Publié : jeu. avr. 06, 2006 12:20 pm
article du Soleil
Les lofteurs encore dans leur bulle
Julie Lemieux
Le Soleil
Ils ont à peine le temps de manger, encore moins le temps de dormir. Leurs yeux parviennent difficilement à rester ouverts et ils ont du mal à comprendre leur soudaine popularité. Les quatre finalistes de Loft Story semblent revenir tout droit d'un long voyage interstellaire. Et si certains apprécient leur retour sur terre, d'autres s'adaptent moins bien à ce contact brutal avec la réalité.
Devant moi, Dominique, la barmaid de Québec, tient solidement sa tête dans sa main pour qu'elle ne s'écrase pas sur la table. Elle n'a presque pas dormi depuis dimanche et ses nerfs commencent à subir les contrecoups de cette fatigue accumulée. Mais il n'y a pas que le manque de sommeil qui lui donne envie de pleurer. «Bizarrement, j'étais bien dans le loft», confie-t-elle, un sanglot dans la voix. De toute évidence, la jeune femme a la défaite amère. D'autant plus qu'elle sent que celui pour qui elle avait le béguin, Mathieu, est en train de lui filer entre les doigts.
Avant de la rencontrer, je n'avais vu Dominique qu'une fois en zappant à la télé. Je ne savais pas grand-chose de son histoire, ni de celle de Stéphanie, de Maxime ou de Mathieu. Je ne savais pas qui aimait qui, qui jouait le rôle du gentil et du méchant, qui avait couché avec qui. Et je m'en foutais royalement. Honnêtement, je n'ai pas suivi les intrigues de Loft Story cette année. Je ne mens pas pour les apparences, c'est la pure vérité... J'avais autre chose à faire de mes soirées.
Mais la détresse de Dominique m'a ébranlée. Je m'amenais avec mes questions coups de poing et mon sac de préjugés, mais je me suis retrouvée devant une jeune femme fragile, épuisée, grippée, démoralisée, qui n'était pas en état de répondre à quoi que ce soit. «Si je ne me repose pas un peu, je vais faire une dépression», me dit-elle, sans blaguer. Et je la crois. Il est déjà difficile de perdre un amour. Alors imaginez quand on le voit tranquillement s'éloigner pendant que les caméras sont braquées sur nous. Pathétique.
Car Mathieu, le grand gagnant de l'émission, ne s'en cache pas. Il veut conserver sa liberté, ne fait aucune promesse à Dominique et admet qu'il s'interroge sur la compatibilité du couple à l'extérieur des murs du loft. «On ne connaît pas les habitudes de l'autre. Et il y a aussi l'éloignement...», me dit-il en entrevue. Sans le vouloir, je me retrouve en plein milieu d'une crise de couple digne d'un épisode de Loft Story. Dominique, écrasée sur un divan de TQS, qui regarde sa flamme de loin, les yeux dans l'eau. Et lui, qui explique déjà sa défection en se sentant un peu coupable de lui faire du chagrin. Décidément, on peut sortir les gens du loft, mais on ne peut pas sortir le loft des gens...
D'ailleurs, les quatre finalistes ont tous de la difficulté à réaliser que l'aventure est terminée. Ils ont encore la tête ailleurs, ils vivent toujours dans la bulle de leur appartement. Et puisqu'ils n'ont eu aucun contact avec le monde extérieur pendant deux mois, ils ne parviennent pas à comprendre ce qu'ils ont bien pu faire pour mériter autant d'attention. Partout où ils passent, c'est la folie furieuse. On veut les toucher, leur parler, les prendre en photos. «C'est invraisemblable, soutient Maxime. Je n'ai pas gagné un Oscar, je n'ai pas vendu 50 000 exemplaires d'un disque. J'ai juste été dans un loft pendant 63 jours...»
En fait, leur lucidité m'a agréablement surprise. Je m'attendais à rencontrer des têtes enflées, des ego démesurés. Mais non. La gagnante, Stéphanie, parle peut-être de sa «prestance» naturelle avec un peu trop d'aisance. Et elle devrait sans doute hésiter un brin avant d'admettre qu'elle savait dès le départ qu'elle allait finir dans les premiers... Mais pour le reste, je dois dire que ces jeunes m'ont impressionnée par leur clairvoyance et leur pensée rationnelle. Tout le monde sait que le succès risque d'être éphémère. Tout le monde semble réaliser que le loft ne leur assurera pas nécessairement une carrière bien remplie.
D'ailleurs, à part Mathieu, les lofteurs jurent qu'ils se sont lancés dans cette aventure uniquement pour le «trip», pour l'expérience, et non pas pour devenir célèbres et populaires. J'en doute un peu, tout de même. N'espèrent-ils pas tous obtenir un contrat à la télé ou à la radio ? N'attendent-ils pas tous que les portes du monde du showbiz ou des communications s'ouvrent devant eux comme par magie ? De toute façon, quand on fait des mains et des pieds pour participer à cette émission, c'est sûrement parce qu'on a envie de se faire remarquer.
Si leur popularité s'étiole, si le succès durable ne se présente pas au rendez-vous, les lofteurs soutiennent pour la plupart qu'ils se contenteront de leur vie d'avant, sans plus. Maxime renouera avec son métier d'ébéniste, Stéphanie redeviendra adjointe administrative, Dominique retournera travailler dans les bars (peut-être même au Dagobert avec le lofteur Steve). Mais on voit dans leurs yeux qu'ils espèrent mieux.
Mathieu, lui, cache beaucoup moins ses ambitions. Il admet d'emblée qu'il faisait Loft Story pour gagner et qu'il n'a pas ménagé les efforts pour se faire remarquer. Il veut faire de la télé, de la radio, devenir une vedette, un artiste... Je n'ai pas vu l'émission, mais en jetant un oeil sur Dominique, je me suis demandé si la pauvre n'a pas été victime des manipulations de son copain, qui voulait à tout prix vaincre l'adversité et remporter les honneurs. Mais bon. Ne jetons pas d'huile sur le feu.
Voyez, j'ai moi-même de la difficulté à résister à l'envie de commenter leur relation. J'ai de la peine pour elle, des soupçons envers lui. J'imagine que c'est ce qui fait la popularité de Loft Story. Des histoires d'amour, de séparation, de chicanes, de trahison, ça sera toujours vendeur, ça fera toujours jaser, ça nous donnera toujours le goût de prendre position...
Les lofteurs encore dans leur bulle
Julie Lemieux
Le Soleil
Ils ont à peine le temps de manger, encore moins le temps de dormir. Leurs yeux parviennent difficilement à rester ouverts et ils ont du mal à comprendre leur soudaine popularité. Les quatre finalistes de Loft Story semblent revenir tout droit d'un long voyage interstellaire. Et si certains apprécient leur retour sur terre, d'autres s'adaptent moins bien à ce contact brutal avec la réalité.
Devant moi, Dominique, la barmaid de Québec, tient solidement sa tête dans sa main pour qu'elle ne s'écrase pas sur la table. Elle n'a presque pas dormi depuis dimanche et ses nerfs commencent à subir les contrecoups de cette fatigue accumulée. Mais il n'y a pas que le manque de sommeil qui lui donne envie de pleurer. «Bizarrement, j'étais bien dans le loft», confie-t-elle, un sanglot dans la voix. De toute évidence, la jeune femme a la défaite amère. D'autant plus qu'elle sent que celui pour qui elle avait le béguin, Mathieu, est en train de lui filer entre les doigts.
Avant de la rencontrer, je n'avais vu Dominique qu'une fois en zappant à la télé. Je ne savais pas grand-chose de son histoire, ni de celle de Stéphanie, de Maxime ou de Mathieu. Je ne savais pas qui aimait qui, qui jouait le rôle du gentil et du méchant, qui avait couché avec qui. Et je m'en foutais royalement. Honnêtement, je n'ai pas suivi les intrigues de Loft Story cette année. Je ne mens pas pour les apparences, c'est la pure vérité... J'avais autre chose à faire de mes soirées.
Mais la détresse de Dominique m'a ébranlée. Je m'amenais avec mes questions coups de poing et mon sac de préjugés, mais je me suis retrouvée devant une jeune femme fragile, épuisée, grippée, démoralisée, qui n'était pas en état de répondre à quoi que ce soit. «Si je ne me repose pas un peu, je vais faire une dépression», me dit-elle, sans blaguer. Et je la crois. Il est déjà difficile de perdre un amour. Alors imaginez quand on le voit tranquillement s'éloigner pendant que les caméras sont braquées sur nous. Pathétique.
Car Mathieu, le grand gagnant de l'émission, ne s'en cache pas. Il veut conserver sa liberté, ne fait aucune promesse à Dominique et admet qu'il s'interroge sur la compatibilité du couple à l'extérieur des murs du loft. «On ne connaît pas les habitudes de l'autre. Et il y a aussi l'éloignement...», me dit-il en entrevue. Sans le vouloir, je me retrouve en plein milieu d'une crise de couple digne d'un épisode de Loft Story. Dominique, écrasée sur un divan de TQS, qui regarde sa flamme de loin, les yeux dans l'eau. Et lui, qui explique déjà sa défection en se sentant un peu coupable de lui faire du chagrin. Décidément, on peut sortir les gens du loft, mais on ne peut pas sortir le loft des gens...
D'ailleurs, les quatre finalistes ont tous de la difficulté à réaliser que l'aventure est terminée. Ils ont encore la tête ailleurs, ils vivent toujours dans la bulle de leur appartement. Et puisqu'ils n'ont eu aucun contact avec le monde extérieur pendant deux mois, ils ne parviennent pas à comprendre ce qu'ils ont bien pu faire pour mériter autant d'attention. Partout où ils passent, c'est la folie furieuse. On veut les toucher, leur parler, les prendre en photos. «C'est invraisemblable, soutient Maxime. Je n'ai pas gagné un Oscar, je n'ai pas vendu 50 000 exemplaires d'un disque. J'ai juste été dans un loft pendant 63 jours...»
En fait, leur lucidité m'a agréablement surprise. Je m'attendais à rencontrer des têtes enflées, des ego démesurés. Mais non. La gagnante, Stéphanie, parle peut-être de sa «prestance» naturelle avec un peu trop d'aisance. Et elle devrait sans doute hésiter un brin avant d'admettre qu'elle savait dès le départ qu'elle allait finir dans les premiers... Mais pour le reste, je dois dire que ces jeunes m'ont impressionnée par leur clairvoyance et leur pensée rationnelle. Tout le monde sait que le succès risque d'être éphémère. Tout le monde semble réaliser que le loft ne leur assurera pas nécessairement une carrière bien remplie.
D'ailleurs, à part Mathieu, les lofteurs jurent qu'ils se sont lancés dans cette aventure uniquement pour le «trip», pour l'expérience, et non pas pour devenir célèbres et populaires. J'en doute un peu, tout de même. N'espèrent-ils pas tous obtenir un contrat à la télé ou à la radio ? N'attendent-ils pas tous que les portes du monde du showbiz ou des communications s'ouvrent devant eux comme par magie ? De toute façon, quand on fait des mains et des pieds pour participer à cette émission, c'est sûrement parce qu'on a envie de se faire remarquer.
Si leur popularité s'étiole, si le succès durable ne se présente pas au rendez-vous, les lofteurs soutiennent pour la plupart qu'ils se contenteront de leur vie d'avant, sans plus. Maxime renouera avec son métier d'ébéniste, Stéphanie redeviendra adjointe administrative, Dominique retournera travailler dans les bars (peut-être même au Dagobert avec le lofteur Steve). Mais on voit dans leurs yeux qu'ils espèrent mieux.
Mathieu, lui, cache beaucoup moins ses ambitions. Il admet d'emblée qu'il faisait Loft Story pour gagner et qu'il n'a pas ménagé les efforts pour se faire remarquer. Il veut faire de la télé, de la radio, devenir une vedette, un artiste... Je n'ai pas vu l'émission, mais en jetant un oeil sur Dominique, je me suis demandé si la pauvre n'a pas été victime des manipulations de son copain, qui voulait à tout prix vaincre l'adversité et remporter les honneurs. Mais bon. Ne jetons pas d'huile sur le feu.
Voyez, j'ai moi-même de la difficulté à résister à l'envie de commenter leur relation. J'ai de la peine pour elle, des soupçons envers lui. J'imagine que c'est ce qui fait la popularité de Loft Story. Des histoires d'amour, de séparation, de chicanes, de trahison, ça sera toujours vendeur, ça fera toujours jaser, ça nous donnera toujours le goût de prendre position...