Re: «Il faut cesser d'éduquer les gars comme des filles»
Publié : dim. août 29, 2010 9:00 pm
Publié le 29 août 2010 à 05h00 | Mis à jour à 11h35
En manque de profs masculins

Daphnée Dion-Viens
Le Soleil
(Québec) «Absolument rien n'a changé depuis 10 ans. Pire, presque plus personne ne parle de la problématique des garçons à l'école. Mais rien n'est réglé.»
Yves Archambault, ancien directeur général de la commission scolaire de Montréal, ne mâche pas ses mots. Près d'une dizaine d'années après avoir soulevé la polémique, il persiste et signe : «L'école n'est pas faite pour les garçons.»
Le réseau scolaire manque cruellement de profs masculins, ajoute-t-il. Les chiffres du ministère de l'Éducation lui donnent raison : en 2009-2010, il n'y avait que 22,3 % d'hommes qui enseignaient dans les écoles du Québec, comparativement à 30,4 % en 1990. Au primaire, les profs masculins ne représentent que 12,9 %. Au secondaire, ils ont été majoritaires jusqu'en 1997, et leur nombre ne cesse de diminuer depuis.
Yves Archambault ne veut pas jeter la pierre aux enseignantes, qui font du bon boulot, précise-t-il. Mais forcément, puisque l'école est «un monde de filles», les valeurs qui y sont véhiculées ne collent pas à celles des garçons. «Une directrice d'école avec 25?ans d'expérience m'a déjà avoué qu'elle avait constaté que les garçons perdaient de l'intérêt pour l'école dès la quatrième année. À cet âge-là, les garçons se rendent compte que l'école n'est pas faite pour eux et qu'ils ne comprennent rien aux valeurs véhiculées à l'école.»
Les «p'tits gars» ont besoin de bouger et de courir, rappelle-t-il. Pourtant, on ne se gêne pas pour couper les récréations l'après-midi ou pour qualifier les garçons d'agressifs lorsqu'ils se chamaillent avec leurs camarades de classe, déplore M. Archambault. «On n'utilise pas assez l'activité physique pour tenter de rendre l'école intéressante et agréable aux garçons. On leur propose des activités davantage intéressantes pour les filles. Je ne dis pas qu'il faudrait oublier les filles, mais il faudrait diversifier davantage.»
Cédric Devouassoux, jeune enseignant dans une école primaire des Laurentides, croit aussi que le réseau scolaire gagnerait à compter davantage d'hommes dans ses rangs. En 2009, il a obtenu son baccalauréat en enseignement à l'Université de Sherbrooke. Parmi les finissants cette année-là, on trouvait seulement quatre gars sur... 225 étudiants.
«Si tu as le choix entre faire quatre ans d'université pour travailler ensuite sur appel et à contrat pendant des années ou faire un diplôme d'études professionnelles d'un an ou deux qui va te donner un très meilleur salaire et un emploi stable après, sans avoir à travailler le soir à corriger des travaux... le choix n'est pas très compliqué. Il faut vraiment être passionné pour choisir cette profession», lance-t-il.
L'an dernier, avec sa conjointe enseignante Marie-Ève Plante, il a écrit à l'ancienne ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, pour réclamer des mesures de discrimination positive afin de faire une plus grande place aux hommes. «Il y a bien des programmes pour privilégier les femmes qui étudient en génie, pourquoi on ne ferait pas la même chose en enseignement? À compétence égale, on devrait privilégier les garçons», dit-il.
Une proposition «controversée», admet-il, mais qu'il n'est pas seul à défendre. À l'Université Laval, Égide Royer, spécialiste en psychoéducation qui s'intéresse beaucoup à la réussite des garçons, y voit aussi une bonne façon d'attirer davantage d'hommes dans les écoles du Québec. «C'est la seule façon d'inverser la tendance. On ne peut pas avoir un métier qui est sous-représenté à ce point, ça n'a pas de bon sens», dit-il.
De son côté, Gérald Boutin, professeur au département de l'éducation de l'UQAM, croit que les universités devraient faire plus d'efforts pour recruter des hommes en enseignement, sans toutefois aller jusqu'à la discrimination positive. «Les facultés d'éducation devraient mener des opérations séduction pour aller chercher davantage d'hommes. On ne le fait pas suffisamment», dit-il.
Mais ce point de vue est loin de faire l'unanimité. Plusieurs groupes féministes et d'autres experts rejettent vivement cette analyse. Pour Jean-Claude Saint-Amant, professeur retraité de l'Université Laval qui s'est intéressé à cette problématique pendant une quinzaine d'années, il n'y a absolument aucun lien à faire entre la réussite scolaire des garçons et une plus grande présence d'hommes en enseignement.
«C'est absolument farfelu. Il n'y a aucune étude qui démontre ce lien. La Grande-Bretagne a déjà offert des primes salariales aux hommes qui allaient étudier en enseignement, mais une étude a montré que les résultats n'étaient pas là», affirme-t-il, déplorant qu'on fasse porter une partie du blâme aux femmes. M. Saint-Amant ajoute toutefois que peu importe la profession, les «ghettos d'emploi» où on trouve une majorité d'hommes ou de femmes ne sont jamais souhaitables.
De son côté, l'ancienne ministre, Michelle Courchesne, avait répondu à l'appel de Cédric en mettant en place un comité pour se pencher sur la question. Une campagne de valorisation de la profession enseignante est aussi en branle depuis le printemps dernier. Reste à voir ce qu'en pensera Line Beauchamp, la nouvelle ministre de l'Éducation.
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En manque de profs masculins

Daphnée Dion-Viens
Le Soleil
(Québec) «Absolument rien n'a changé depuis 10 ans. Pire, presque plus personne ne parle de la problématique des garçons à l'école. Mais rien n'est réglé.»
Yves Archambault, ancien directeur général de la commission scolaire de Montréal, ne mâche pas ses mots. Près d'une dizaine d'années après avoir soulevé la polémique, il persiste et signe : «L'école n'est pas faite pour les garçons.»
Le réseau scolaire manque cruellement de profs masculins, ajoute-t-il. Les chiffres du ministère de l'Éducation lui donnent raison : en 2009-2010, il n'y avait que 22,3 % d'hommes qui enseignaient dans les écoles du Québec, comparativement à 30,4 % en 1990. Au primaire, les profs masculins ne représentent que 12,9 %. Au secondaire, ils ont été majoritaires jusqu'en 1997, et leur nombre ne cesse de diminuer depuis.
Yves Archambault ne veut pas jeter la pierre aux enseignantes, qui font du bon boulot, précise-t-il. Mais forcément, puisque l'école est «un monde de filles», les valeurs qui y sont véhiculées ne collent pas à celles des garçons. «Une directrice d'école avec 25?ans d'expérience m'a déjà avoué qu'elle avait constaté que les garçons perdaient de l'intérêt pour l'école dès la quatrième année. À cet âge-là, les garçons se rendent compte que l'école n'est pas faite pour eux et qu'ils ne comprennent rien aux valeurs véhiculées à l'école.»
Les «p'tits gars» ont besoin de bouger et de courir, rappelle-t-il. Pourtant, on ne se gêne pas pour couper les récréations l'après-midi ou pour qualifier les garçons d'agressifs lorsqu'ils se chamaillent avec leurs camarades de classe, déplore M. Archambault. «On n'utilise pas assez l'activité physique pour tenter de rendre l'école intéressante et agréable aux garçons. On leur propose des activités davantage intéressantes pour les filles. Je ne dis pas qu'il faudrait oublier les filles, mais il faudrait diversifier davantage.»
Cédric Devouassoux, jeune enseignant dans une école primaire des Laurentides, croit aussi que le réseau scolaire gagnerait à compter davantage d'hommes dans ses rangs. En 2009, il a obtenu son baccalauréat en enseignement à l'Université de Sherbrooke. Parmi les finissants cette année-là, on trouvait seulement quatre gars sur... 225 étudiants.
«Si tu as le choix entre faire quatre ans d'université pour travailler ensuite sur appel et à contrat pendant des années ou faire un diplôme d'études professionnelles d'un an ou deux qui va te donner un très meilleur salaire et un emploi stable après, sans avoir à travailler le soir à corriger des travaux... le choix n'est pas très compliqué. Il faut vraiment être passionné pour choisir cette profession», lance-t-il.
L'an dernier, avec sa conjointe enseignante Marie-Ève Plante, il a écrit à l'ancienne ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, pour réclamer des mesures de discrimination positive afin de faire une plus grande place aux hommes. «Il y a bien des programmes pour privilégier les femmes qui étudient en génie, pourquoi on ne ferait pas la même chose en enseignement? À compétence égale, on devrait privilégier les garçons», dit-il.
Une proposition «controversée», admet-il, mais qu'il n'est pas seul à défendre. À l'Université Laval, Égide Royer, spécialiste en psychoéducation qui s'intéresse beaucoup à la réussite des garçons, y voit aussi une bonne façon d'attirer davantage d'hommes dans les écoles du Québec. «C'est la seule façon d'inverser la tendance. On ne peut pas avoir un métier qui est sous-représenté à ce point, ça n'a pas de bon sens», dit-il.
De son côté, Gérald Boutin, professeur au département de l'éducation de l'UQAM, croit que les universités devraient faire plus d'efforts pour recruter des hommes en enseignement, sans toutefois aller jusqu'à la discrimination positive. «Les facultés d'éducation devraient mener des opérations séduction pour aller chercher davantage d'hommes. On ne le fait pas suffisamment», dit-il.
Mais ce point de vue est loin de faire l'unanimité. Plusieurs groupes féministes et d'autres experts rejettent vivement cette analyse. Pour Jean-Claude Saint-Amant, professeur retraité de l'Université Laval qui s'est intéressé à cette problématique pendant une quinzaine d'années, il n'y a absolument aucun lien à faire entre la réussite scolaire des garçons et une plus grande présence d'hommes en enseignement.
«C'est absolument farfelu. Il n'y a aucune étude qui démontre ce lien. La Grande-Bretagne a déjà offert des primes salariales aux hommes qui allaient étudier en enseignement, mais une étude a montré que les résultats n'étaient pas là», affirme-t-il, déplorant qu'on fasse porter une partie du blâme aux femmes. M. Saint-Amant ajoute toutefois que peu importe la profession, les «ghettos d'emploi» où on trouve une majorité d'hommes ou de femmes ne sont jamais souhaitables.
De son côté, l'ancienne ministre, Michelle Courchesne, avait répondu à l'appel de Cédric en mettant en place un comité pour se pencher sur la question. Une campagne de valorisation de la profession enseignante est aussi en branle depuis le printemps dernier. Reste à voir ce qu'en pensera Line Beauchamp, la nouvelle ministre de l'Éducation.
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