voilà pour vous cher fan de Virginie
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Le dimanche 07 mai 2006
Après avoir passé 9 ans dans la peau de Lacaille, Jici Lauzon est de retour sur les bancs d'école. C'est à l'UQAM qu'il compétera son mémoire sur l'effet du zapping sur le langage courant.
Photo Ivanoh Demers, La Presse
Jici Lauzon: la vie après Lacaille
Nathalie Petrowski
La Presse
Après neuf ans de fidèles et loyaux services chez Virginie, le célèbre Lacaille, prof rebelle et tombeur impénitent, a tiré sa révérence. Depuis, son alter ego Jici Lauzon est un homme libre mais occupé. Chronique à la radio, animation d'une série sur Historia, maîtrise en communications à l'UQAM, ça n'arrête pas. Portrait d'un touche-à-tout qui savoure chaque seconde de sa nouvelle liberté.
Jici Lauzon a débuté le tournage de Virginie il y a neuf ans de bien mauvaise manière. D'abord, il est arrivé avec une heure et demie de retard sur le plateau. Il habitait à l'époque dans les Laurentides et la mauvaise température l'avait coincé dans un bouchon.
Mais Jici ne s'en faisait pas pour si peu. Il ne pouvait pas imaginer que toute une équipe l'attendait sur le pied de guerre en lui faisant déjà une réputation de bouffon. Aussi s'est-il pointé sur le plateau d'un air insouciant en demandant au réalisateur de l'époque de lui accorder un quart d'heure supplémentaire, le temps qu'il aille se chercher un café. Autant dire que le réalisateur ne lui a rien accordé du tout sinon le temps de se changer et de livrer ses répliques.
Ce jour-là, Jici comprit qu'il venait de mettre les pieds dans quelque chose de beaucoup plus sérieux qu'il ne le croyait. « Je venais en fait de comprendre à quel point Virginie était une grosse machine, sans deviner qu'elle allait éventuellement m'avaler », dit-il.
Le lendemain, il arriva à l'heure et tous les jours subséquents pendant les neuf années suivantes. Non seulement il était à l'heure mais il savait ses textes à la virgule près. À tel point qu'il devint pour ses camarades de jeu l'élève modèle de l'école Sainte-Jeanne-d'Arc. Il avait beau jouer au petit écran un rebelle bohème, beau parleur et courailleux, dans la vraie vie sur le plateau de Virginie, il était un monument de ponctualité, de fidélité et de diplomatie.
Sachant tout cela, j'en ai un peu trop rapidement déduit que son départ de Virginie allait creuser un grand trou dans sa vie et que tôt ou tard, Jici alias Lacaille, finirait par revenir au bercail. Erreur.
Fonctionnaire du petit écran
Détendu et souriant au milieu du Style, un grand resto au coeur du Plateau, Jici Lauzon ne regrette pas sa décision une seule seconde.
« Quitter Virginie, ça commençait à devenir pressant, dit-il. Les dernières années, je me sentais de plus en plus devenir un fonctionnaire du petit écran alors que fondamentalement, je suis un artiste, j'ai besoin de liberté, besoin de faire de la musique, de m'intéresser à mille et une affaires. J'ai tourné ma dernière scène le 13 avril et depuis je jubile. »
Dans les faits, Jici a annoncé à Fabienne Larouche et à Michel Trudeau, ses producteurs, qu'il quittait Virginie en janvier dernier. Mais l'idée le hantait depuis au moins deux ans. Ou plus précisément depuis le jour où il a reçu une offre pour aller tourner un film en Afrique. Avant d'accepter, il devait obtenir la permission de s'absenter de Virginie de ses producteurs. Or ces derniers ont tenté de le dissuader assez vigoureusement.
« Je n'avais pas le choix, explique Fabienne Larouche. Moi, j'écris en fonction de certains piliers qui s'engagent à chaque début de saison à tourner un certain nombre d'épisodes. Jici était un de ces piliers. Il connaissait bien les règles. Il avait signé l'entente. »
Après plusieurs discussions et échanges de courriels musclés où Jici annonçait que ses valises étaient faites et qu'il partait, le film africain est tombé à l'eau. Mais l'incident l'a secoué d'autant plus que Fabienne Larouche s'en est inspirée en envoyant Lacaille au Gabon plusieurs semaines pendant que l'acteur se tournait les pouces à la maison...
Puis le beau temps est revenu sur le plateau de Virginie et Lacaille a retrouvé sa place de choix. Sauf que le personnage a changé radicalement. Le prof rebelle et infidèle s'est casé et marié avec une avocate, mais uniquement pour l'argent. Le mariage l'a rendu impuissant et l'impuissance l'a conduit vers un rôle qu'il avait tant contesté: celui de patron. Bref, plus ça allait et moins Lacaille se reconnaissait. Idem pour son interprète. Heureusement tout a basculé dans le dernier épisode de la saison.
« La fin que m'a écrite Fabienne était sublime, dit-il. Je suis redevenu le bon vieux Lacaille du début, celui qui part faire le tour du monde avec son petit garçon. Je suis content de ne pas avoir fini mort comme certains personnages. Mais mon grand exploit à mes yeux c'est de partir en bons termes avec Michel et Fabienne. Après tant d'années à se côtoyer et à travailler ensemble, c'est tout un exploit. »
Fabienne Larouche aussi est heureuse de la fin et se rend compte que le personnage de Lacaille lui a apporté beaucoup en tant qu'auteur. " Pour être à sa hauteur, il a fallu que je lise Marx, Breton et que je me frotte à tout un pan de la culture intellectuelle que je n'aurais sans doute jamais découvert sans lui ", dit-elle.
Un mélange des genres ambulant
Mais Lacaille disparu, Jici Lauzon n'a pas envie de pleurer. Seulement de reprendre en main sa vie et de redevenir ce qu'il a toujours voulu être. Qui au juste?
« Un impur, un mélange des genres ambulant, répond-il, quelqu'un qui aime transgresser les genres, qui s'intéresse à tout et qui ne vit pas en fonction d'un horaire mais qui se laisse porter par la musique, par les rencontres, par les lectures. C'est du moins comme ça que j'étais avant Virginie. Quand je pense à tout ce que j'ai vécu des fois, je me demande comment j'ai fait. »
En effet, son parcours est des plus erratiques. Né à Terrebonne, à la campagne, dans une famille de sept enfants dont il était l'aîné, Jici a obtenu son premier rôle de comédien professionnel à Toronto. Il avait 18 ans. L'année suivante, il s'inscrit à l'option théâtre du cégep Lionel-Groulx en même temps que Marc Béland et Normand Brathwaite. Puis, déjà fidèle à son futur personnage, il rencontre une super belle fille avec laquelle il s'envole pour l'Amérique du Sud. Bogota, Colombie, Équateur, îles Galapagos, il roule sa bosse un peu partout avant de s'établir à Vancouver où il joue dans une troupe de théâtre pour enfants. Ajoutez à cela un séjour prolongé comme GO (gentil organisateur) au Club Med de Corfou où il s'est marié en grande pompe avec une belle Québécoise qu'il a depuis quittée.
L'humoriste naîtra au tournant des années 80 avec un premier one man show, un nouveau public et surtout un nouveau surnom: Jici pour éviter toute confusion entre lui et le cinéaste Jean-Claude Lauzon.
Et puis, à l'âge de 41 ans, le personnage de Lacaille arrive dans sa vie et la bouleverse. « Au début, raconte-t-il, j'y croyais dur comme fer à Lacaille. Sa vision de la vie, ses idées sur le couple et l'amour, tout cela, je le partageais avec lui et je trouvais ça important de pouvoir tenir un tel discours tous les soirs au petit écran. Ma grande déception a été de découvrir que ce que les gens retenaient du personnage c'était plus le nombre de filles qui passaient dans son lit que ses idées. »
Même si Lauzon jouait à plein temps dans Virginie, il ne pouvait s'empêcher de mener en même temps plusieurs projets de front. À l'été 2000, par exemple, il est devenu aubergiste ou plus précisément, tenancier de cabaret à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson. En réalité, il louait un ancien théâtre construit par le baron Empain et qu'il a en partie rénové à ses frais. Au bout de trois ans, il a été obligé de fermer boutique et de commencer à rembourser ses créanciers, exercice qui n'est pas encore entièrement terminé.
« Je ne regrette rien dans la mesure où j'ai eu énormément de fun à monter des shows et à faire de la musique. Et même si la note a été salée, ça m'a permis de découvrir des choses sur moi-même. J'ai compris que je n'aime pas parler d'argent trop longtemps et que dans le fond, je suis un grand naïf. J'ai tendance à aimer les gens d'emblée et à trop leur faire confiance. La réalité c'est qu'en affaires, certaines gens sont honnêtes mais il y en a un paquet qui sont menteurs, voleurs et profiteurs. Maintenant je le sais. »
La passion des études
En même temps que Jici découvrait le monde décevant des affaires, il découvrait celui plus palpitant des études. Il y a exactement neuf ans, en décrochant le rôle de Lacaille, il est retourné faire un bac en communications, d'abord à l'Université de Montréal, puis à McGill et finalement à l'UQAM. Étudier le passionnait tellement qu'il s'est aussi farci une session à Polytechnique en génie mécanique.
Puis après avoir obtenu son bac, il a décidé de se lancer dans une maîtrise, toujours en communications. Il a complété sa scolarité de maîtrise mais au moment où il allait rédiger son mémoire, son directeur, Jean-Pierre Desaulniers, est décédé. Le temps a passé et Jici n'a pas pour autant abandonné son projet de mémoire sur l'effet du zapping sur le langage courant. Le lendemain de notre rencontre, il avait d'ailleurs rendez-vous à l'UQAM avec sa nouvelle directrice de thèse.
« Cette fois, jure-t-il, j'ai décidé coûte que coûte de terminer ma maîtrise. Pas pour le bout de papier mais pour le sentiment d'avoir été au bout de quelque chose. Sans compter que je n'ai pas envie d'avoir fait toute cette recherche pour rien. »
En attendant, l'élève Lauzon a du pain sur la planche. Cet été, il animera une série d'émissions sur l'histoire au canal Historia tout en continuant à faire la revue des magazines pour l'émission de Richard Martineau au 98,5.
Il continuera surtout de se produire un peu partout sur les petites scènes de la province dans un spectacle où il mélange des bribes de sa vie, des numéros d'humour avec des morceaux de musique. Il projette aussi de se marier avec Fannie, sa nouvelle bien-aimée rencontrée sur le plateau de Virginie, et de lui faire des enfants.
Bref, une nouvelle vie s'ouvre pour Jici Lauzon qui fêtera ses 52 ans en juillet. Une nouvelle vie sans Lacaille comme de raison...