2 poids, 2 mesures
Gérald Fillion
19 octobre 2011
S’il fallait encore faire la preuve du fossé qui sépare les indignés des grandes banques américaines, on pourrait ne regarder que les résultats des institutions financières de Wall Street cette semaine. Les milliards pleuvent, les banques ont certainement retrouvé leur erre d’aller sans craindre une interférence sérieuse des pouvoirs publics.
Au cours du troisième trimestre, soit pour les mois de juillet, août et septembre, le plus grand fournisseur américain d’hypothèques Wells Fargo a encaissé un profit net de 4,06 milliards de dollars, en hausse de 21 % par rapport à la même période l’année dernière.
Même scénario pour Citigroup, qui a enregistré un bénéfice net de 3,8 milliards de dollars à son dernier trimestre, un formidable bond de 74 %. Citigroup, l’une des institutions ayant reçu le plus d’argent public pour éviter la faillite durant la crise financière, a vu ses profits grimper sans cesse depuis sept trimestres maintenant.
Grâce à la vente d’actifs, la Bank of America est passée d’une perte nette de 7,3 milliards de dollars au 3e trimestre 2010 à un profit net de 6,2 milliards de dollars au troisième trimestre 2011. La banque n’est plus la plus grosse institution financière des États-Unis, ayant laissé cette première place à JP Morgan.
On la dit plus petite, plus efficace, en meilleur contrôle de ses coûts. Elle a d’ailleurs annoncé la mise à pied de 30 000 employés d’ici 3 ans. Cette gestion, très rentable, a été saluée par les actionnaires.
Du point de vue des analystes, les banques ne sont pas à leur mieux. On craint encore une crise financière avec l’exposition élevée de plusieurs banques européennes aux dettes de pays en difficulté, comme la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Et l’insatisfaction des analystes et grands investisseurs a entraîné encore cette année des compressions et des suppressions d’emplois importantes dans les banques.
Il n’en demeure pas moins que ces institutions ont vite retrouvé leurs bonnes vieilles habitudes après les mois les plus difficiles de 2008 et 2009. Cette mauvaise période a obligé les gouvernements à sauver les banques et les fabricants d’autos, et elle a obligé les banques centrales ainsi que le FMI à investir des milliers de milliards de dollars pour éviter que le monde ne plonge dans une profonde dépression.
Selon le grand patron de Wells Fargo, John Stumpf, le problème qui soulève la colère des indignés de Wall Street, c’est que « le redressement économique est trop long. Le chômage est trop élevé et les gens souffrent. On comprend ça », a-t-il déclaré lundi. On comprend, mais le constat est implacable : des millions d’Américains sont au chômage, la crise immobilière se poursuit, tandis que les banques ont recommencé à rouler sur l’or!
Céline Galipeau me demandait lundi soir au Téléjournal si les gouvernements pouvaient répondre favorablement et réalistement aux attentes des indignés du monde entier. Ma réponse, c’est qu’il faudrait peut-être cesser le « deux poids deux mesures ». D’un côté, on a sauvé les banques. Mais, de l’autre, on l’a fait sans grandes exigences et contraintes.
Les nouvelles réserves minimales en capital exigées pour les banques en rapport avec leurs actifs risqués sont plus faibles que ce à quoi on se serait attendu. Les ventes à découvert, considérées comme un outil de marché très spéculatif, existent toujours même si ce type de transaction a été suspendu temporairement dans certains pays d’Europe.
Les banques ont recommencé à faire de gros profits, à verser dividendes et bonis, tout en supprimant des emplois. Elles sont de celles qui amplifient les mouvements sur les marchés, accentuant la spéculation et les inquiétudes sur les capacités financières de plusieurs pays.
Et malgré tous les sommets et toutes les promesses, les pays du G20 ne sont toujours pas parvenus à adopter des mesures coordonnées solides pour stabiliser l’économie et les marchés et pour encadrer les activités des banques.
Par exemple, il n’y a toujours pas d’entente sur la taxation des transactions financières, réclamée par plusieurs gouvernements d’Europe, rejetée catégoriquement par le Canada notamment.
http://blogues.radio-canada.ca/geraldfi ... 2-mesures/" onclick="window.open(this.href);return false;