Publié : mar. sept. 04, 2007 3:13 am
Du pain sur la planche
Pour une rare fois, aucune grande crise n'est venue perturber la trêve politique estivale annuelle. Ce n'est que partie remise. On va brasser beaucoup de cages au Canada cet automne, et pas toujours pour le plus grand bonheur de leurs occupants.
Dès le mois prochain, un troisième gouvernement minoritaire pourrait transformer le triangle Québec-Ottawa-Queen's Park en zone de naufrages. C'est le 10 octobre que les Ontariens iront aux urnes et les jeux ne sont pas faits pour le premier ministre sortant, Dalton McGuinty. Depuis vingt ans, rares ont été les élections ontariennes où le meneur au début de la campagne a franchi (tout au moins sans encombres) le fil d'arrivée en tête du peloton.
Le 10 octobre, les Ontariens vont également se prononcer sur un projet de système électoral plus proportionnel. S'ils disent oui, le résultat relancera un débat qui s'est beaucoup essoufflé depuis que des tentatives similaires ont échoué en Colombie-Britannique et à l'Île-du-Prince-Édouard. Mais l'inverse pourrait donner le coup de grâce à la réforme électorale au Canada pour un avenir prévisible.
Au Québec, le premier ministre Jean Charest a traversé l'été sans subir de contestation de son leadership, mais il continue de tirer son parti vers le bas dans les sondages. Malgré une tendance qui ne se dément pas, personne ne remet ouvertement en question l'autorité du chef libéral. Rien n'empêche que peu de partis au Canada ont donné un vote de confiance convaincant à un leader en défaveur dans l'opinion publique. Il n'est pas normalement dans la nature des machines politiques de carburer à la résignation.
Si le premier ministre Stephen Harper pouvait se débarrasser d'un seul de ses interlocuteurs provinciaux, ce serait Danny Williams, de Terre-Neuve. Le mouton noir des premiers ministres est à couteaux tirés avec Ottawa depuis des mois. Il clame qu'il souhaite la défaite de ses cousins conservateurs. Malheureusement pour M. Harper, le capital politique que le premier ministre Williams s'est fait sur son dos lui permettra vraisemblablement d'être réélu haut la main lorsque Terre-Neuve ira aux urnes, le 9 octobre.
Il arrive parfois que la même recette donne des résultats très différents. En Saskatchewan, le premier ministre néo-démocrate, Lorne Calvert, ne semble pas tirer le même profit que son collègue terre-neuvien de la bisbille entre sa province et Ottawa au sujet de la péréquation. Le NPD arrive au quatrième anniversaire d'un quatrième mandat consécutif et l'embellie se fait attendre.
La dynastie néo-démocrate de la Saskatchewan n'est pas la seule à connaître des ratés. Avec les années, l'Alberta a bien mérité sa réputation de province la plus prévisible au Canada. Mais la transition de Ralph Klein à son successeur, Ed Stelmach, est cahoteuse. En juin, les conservateurs ont perdu l'ancien siège de M. Klein aux libéraux. Cet été, la cote du gouvernement a continué de baisser. L'usure n'est pas seule en cause dans ce qui ressemble à un début de fin de règne. On en reparlera.
Le 17 septembre sera jour de bulletin pour les chefs fédéraux. Stéphane Dion, dont c'est le baptême du feu électoral comme chef, joue gros jeu. Une victoire néo-démocrate dans le fief libéral d'Outremont serait un coup très dur pour le chef néophyte et donnerait des ailes à Jack Layton, dont les stratèges voudraient bien écorcher encore davantage les libéraux aux prochaines élections générales.
Sur fond de déploiement québécois en Irak, le Bloc perdrait la face s'il se faisait rafler Roberval-Lac-Saint-Jean ou Saint-Hyacinthe-Bagot par un candidat de Stephen Harper. Pour Gilles Duceppe, c'est un premier retour sur le terrain électoral depuis sa valse-hésitation du printemps dernier au sujet du leadership péquiste. Les plus récents sondages montrent que Pauline Marois tire le PQ et l'option souverainiste vers le haut. Si le Bloc perd un ou des sièges le 17, il devra chercher dans son miroir les raisons de sa déconfiture.
La même journée, le Parlement devrait normalement reprendre ses travaux, auquel cas le retour des députés serait suivi rapidement d'un vote provoqué par les libéraux pour confirmer la fin du déploiement en Afghanistan à l'échéance prévue, soit février 2009. Mais ce qui s'annonce comme le grand sujet fédéral de l'automne ne sera vraisemblablement pas réglé par un simple oui ou non sur une motion de l'opposition.
Malgré les avertissements de l'opposition -- qui a passé le printemps à se plaindre de ce que le gouvernement n'avait pas d'ordre du jour et qui juge aujourd'hui qu'il serait frivole d'en produire un -- on s'attend toujours à ce que le premier ministre annule la rentrée et proroge la session pour présenter un discours du Trône après les élections ontariennes du mois prochain.
Dans un tel scénario, il y aurait automatiquement un vote de confiance au sujet du gouvernement minoritaire. À moins que le Bloc québécois ne soit de nouveau disposé à avaliser l'action du gouvernement Harper, le scénario d'un scrutin fédéral avant la fin de 2007 n'est pas écarté. Si les conservateurs tirent honorablement leur épingle du jeu lors des élections complémentaires du 17 septembre, ils pourraient avoir la défaite d'autant plus facile à la Chambre des communes.
Finalement, l'événement sociopolitique de la saison aura lieu à Montréal lundi lorsque Brian Mulroney lancera ses mémoires. Il sera suivi par Jean Chrétien le mois prochain. Tout le monde politique est curieux de savoir ce que le premier aura à dire de Lucien Bouchard, et le second, de Paul Martin. Il faut dire que bien des observateurs s'ennuient de l'époque pas si lointaine où les chefs politiques fédéraux n'étaient pas des personnages incolores.
chebert@thestar.ca
Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star
http://www.ledevoir.com/2007/09/04/155469.html
Pour une rare fois, aucune grande crise n'est venue perturber la trêve politique estivale annuelle. Ce n'est que partie remise. On va brasser beaucoup de cages au Canada cet automne, et pas toujours pour le plus grand bonheur de leurs occupants.
Dès le mois prochain, un troisième gouvernement minoritaire pourrait transformer le triangle Québec-Ottawa-Queen's Park en zone de naufrages. C'est le 10 octobre que les Ontariens iront aux urnes et les jeux ne sont pas faits pour le premier ministre sortant, Dalton McGuinty. Depuis vingt ans, rares ont été les élections ontariennes où le meneur au début de la campagne a franchi (tout au moins sans encombres) le fil d'arrivée en tête du peloton.
Le 10 octobre, les Ontariens vont également se prononcer sur un projet de système électoral plus proportionnel. S'ils disent oui, le résultat relancera un débat qui s'est beaucoup essoufflé depuis que des tentatives similaires ont échoué en Colombie-Britannique et à l'Île-du-Prince-Édouard. Mais l'inverse pourrait donner le coup de grâce à la réforme électorale au Canada pour un avenir prévisible.
Au Québec, le premier ministre Jean Charest a traversé l'été sans subir de contestation de son leadership, mais il continue de tirer son parti vers le bas dans les sondages. Malgré une tendance qui ne se dément pas, personne ne remet ouvertement en question l'autorité du chef libéral. Rien n'empêche que peu de partis au Canada ont donné un vote de confiance convaincant à un leader en défaveur dans l'opinion publique. Il n'est pas normalement dans la nature des machines politiques de carburer à la résignation.
Si le premier ministre Stephen Harper pouvait se débarrasser d'un seul de ses interlocuteurs provinciaux, ce serait Danny Williams, de Terre-Neuve. Le mouton noir des premiers ministres est à couteaux tirés avec Ottawa depuis des mois. Il clame qu'il souhaite la défaite de ses cousins conservateurs. Malheureusement pour M. Harper, le capital politique que le premier ministre Williams s'est fait sur son dos lui permettra vraisemblablement d'être réélu haut la main lorsque Terre-Neuve ira aux urnes, le 9 octobre.
Il arrive parfois que la même recette donne des résultats très différents. En Saskatchewan, le premier ministre néo-démocrate, Lorne Calvert, ne semble pas tirer le même profit que son collègue terre-neuvien de la bisbille entre sa province et Ottawa au sujet de la péréquation. Le NPD arrive au quatrième anniversaire d'un quatrième mandat consécutif et l'embellie se fait attendre.
La dynastie néo-démocrate de la Saskatchewan n'est pas la seule à connaître des ratés. Avec les années, l'Alberta a bien mérité sa réputation de province la plus prévisible au Canada. Mais la transition de Ralph Klein à son successeur, Ed Stelmach, est cahoteuse. En juin, les conservateurs ont perdu l'ancien siège de M. Klein aux libéraux. Cet été, la cote du gouvernement a continué de baisser. L'usure n'est pas seule en cause dans ce qui ressemble à un début de fin de règne. On en reparlera.
Le 17 septembre sera jour de bulletin pour les chefs fédéraux. Stéphane Dion, dont c'est le baptême du feu électoral comme chef, joue gros jeu. Une victoire néo-démocrate dans le fief libéral d'Outremont serait un coup très dur pour le chef néophyte et donnerait des ailes à Jack Layton, dont les stratèges voudraient bien écorcher encore davantage les libéraux aux prochaines élections générales.
Sur fond de déploiement québécois en Irak, le Bloc perdrait la face s'il se faisait rafler Roberval-Lac-Saint-Jean ou Saint-Hyacinthe-Bagot par un candidat de Stephen Harper. Pour Gilles Duceppe, c'est un premier retour sur le terrain électoral depuis sa valse-hésitation du printemps dernier au sujet du leadership péquiste. Les plus récents sondages montrent que Pauline Marois tire le PQ et l'option souverainiste vers le haut. Si le Bloc perd un ou des sièges le 17, il devra chercher dans son miroir les raisons de sa déconfiture.
La même journée, le Parlement devrait normalement reprendre ses travaux, auquel cas le retour des députés serait suivi rapidement d'un vote provoqué par les libéraux pour confirmer la fin du déploiement en Afghanistan à l'échéance prévue, soit février 2009. Mais ce qui s'annonce comme le grand sujet fédéral de l'automne ne sera vraisemblablement pas réglé par un simple oui ou non sur une motion de l'opposition.
Malgré les avertissements de l'opposition -- qui a passé le printemps à se plaindre de ce que le gouvernement n'avait pas d'ordre du jour et qui juge aujourd'hui qu'il serait frivole d'en produire un -- on s'attend toujours à ce que le premier ministre annule la rentrée et proroge la session pour présenter un discours du Trône après les élections ontariennes du mois prochain.
Dans un tel scénario, il y aurait automatiquement un vote de confiance au sujet du gouvernement minoritaire. À moins que le Bloc québécois ne soit de nouveau disposé à avaliser l'action du gouvernement Harper, le scénario d'un scrutin fédéral avant la fin de 2007 n'est pas écarté. Si les conservateurs tirent honorablement leur épingle du jeu lors des élections complémentaires du 17 septembre, ils pourraient avoir la défaite d'autant plus facile à la Chambre des communes.
Finalement, l'événement sociopolitique de la saison aura lieu à Montréal lundi lorsque Brian Mulroney lancera ses mémoires. Il sera suivi par Jean Chrétien le mois prochain. Tout le monde politique est curieux de savoir ce que le premier aura à dire de Lucien Bouchard, et le second, de Paul Martin. Il faut dire que bien des observateurs s'ennuient de l'époque pas si lointaine où les chefs politiques fédéraux n'étaient pas des personnages incolores.
chebert@thestar.ca
Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star
http://www.ledevoir.com/2007/09/04/155469.html