Publié : sam. févr. 02, 2008 3:09 am
Le samedi 02 février 2008
Caroline Touzin
La Presse
Montréal
Une première étude réalisée sur les facteurs de risque de suicide chez les ados québécois «brise un tabou». Parmi les 55 cas étudiés, la plupart des ados qui se sont enlevés la vie étaient «performants». Et plus de la moitié n'ont pas reçu de services d'aide professionnels avant de mettre fin à leur jour.
«La dépression ne touche pas juste les jeunes qui se droguent et qui n'ont pas d'amis. La plupart des ados dans l'étude étaient des jeunes performants, compétitifs. La journée qu'ils manquent leur coup, la dépression frappe vite», indique la pédopsychiatre, Johanne Renaud.
Le Groupe McGill d'études sur le suicide, dont fait partie le Dr Renaud, s'est penché sur 55 cas - 43 garçons et 12 filles - âgés de 11 à 18 ans qui se sont suicidés de 2000 à 2003 au Québec. Leur vie a été comparée à celle d'autres jeunes du même milieu qui vivaient les mêmes difficultés et les mêmes stress sans avoir mis fin à leur jour. Cette étude vient d'être publiée dans le Journal of Affective Disorders.
Le dévoilement de cette étude survient au moment où l'Institut national de santé publique du Québec diffuse ses statistiques annuelles sur le suicide.
Le plus récent taux de suicide enregistré au Québec est le plus bas en 25 ans dans la province. La baisse est plus marquée chez les adolescents et les jeunes adultes.
Bonne nouvelle, mais surtout «ne baissons pas les bras», disent tous les spécialistes consultés par La Presse à la veille de la Semaine de prévention du suicide.
Suicide = Maladie mentale
Performants ou non, les jeunes visés par l'étude de McGill auraient eu besoin d'aide professionnelle, et la majorité n'en a pas eu, ont découvert les chercheurs. De là l'importance de dépister les maladies mentales chez les jeunes et de les traiter, souligne Dr Renaud. «Ici, 90 % de nos jeunes qui se suicident ont une maladie mentale. Le monde ne veut pas l'entendre. C'est un autre tabou», souligne la pédopsychiatre.
Les adolescents souffrant d'une dépression majeure sont beaucoup plus à risque de se suicider que les autres jeunes. Ce facteur de risque arrive loin devant l'abus d'alcool et de drogue et les problèmes de comportements, indique aussi l'étude.
Un jeune sur cinq avait déjà fait une tentative de suicide. Plusieurs avaient averti un ami qu'ils allaient s'enlever la vie ou avaient eux-mêmes perdu un ami quelques semaines plus tôt. La méthode la plus souvent utilisée est la pendaison (38 cas). Les armes à feu arrivent deuxième (8 cas). Dans les familles des suicidés, il y a toujours plus de membres qui ont fait des tentatives ou des suicides, révèle également l'étude.
Problème important de santé publique
Le suicide est passé au second rang des causes de mortalité chez les 15-19 ans, derrière les accidents de la route. «Il s'est fait beaucoup de travail dans les milieux cliniques pour prendre en charge des jeunes suicidaires. L'utilisation d'antidépresseurs donne des résultats, explique le Dr Breton. Mais ça reste un problème très important de santé publique.»
Les investissements en prévention et en formation des intervenants jeunesse commencent à porter fruit, affirme pour sa part, l'épidémiologiste Danielle St-Laurent de l'Institut de santé publique. «On ne doit surtout pas cesser de s'en préoccuper», ajoute-t-elle.
Même son de cloche chez l'Association québécoise de prévention du suicide. Son directeur général, Louis Lemay, estime que les hôpitaux peuvent en faire plus. «Le suivi de l'état de santé des personnes suicidaires qui obtiennent leur congé de l'hôpital est encore très aléatoire d'un endroit à l'autre. Ces patients devraient être une priorité, mais ils ne le sont pas toujours», raconte-t-il.
Le suicide est encore, et de loin, la première cause de mortalité chez les 20-34 ans, selon les plus récentes données de l'Institut. Au total en 2006, 1136 Québécois se sont suicidés dont 883 hommes. Le taux de mortalité par suicide pour l'ensemble de la population est de 14,8 (en 1999, le taux avait atteint un sommet historique de 22,2). L'écart se rétrécit avec les autres provinces, mais le Québec est encore la province canadienne avec le taux le plus élevé.
Mon ado fait-il une dépression majeure? Les changements de comportements s'observent pendant au moins deux à trois semaines. Ce n'est pas une déprime d'un jour ou deux. L'ado a des pensées noires. Il vit une souffrance morale. Il est irritable. Il a plus souvent envie de se disputer. Il s'isole. Il n'a plus le goût de sortir avec ses amis. Il n'arrive plus à dormir. Il a moins d'appétit. Il manque d'énergie. Souvent, ses résultats scolaires baissent.
Caroline Touzin
La Presse
Montréal
Une première étude réalisée sur les facteurs de risque de suicide chez les ados québécois «brise un tabou». Parmi les 55 cas étudiés, la plupart des ados qui se sont enlevés la vie étaient «performants». Et plus de la moitié n'ont pas reçu de services d'aide professionnels avant de mettre fin à leur jour.
«La dépression ne touche pas juste les jeunes qui se droguent et qui n'ont pas d'amis. La plupart des ados dans l'étude étaient des jeunes performants, compétitifs. La journée qu'ils manquent leur coup, la dépression frappe vite», indique la pédopsychiatre, Johanne Renaud.
Le Groupe McGill d'études sur le suicide, dont fait partie le Dr Renaud, s'est penché sur 55 cas - 43 garçons et 12 filles - âgés de 11 à 18 ans qui se sont suicidés de 2000 à 2003 au Québec. Leur vie a été comparée à celle d'autres jeunes du même milieu qui vivaient les mêmes difficultés et les mêmes stress sans avoir mis fin à leur jour. Cette étude vient d'être publiée dans le Journal of Affective Disorders.
Le dévoilement de cette étude survient au moment où l'Institut national de santé publique du Québec diffuse ses statistiques annuelles sur le suicide.
Le plus récent taux de suicide enregistré au Québec est le plus bas en 25 ans dans la province. La baisse est plus marquée chez les adolescents et les jeunes adultes.
Bonne nouvelle, mais surtout «ne baissons pas les bras», disent tous les spécialistes consultés par La Presse à la veille de la Semaine de prévention du suicide.
Suicide = Maladie mentale
Performants ou non, les jeunes visés par l'étude de McGill auraient eu besoin d'aide professionnelle, et la majorité n'en a pas eu, ont découvert les chercheurs. De là l'importance de dépister les maladies mentales chez les jeunes et de les traiter, souligne Dr Renaud. «Ici, 90 % de nos jeunes qui se suicident ont une maladie mentale. Le monde ne veut pas l'entendre. C'est un autre tabou», souligne la pédopsychiatre.
Les adolescents souffrant d'une dépression majeure sont beaucoup plus à risque de se suicider que les autres jeunes. Ce facteur de risque arrive loin devant l'abus d'alcool et de drogue et les problèmes de comportements, indique aussi l'étude.
Un jeune sur cinq avait déjà fait une tentative de suicide. Plusieurs avaient averti un ami qu'ils allaient s'enlever la vie ou avaient eux-mêmes perdu un ami quelques semaines plus tôt. La méthode la plus souvent utilisée est la pendaison (38 cas). Les armes à feu arrivent deuxième (8 cas). Dans les familles des suicidés, il y a toujours plus de membres qui ont fait des tentatives ou des suicides, révèle également l'étude.
Problème important de santé publique
Le suicide est passé au second rang des causes de mortalité chez les 15-19 ans, derrière les accidents de la route. «Il s'est fait beaucoup de travail dans les milieux cliniques pour prendre en charge des jeunes suicidaires. L'utilisation d'antidépresseurs donne des résultats, explique le Dr Breton. Mais ça reste un problème très important de santé publique.»
Les investissements en prévention et en formation des intervenants jeunesse commencent à porter fruit, affirme pour sa part, l'épidémiologiste Danielle St-Laurent de l'Institut de santé publique. «On ne doit surtout pas cesser de s'en préoccuper», ajoute-t-elle.
Même son de cloche chez l'Association québécoise de prévention du suicide. Son directeur général, Louis Lemay, estime que les hôpitaux peuvent en faire plus. «Le suivi de l'état de santé des personnes suicidaires qui obtiennent leur congé de l'hôpital est encore très aléatoire d'un endroit à l'autre. Ces patients devraient être une priorité, mais ils ne le sont pas toujours», raconte-t-il.
Le suicide est encore, et de loin, la première cause de mortalité chez les 20-34 ans, selon les plus récentes données de l'Institut. Au total en 2006, 1136 Québécois se sont suicidés dont 883 hommes. Le taux de mortalité par suicide pour l'ensemble de la population est de 14,8 (en 1999, le taux avait atteint un sommet historique de 22,2). L'écart se rétrécit avec les autres provinces, mais le Québec est encore la province canadienne avec le taux le plus élevé.
Mon ado fait-il une dépression majeure? Les changements de comportements s'observent pendant au moins deux à trois semaines. Ce n'est pas une déprime d'un jour ou deux. L'ado a des pensées noires. Il vit une souffrance morale. Il est irritable. Il a plus souvent envie de se disputer. Il s'isole. Il n'a plus le goût de sortir avec ses amis. Il n'arrive plus à dormir. Il a moins d'appétit. Il manque d'énergie. Souvent, ses résultats scolaires baissent.