes franco-ontariens
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