La chronique de Joseph Facal
La camisole de force
Joseph Facal
26/10/2009 09h29
Àl'unanimité, la Cour suprême vient de s'appuyer sur la Charte canadienne pour invalider la loi québécoise qui mettait fin à l'entourloupette permettant à des parents allophones de contourner la loi 101 et d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise.
Les mêmes que d'habitude seront à pied d'oeuvre dans les prochains jours. On nous dira qu'il ne s'agit que de quelques cas isolés. Que le gouvernement du Québec a 12 mois devant lui pour col-mater la brèche. Qu'il ne s'agit que d'avocasseries. Qu'il n'y a pas, qu'il n'y a jamais eu, péril en la demeure.
Bref, on s'emploiera à ce que le peuple n'ait pas la mauvaise idée de vouloir tirer des conclusions politiques. Au bénéfice des jeunes et des amnésiques, un voyage dans le temps s'impose.
FLASHBACK
En 1867, lors de la naissance du Canada moderne, les élites anglophones n'avaient pas réussi à imposer un régime aussi centralisé qu'elles l'auraient voulu. D'où l'adoption de la formule fédérale comme compromis.
Plus de 100 ans plus tard, Trudeau voulut parachever le projet d'une nation canadienne unique amorcé en 1867. Avec l'aide des neuf autres provinces, il imposa au Québec, contre la volonté de son Assemblée nationale, une constitution et cette charte, qui n'ont pas été reconnues officiellement par le Québec à ce jour.
ETHNIE
Comme Trudeau voulait établir qu'il n'y a qu'une vraie nation au Canada, il lui fallait nécessairement éliminer l'idée qu'il pouvait y avoir une nation québécoise. On ravala donc celle-ci au rang d'ethnie et, se drapant dans l'«ouverture», on décida de reconnaître désormais toutes les identités : culturelles, religieuses, sexuelles, etc. L'identité québécoise devenait une parmi une multitude. La banalisation par dilution. Cela s'appelle le multiculturalisme.
Par le biais d'une charte qui ne reconnaît que des droits individuels, on transforme ensuite ces derniers en armes que quiconque peut utiliser devant les tribunaux pour saper le droit collectif de la nation québécoise de protéger sa langue. C'est ce qu'il vient de se passer. On coiffa enfin le tout d'une formule d'amendement qui rendait presque impossible tout changement constitutionnel futur. Le multiculturalisme et la charte ont progressivement fait du Canada un archipel de microsolitudes ethnoculturelles recroquevillées sur elles-mêmes. C'est le droit canadien lui-même qui enferme chaque individu dans son ethnie d'origine et le ghettoïse. Elle est là, la vraie faillite du Canada. Voilà pourquoi les francophones du Québec n'adhéreront jamais avec enthousiasme au Canada, qui ne sera au mieux, pour eux, qu'un mariage de convenance.
Dans ce Canada, les francophones ne peuvent espérer d'autre statut que celui de minorité ethnique. S'en contenter, c'est, par définition, renoncer à l'égalité avec la majorité anglophone. Et quand vous renoncez à l'égalité, forcément, vous acceptez la subordination et dépendez pour toujours du bon vouloir de la majorité.
Par définition, le minoritaire doit alors intérioriser sa condition, s'accommoder devant l'adversité, espérer que le majoritaire «comprendra» et, bien sûr, fuir comme la peste la «chicane» puisqu'il en sort habituellement perdant.
Cette domination peut certes être confortable. Mais une domination confortable n'en est pas moins une domination, d'autant plus insidieuse que ce confort anesthésie la conscience historique et la volonté collective.
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