JUDICIAIRE
Affaire Diane Grégoire
Les corps «parlent» toujours, selon un pathologiste judiciaire
Première publication 13 septembre 2011 à 17h11
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Pour élucider le meurtre de Diane Grégoire, les pathologistes judiciaires pourraient être appelés à analyser les restes de la dépouille de la femme disparue mystérieusement depuis le 31 janvier 2008 aux promenades Saint-Bruno, en Montérégie.
Pour mieux comprendre le travail de ces médecins spécialistes, Jean-Luc Mongrain s'est entretenu mardi après-midi avec Dr Claude Pothel, un pathologiste judiciaire à la retraite qui a œuvré pendant plus de 23 ans au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, à Montréal. Selon Dr Claude Pothel, les corps «parlent toujours» quand vient le temps d'élucider un décès.
Voici des extraits de l'entrevue diffusée dans le cadre de l'émission Mongrain.
1. Quel est le rôle du pathologiste judiciaire?
«On travaille le plus souvent avec des corps entiers. On tente également de retirer le maximum (d'indices) de restes cadavériques afin de déterminer les causes et circonstances entourant un décès.»
2. Êtes-vous toujours en mesure de déterminer les causes de décès?
«On fait toujours de notre mieux pour faire ‘‘parler'' le corps ou les restes qu'on reçoit au laboratoire. Il n'y a pas de crime parfait. Il reste toujours des résidus qui, des fois, peuvent trahir le meurtrier.»
3. Comment faites-vous le lien entre un suspect potentiel et le corps qui vous est emmené?
«Il y a beaucoup de questions que doivent se poser les pathologistes. Tout d'abord : ‘‘Est-ce qu'il s'agit de restes humains? Est-ce qu'il s'agit d'un homme ou d'une femme, d'un enfant ou d'un adulte? Quel est l'âge (du défunt)? Ensuite, est-ce qu'on peut retrouver des indices pouvant nous donner les causes du décès, puis finalement, le mode du décès (homicide, suicide, accident ou mort indéterminée).
4. Est-ce que la décomposition naturelle d'un corps ou une décomposition provoquée modifie la capacité que vous avez d'élucider les causes qui ont entraîné la mort ou l'identification du cadavre?
«Certainement, les corps frais révèlent plus facilement toutes les lésions qui ont pu causer la mort, mais avec notre expérience, on est habitués de travailler avec les corps putréfiés. On observe plusieurs stades de putréfaction. On reçoit aussi des corps carbonisés, calcinés, ainsi que des restes de corps incinérés. On peut donc recevoir des débris dans toutes sortes de conditions.»
5. Que reste-t-il d'un corps incinéré?
«Tout dépend des conditions de l'incinération. Il faut porter le corps à une température très élevée (plus de 1000 degrés Celsius) pendant une période d'une heure et demie à deux heures. En d'autres termes, tous les tissus mous, tout brûle et devient à l'état de cendre. Mais il y a certaines parties très résistantes du corps, certains os qui résistent à l'effet de la chaleur et du feu. Par exemple, les dents peuvent parfois rester presque intactes dans ces restes incinérés.»
6. Que peut-on apprendre des cendres?
«Encore une fois, tout dépend des conditions de l'incinération. Si la chaleur a été continue, pendant un temps donné, on peut avoir des débris plus ou moins reconnaissables dans les restes, soit des fragments d'os ou des dents. À partir de ça, si ces restes sont amenés au laboratoire médico-légal, les experts feront l'extraction de l'ADN à partir de ces restes. On peut donc faire une comparaison avec l'ADN du vivant de la personne pour en arriver à une identification certaine.»
7. Vous affirmez donc que peu importe si l'on retrouve un corps ou des restes humains, minimalement, la moindre information peut conduire à élucider un décès? Ainsi, la disparition totale d'un corps n'existe pas. C'est simplement parce qu'on ne l'a pas trouvé. Sinon, si l'on retrouvait quelques restes que ce soit, ça pourrait nous parler?
«Certainement. Peut-être que ça pourrait ne pas tout nous dire. Est-ce qu'il s'agit d'un homme, d'une femme? Quelles sont les lésions qui ont causé la mort? Le mode de décès? Il reste encore beaucoup de choses à déterminer. Mais au moins, si on peut mettre un nom sur ces restes. (...) Il y a des endroits où on peut trouver du sang coagulé, des tissus qui n'ont pas complètement brûlé, (...), des morceaux de vêtements. On ne sait jamais ce qu'on peut retrouver.»
8. Avez-vous déjà vu une histoire comme celle-là (affaire Grégoire) ou se rapprochant de celle-ci?
«J'ai fait des autopsies dans toutes les circonstances - les Hells Angels qui ont été mis dans des sacs de couchage, repêchés [des cours d'eau], des gens qui ont été inhumés. [...] Les pathologistes savent qu'après l'hiver, il y a toujours des corps qu'on retrouve dans le fleuve. On s'attend donc à trouver des corps putréfiés, à l'état squelettique, carbonisés... On est habitués à faire ça.»