Un refus de se soumettre au détecteur de mensonges signifie-t-il qu’on a quelque chose à se reprocher?
Chronique d'une criminologue
19 septembre 2011
Vous avez été plusieurs à me demander si l’attitude du conjoint de Diane Grégoire, cette dame qui a mystérieusement disparue aux Promenades St-Bruno le 31 janvier 2008, pouvait signifier qu’il avait quelque chose à voir avec sa disparition.
Rappelons que selon les conseils de son avocat-conseil Me Robert La Haye, Paul Laplante refuse de se soumettre au test polygraphique et désire s’abstenir de commenter l’affaire dans les médias. Mais est-ce que cela signifie pour autant qu’il a quelque chose à se reprocher? Absolument pas.
Je concède que pour monsieur/madame tout le monde, cela peut paraître curieux d’agir ainsi. Les gens se disent “Pourquoi ne pas se soumettre au détecteur de mensonges si on n’a rien à se reprocher?”. Bien, même si on le dit fiable à près de 90%, ce n’est pas un test infaillible. Certaines personnes présentent des conditions médicales, notamment des problèmes de pression artérielle ou des maladies mentales, qui faussent les résultats du test polygraphique. Une personne excessivement nerveuse de nature, dont la sudation, le rythme cardiaque ou la respiration s’emballent même lorsqu’elle ne ment pas, pourrait voir ses résultats faussés en raison de son état. A l’inverse, certains individus sont capables de contrôler leurs réactions physiologiques d’une façon telle qu’ils déjouent le polygraphe, donc l’appareil ne détecte pas qu’ils mentent. Fait impératif à mentionner: le résultat au test polygraphique n’est pas admissible en preuve dans un procès criminel: c’est au juge et/ou au jury de déterminer la crédibilité d’un témoin. Vous pouvez d’ailleurs consulter l’arrêt Béland et Philips(1987) 2 R.C.S. 398 pour plus de détails (source: blogue juridique Coutures et associés). Les forces de l’ordre utilisent entre autres ce test en cours d’enquête pour éliminer des individus d’une liste de suspects potentiels. Cependant, un refus de s’y soumettre ne signifie pas nécessairement un aveu indirect de culpabilité ou d’avoir quelque chose à se reprocher.
Deux exemples me viennent en tête en ce qui concerne des cas de meurtres de femmes adultes: Alain Perreault et Francis Proulx. Le premier, qui a été retrouvé coupable le 11 février 2011 du meurtre prémédité de Lyne Massicotte, qu’il avait rencontrée sur Internet en 2003 et assassinée le soir même, avait refusé de se soumettre au test polygraphique en cours d’enquête. Quant à Francis Proulx, il avait accepté de passer au détecteur de mensonges puisqu’il était convaincu qu’il réussirait à le déjouer. Toutefois, moins de quelques heures après l’exercice, il était placé sous arrestation. Il a d’ailleurs été reconnu coupable du meurtre au premier degré de Nancy Michaud, l’attachée politique de l’ex-ministre Claude Béchard, en date du 27 mai 2011. Dans le premier cas, le refus de passer au détecteur de mensonges était associé à une culpabilité. Dans le second, l’individu s’était prêté au jeu, mais était tout de même coupable. On ne peut donc dire qu’à coup sûr, un refus en ce sens équivaut à une culpabilité ou au fait d’avoir quelque chose à se reprocher.
Pour ce qui est du choix de Paul Laplante, le conjoint de Diane Grégoire, de ne pas commenter l’affaire devant les médias, je dirais qu’il s’agit d’un choix judicieux, surtout si c’est un individu mal à l’aise devant la caméra. En tant que principal témoin, tous les projecteurs sont dirigés vers lui, qui pourtant, n’a que signalé la disparition de son épouse. Précisons, qu’il n’y a pas de situation juridique le concernant actuellement et Me Robert La Haye agit seulement à titre de conseiller juridique. Ajoutons qu’advenant que monsieur Laplante accorde des entrevues, ses propos et son langage non-verbal seront assûrément analysés sous tous les angles et bien évidemment, tout le monde ira de son opinion quant à son implication (ou non-implication) dans cette affaire. Cela fait près de trois ans et demi que son épouse est disparue, peut-être ne désire-t-il tout simplement pas s’infliger le stress supplémentaire d’être sous les projecteurs et de se savoir juger encore plus qu’il ne l’est présentement par la population. Rappelons que dans plusieurs affaires de meurtre, le meurtrier collaborait allègrement avec les enquêteurs et les médias. Donc encore une fois, on ne peut tirer de conclusion du désir de monsieur Laplante de ne pas accorder d’entrevue.
Compte tenu qu’il s’agirait d’un homicide et non d’une disparition, j’imagine la douleur des espoirs envolés que peuvent ressentir les proches de Diane Grégoire. Espérons que cette affaire se concluera rapidement afin de leur permettre d’entamer leur processus de deuil. J’espère qu’ils pourront un jour trouver, ne serait-ce qu’un tout petit peu, la paix et la sérénité.
La Criminologue
http://lacriminologue.com/?p=3011" onclick="window.open(this.href);return false;
C'est que cette technique là les tueurs commencent à la connaître malheureusement.