Éducation
Nos profs sont mal formés
Sébastien Ménard
06/06/2010 07h13
Les directeurs d'école du Québec sonnent l'alarme et préviennent que la baisse du nombre d'élèves dans les classes ne suffira pas à améliorer la réussite des jeunes en difficulté. Il faut aussi réviser la formation des profs, qui est actuellement «déficiente», selon eux.
«Les enseignants sont formés pour enseigner à des élèves réguliers, qui sont capables de suivre le programme du ministère de l'Éducation. Mais aujourd'hui, sur 20 élèves, il n'est pas rare d'en avoir 5 ou 6 qui ont des difficultés de comportement ou d'apprentissage», explique la présidente de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement, Chantal Longpré.
Réunis en assemblée générale, la semaine dernière, les directeurs d'école du Québec ont accouché de dix «réflexions» concernant les élèves handicapés ou ayant des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage, révèle un document obtenu par le Journal.
Les gestionnaires estiment notamment que «le curriculum universitaire des enseignants n'est pas adapté aux clientèles réelles des classes.»
«Il faut que les universités se penchent là-dessus pour ajuster la formation des enseignants, tonne Chantal Longpré, une orthopédagogue de formation. Ils auraient besoin d'une for mation beaucoup plus pointue, beaucoup plus précise sur la façon de gérer une classe», dit-elle.
Intégration
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les profs n'ont jamais été «vraiment formés» à vivre avec «l'intégration» des élèves en difficulté dans les classes régulières, affirme Chantal Longpré.
«Ils ont reçu quelques cours, mais ce n'est pas suffisant pour être à l'aise avec cette réalité», tranche la directrice d'école.
«Quand les enseignants arrivent dans une classe où il y a des élèves qui ont des troubles de comportement ou d'apprentissage, un élève nonvoyant qui a besoin de se faire traduire le matériel en braille et un autre qui a constamment besoin de se faire rappeler qu'il doit se concentrer, ce n'est pas évident», soupire-t-elle.
Surtout que ce sont souvent des profs débutants qui héritent des classes les plus difficiles, souligne Mme Longpré.
Maintien des classes fermées
La baisse du nombre d'élèves dans les classes annoncée la semaine der nière est bien accueillie par les directeurs d'école.
«Mais ce n'est pas juste ça, la solution», insiste Chantal Longpré.
À son avis, il faut fournir davantage de «ressources» professionnelles aux écoles, comme des orthophonistes, des psychologues ou des orthopédagogues.
En plus de réduire la taille des classes, Québec injectera 20 M$ par an dans de tels services. Cela représente moins de 10 000 $ par établissement.
«Ça couvre tout juste une journée d'éducatrice spécialisée par semaine», dit Mme Longpré.
À défaut d'accroître les services de manière plus substantielle, «les directions d'école n'ont d'autre choix que d'envisager le maintien de classes fermées», indique également le document obtenu par le Journal.
Ces classes regroupent un petit nombre d'élèves éprouvant des problèmes d'apprentissage similaires. Elles représentent, en quelque sorte, le contraire de «l'intégration» prônée par Québec.
«On n'a pas d'autre choix que de maintenir des classes fermées, dit Chantal Longpré. De toute façon, est-il réaliste de vouloir intégrer tout le monde dans des classes régulières?», demande-t-elle.
D'autres constats des directeurs d'école
* En plus de soulever des problèmes quant à la formation des profs et d'être favorables à une réduction du nombre d'élèves dans les classes, les directeurs d'école ont formulé d'autres «réflexions» en lien avec les élèves handicapés ou ayant des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA).
En voici deux:
* «Actuellement, les besoins des élèves sont comblés en fonction de l'argent reçu dans l'école. À quand le jour où l'argent sera distribué en fonction des besoins des élèves?»
* «Vouloir rendre le meilleur service à l'élève passe inévitablement par [...] une concertation entre le milieu de la santé et le milieu scolaire, incontournable pour établir un diagnostic précis.»
De plus en plus d'élèves en difficulté
* Au printemps 2009, le ministère de l'Éducation a rendu publiques les données suivantes, concernant l'année 2007-2008.
Au primaire
* 14 079 élèves EHDAA, un bond de 13% en quatre ans.
Au secondaire
* 4 220 élèves EHDAA, un bond de 31% en quatre ans.
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