Publié : dim. janv. 27, 2008 5:04 am
L'avortement tardif, l'ultime tabou
La Presse
Se faire avorter quand on a le ventre déjà bien rond parce qu'un test génétique a révélé un handicap, parce qu'on espère un garçon et que c'est une fille, ou encore parce qu'on ne savait pas où aller ou que faire. Vingt ans après la décriminalisation de l'avortement au Canada, l'avortement tardif est le fait de quelque 2200 avortements par année au Québec. Un sur 14. Et c'est là l'ultime tabou.
Au Québec, l'an dernier, 2277 avortements tardifs ont été effectués entre la 14e et la 23e semaine de gestation. Après cela? Aucun. Après la 23e semaine, ironiquement, les femmes sont automatiquement envoyées aux États-Unis, ce pays dont on dit pourtant qu'il est le haut lieu du conservatisme.
Silence au CLSC
L'avortement tardif, c'est le sujet tabou par excellence. Pour obtenir plus d'information à ce sujet, c'est la croix et la bannière. Impossible d'obtenir une entrevue avec un médecin du CLSC des Faubourgs, où sont dirigées à Montréal les femmes qui veulent un avortement après 14 semaines de gestation. «Ce n'est pas le genre de choses que l'on cherche à publiciser», explique au téléphone François Jacob, responsable des relations de presse pour le CLSC.
Ne serait-ce que pour savoir jusqu'à quand un avortement y est pratiqué - jusqu'à 21 semaines, nous dira finalement M. Jacob , il faudra beaucoup insister.
Au Centre hospitalier de Sherbrooke, seul endroit au Québec où sont effectués des avortements entre la 21e et la 23e semaine, on fait montre d'une aussi grande discrétion.
Pour sa part, le ministère de la Santé et des Services sociaux fournit bien un chiffre général d'avortements tardifs - défini par Québec comme tout avortement au-delà de 14 semaines, mais dit ne pas compiler de sous-catégories. Combien d'avortements entre la 14e et la 16e semaine? Entre la 21e semaine et la 23e? Les données ne sont pas disponibles. Tout aussi impossible de savoir, par exemple, quelle proportion de ces avortements sont consécutifs au dépistage d'une maladie génétique ou au fait de ne pas vouloir un bébé d'un sexe donné, ou quelle proportion touche de très jeunes filles ou des immigrantes isolées.
Aussi largement répandu soit-il, et malgré qu'il ne soit plus criminel depuis 20 ans, l'avortement, même aux premières semaines de gestation, n'est pas devenu banal pour autant. «L'avortement, ça demeure tabou auprès de la population aussi bien qu'auprès des médecins», dit le Dr Jocelyn Bérubé, responsable de la Clinique de planning des naissances de Rimouski. «Si les femmes qui entrent à la clinique (pour un avortement) le pouvaient, elles se fondraient dans le mur. Encore l'autre jour, une femme ayant eu trois grossesses m'a dit qu'elle en était à sa première. C'est en parcourant son dossier que j'ai constaté qu'elle avait déjà eu deux avortements.»
Ne pas juger
La question de l'avortement tardif n'est pas le sujet préféré du Dr Claude Paquin, directeur de la clinique montréalaise Femina, spécialisée dans les avortements. Des avortements tardifs, il n'en pratique plus depuis six ans parce qu'ils ont été regroupés dans des centres spécialisés. De toute façon, ces cas étaient si rares qu'il doute que cela vaille la peine d'épiloguer là-dessus.
Il consentira cependant à révéler le fond de sa pensée. Selon lui, les médecins doivent apprendre à composer avec les cas d'avortements tardifs, y compris si le motif qui le sous-tend est la sélection sexuelle. «Je pense que ces docteurs sont capables de respecter le besoin de ces femmes. On n'a pas à juger ces femmes, ni ces professionnels.»
Le Dr Bérubé, de Rimouski, abonde dans le même sens. Il ne faut pas juger ces femmes, mais les aider à trancher entre deux options qui, dans leur situation, sont toutes les deux mauvaises.
Et dans la consultation qui précède, est-il seulement question de la femme (comme le pense Margaret Somerville) ou aussi du bébé?
Il est aussi question du bébé, assure le Dr Bérubé, dans le sens où il s'agit de voir «si les conditions dans lesquelles il naîtra sont acceptables».
Pour le Dr Bérubé, aucun enfant ne demande à naître dans une famille où les deux aînés ont été confiés à la DPJ, ou dans un contexte où il serait battu ou mal-aimé.
La Presse
Se faire avorter quand on a le ventre déjà bien rond parce qu'un test génétique a révélé un handicap, parce qu'on espère un garçon et que c'est une fille, ou encore parce qu'on ne savait pas où aller ou que faire. Vingt ans après la décriminalisation de l'avortement au Canada, l'avortement tardif est le fait de quelque 2200 avortements par année au Québec. Un sur 14. Et c'est là l'ultime tabou.
Au Québec, l'an dernier, 2277 avortements tardifs ont été effectués entre la 14e et la 23e semaine de gestation. Après cela? Aucun. Après la 23e semaine, ironiquement, les femmes sont automatiquement envoyées aux États-Unis, ce pays dont on dit pourtant qu'il est le haut lieu du conservatisme.
Silence au CLSC
L'avortement tardif, c'est le sujet tabou par excellence. Pour obtenir plus d'information à ce sujet, c'est la croix et la bannière. Impossible d'obtenir une entrevue avec un médecin du CLSC des Faubourgs, où sont dirigées à Montréal les femmes qui veulent un avortement après 14 semaines de gestation. «Ce n'est pas le genre de choses que l'on cherche à publiciser», explique au téléphone François Jacob, responsable des relations de presse pour le CLSC.
Ne serait-ce que pour savoir jusqu'à quand un avortement y est pratiqué - jusqu'à 21 semaines, nous dira finalement M. Jacob , il faudra beaucoup insister.
Au Centre hospitalier de Sherbrooke, seul endroit au Québec où sont effectués des avortements entre la 21e et la 23e semaine, on fait montre d'une aussi grande discrétion.
Pour sa part, le ministère de la Santé et des Services sociaux fournit bien un chiffre général d'avortements tardifs - défini par Québec comme tout avortement au-delà de 14 semaines, mais dit ne pas compiler de sous-catégories. Combien d'avortements entre la 14e et la 16e semaine? Entre la 21e semaine et la 23e? Les données ne sont pas disponibles. Tout aussi impossible de savoir, par exemple, quelle proportion de ces avortements sont consécutifs au dépistage d'une maladie génétique ou au fait de ne pas vouloir un bébé d'un sexe donné, ou quelle proportion touche de très jeunes filles ou des immigrantes isolées.
Aussi largement répandu soit-il, et malgré qu'il ne soit plus criminel depuis 20 ans, l'avortement, même aux premières semaines de gestation, n'est pas devenu banal pour autant. «L'avortement, ça demeure tabou auprès de la population aussi bien qu'auprès des médecins», dit le Dr Jocelyn Bérubé, responsable de la Clinique de planning des naissances de Rimouski. «Si les femmes qui entrent à la clinique (pour un avortement) le pouvaient, elles se fondraient dans le mur. Encore l'autre jour, une femme ayant eu trois grossesses m'a dit qu'elle en était à sa première. C'est en parcourant son dossier que j'ai constaté qu'elle avait déjà eu deux avortements.»
Ne pas juger
La question de l'avortement tardif n'est pas le sujet préféré du Dr Claude Paquin, directeur de la clinique montréalaise Femina, spécialisée dans les avortements. Des avortements tardifs, il n'en pratique plus depuis six ans parce qu'ils ont été regroupés dans des centres spécialisés. De toute façon, ces cas étaient si rares qu'il doute que cela vaille la peine d'épiloguer là-dessus.
Il consentira cependant à révéler le fond de sa pensée. Selon lui, les médecins doivent apprendre à composer avec les cas d'avortements tardifs, y compris si le motif qui le sous-tend est la sélection sexuelle. «Je pense que ces docteurs sont capables de respecter le besoin de ces femmes. On n'a pas à juger ces femmes, ni ces professionnels.»
Le Dr Bérubé, de Rimouski, abonde dans le même sens. Il ne faut pas juger ces femmes, mais les aider à trancher entre deux options qui, dans leur situation, sont toutes les deux mauvaises.
Et dans la consultation qui précède, est-il seulement question de la femme (comme le pense Margaret Somerville) ou aussi du bébé?
Il est aussi question du bébé, assure le Dr Bérubé, dans le sens où il s'agit de voir «si les conditions dans lesquelles il naîtra sont acceptables».
Pour le Dr Bérubé, aucun enfant ne demande à naître dans une famille où les deux aînés ont été confiés à la DPJ, ou dans un contexte où il serait battu ou mal-aimé.