Marie-Eve Lafontaine
Trois-Rivières
Karine Fortier a fait une promesse à sa fille Cédrika. Elle lui a promis qu’elle ne se laisserait pas abattre, qu’elle allait être forte pour elle, sa soeur et son petit frère.
Une promesse qu’elle s’efforce de remplir jour après jour, malgré l’absence, l’inconnu, et parfois des moments de découragement, de désespoir. Pour sa famille, elle reste solide malgré cette grande noirceur. Elle attend et elle espère encore le retour de Cédrika.
«C’est comme une promesse que je lui ai faite: on ne se laissera pas mettre à terre, on ne va pas s’effondrer. Pour moi, la famille, les enfants, c’est l’équilibre, mais en même temps, c’est me battre pour Cédrika.
C’est vraiment lui dire: «On va être prêt pour ton retour, on va être encore là, vraiment plus fort et vraiment plus présent. On va être disponible juste pour toi». On s’est vraiment donné une mission.»
Dans sa coquette maison aux briques rouges où le soleil rentre à pleines fenêtres, la vie suit son cours. Un dessin animé joue à la télévision, des jouets sont rangés dans un coin, une chaise haute trône dans la salle à manger. Une couverture colorée est pliée sur le divan. «La doudou à Cédrika», précise Mme Fortier.
Cédrika qui, partout dans la maison, sourit. Que ce soit sur les murs, sur le frigo ou sur un meuble, dans son habit de scout, plus jeune avec deux grandes nattes, avec sa soeur ou son frère, les photos de la fillette rappellent sa vie heureuse parmi les siens.
«Cédrika, ce n’est pas une absente. Il y a des photos d’elle. On se rappelle des souvenirs, des anecdotes. C’est positif quand on parle de Cédri et ce n’est pas un sujet tabou. On partage ces émotions-là. C’est très, très présent.»
Et bien sûr, l’espoir est là.
«Je garde espoir. C’est en moi. C’est certain que j’ai eu des périodes de doute. C’est normal. Dans l’inconnu, c’est hyper difficile et il y a des périodes plus dures. Je suis aussi quelqu’un de terre à terre et de réaliste, mais cet espoir-là est plus fort.»
Après presque un an, qu’est-ce qui peut lui faire croire que Cédrika est toujours vivante?
«Rien. C’est en dedans. C’est un feeling, c’est des rêves», explique-t-elle.
Dans son coeur de mère, elle ressent toujours sa fille. Un lien qui lui permet d’espérer. «Parfois, je prends une photoet je la sens. C’est un lien physique fort. C’est difficile à expliquer.»
Tant que l’incertitude demeure, pas question de faire un deuil.
«Je ne me vois pas tourner la page parce que ça fait un an. Je tournerais le dos à ma fille. Jamais, je ne vais faire ça.»
À tout moment de la journée, Mme Fortier pense à sa fille. Chaque soir, lorsqu’elle embrasse ses enfants avant le dodo, elle a une pensée pour celle qui n’est toujours pas rentrée. «Je lui souhaite bonne nuit tous les soirs. Le réflexe est resté.»
Et si Cédrika revient, sa famille sera là pour l’accueillir. Comme chez son père, sa chambre n’a pas bougé. Même la page de son calendrier demeure la même: juillet 2007.
«Sa chambre est toute prête pour son retour», mentionne sa mère.
Assise à la table de sa cuisine, ses longs cheveux noués, lumineuse, Karine Fortier parle d’une voix assurée. Comme promis à sa fille, elle est loin de donner l’impression qu’elle va se laisser écraser par le désespoir, et ce, même si les larmes ne sont jamais bien loin. Cela reste d’ailleurs une lutte de tous les instants.
«C’est très difficile. Ce n’est pas explicable. On tombe dans le néant complètement et c’est ton enfant. C’est ta fille. Tu ne peux pas ne pas savoir. Tu ne peux pas te retrouver dans ce vide-là sans être par périodes en chute libre totale. Mais c’est sûr et certain qu’on ne va pas s’effondrer. C’est ça notre défi. On se bat tous les jours.»
Le plus révoltant, pour elle, c’est de penser à cet inconnu qui lui a arraché sa fille. Une enfant heureuse à la vie pleine de promesses. En échange, il a laissé le vide.
«Tu te promets que tu vas être toujours là pour tes enfants, que tu vas toujours faire de ton mieux pour les protéger, et là, quelqu’un d’autre décide de te la prendre. Du jour au lendemain, tu ne sais rien. En l’espace de 15 minutes, tu n’as plus rien. C’est le vide. Ça s’est dur.»
Pour tenir le coup, elle répète son leitmotiv: une journée à la fois. Le 31 juillet sera une journée de plus. Une journée de plus sans Cédrika.•
Source :
http://www.cyberpresse.ca/article/20080 ... OUVELLISTE