Métiers féminins
Des préjugés et des hommes
Une mécanicienne, c’est une femme forte qui s’est affranchie des stéréotypes. Un esthéticien, c’est… Les métiers traditionnellement féminins ont beau avoir besoin de sang neuf, les hommes restent peu nombreux à envisager d’y faire carrière.
par Stéphane Rolland
Francis Bellemare est secrétaire à la Coopérative des consommateurs de Sainte-Foy et il adore son travail. «Malgré cela, je suis encore gêné de le dire lorsque je me présente», avoue le jeune homme de 26 ans. «Pourtant, c’est un métier diversifié et très intéressant. Nous avons de grandes responsabilités et nous pouvons mener une entreprise au succès ou à l’échec.»
Pas étonnant qu’il soit mal à l’aise : les secrétaires qui portent fièrement la barbe ne courent pas les rues. «Les garçons qui s’orientent vers une profession traditionnellement féminine doivent avoir une carapace épaisse pour affronter les préjugés», affirme Michel Thibeault, président de la Fondation pour Hommes, un organisme d’entraide masculine de Louiseville, en Mauricie. «Ceux qui seraient tentés par ce choix craindront de passer pour des moumounes. C’est dommage, mais, en 2010, c’est encore considéré comme l’insulte suprême.»
Même si les rôles des Québécoises et des Québécois ont bien changé sous l’influence du mouvement féministe, plusieurs professions sont encore fortement associées à l’un des deux sexes. Ce sont les métiers traditionnels, où l’un des genres représente moins du tiers des effectifs. «Si la voix au bout du fil est masculine, on pense automatiquement que c’est le patron qui a répondu, donne en exemple Éric Charest, professeur en gestion des ressources humaines à l’ENAP. On ne peut tout simplement pas s’imaginer que le réceptionniste soit un homme.»
Cette réaction s’explique par notre habitude à la division sexuelle historique des professions, selon lui. «Lorsque les femmes ont intégré le marché du travail, on les a accueillies au sein de créneaux précis, explique le professeur. Elles ont été confinées aux soins d’autrui, comme les infirmières et les éducatrices, ou à un rôle de soutien, comme les hygiénistes dentaires et les adjointes administratives.»
Absence de modèles
Avec des programmes comme Chapeau, les filles! la relève féminine est de plus en plus encouragée à intégrer les chasses gardées de ces messieurs. Le cheminement inverse n’est toutefois pas encore valorisé. «Les Québécoises se sont davantage affranchies des stéréotypes, croit Michel Thibeault. Elles craignent moins d’affirmer leurs ambitions. Les gars, quant à eux, ont encore peur de faire rire d’eux.»
Academos, un site Web d’orientation professionnelle qui permet aux élèves du secondaire de discuter avec des cybermentors, est l’un des rares organismes à essayer d’ajouter de la testostérone à ces métiers. L’année dernière, son équipe a lancé une campagne de recrutement pour trouver des éducateurs en garderie, des infirmiers et des enseignants au primaire intéressés par le mentorat. «Les garçons et les filles qui songent à se diriger vers un métier traditionnel où ils seront minoritaires préfèrent être conseillés par une personne du même sexe», constate Catherine Légaré, directrice du développement et fondatrice d’Academos.
Les garçons qui voudraient suivre les traces professionnelles de leur mère et de leurs tantes manquent de modèles, selon Benoît Rousseau, infirmier clinicien à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, à Québec. C’est pour cette raison qu’il a accepté l’appel d’Academos et qu’il est devenu mentor. «En classe, les livres et les enseignants parlaient toujours de notre profession au féminin, raconte- t-il. Je ne me sentais pas représenté.»
Les infirmières, quant à elles, apprécient souvent la compagnie de leur collègue masculin. «Nous sommes portés à entrer en compétition avec des personnes du même sexe avec qui on peut se comparer, analyse Benoît Rousseau. Le fait d’avoir un infirmier au sein d’une équipe de soins désamorce cette dynamique conflictuelle. Plusieurs infirmières m’ont dit que ma présence permettait de détendre l’atmosphère de travail.»
http://carriere.jobboom.com/marche-trav ... 76-jm.html" onclick="window.open(this.href);return false;