Publié : mer. août 15, 2007 4:02 pm
Une grosse fatigue
15 août 2007 par Joseph Facal
Les remaniements ministériels n’ont d’importance que si les idées aussi sont remaniées. On verra. En attendant, il y a plus important.
Aux élections du 26 mars dernier, le Parti libéral du Québec a obtenu le deuxième plus mauvais résultat de son histoire. À peine un francophone sur cinq lui a fait confiance, sa pire performance depuis que l’industrie des sondages existe.
Rien ne s’est amélioré depuis. Les francophones boudent toujours les libéraux. Les anglophones sont mécontents. Même la communauté juive, libérale depuis toujours, leur glisse entre les doigts.
Il faut remonter à 1952 pour trouver un gouvernement réélu pour un troisième mandat. Seule la foi du charbonnier peut faire croire que Jean Charest pourrait réussir ce que n’ont pas réussi Jean Lesage et Robert Bourassa.
Un sondage récent montrait qu’avec Philippe Couillard à leur tête, les libéraux gagneraient à peine un point. Aucun grand projet, aucune idée emballante n’habitent ce gouvernement qui se contente de gérer les affaires courantes. Bref, ça va mal.
Nationaliste?
Quelle était la recette des libéraux du temps où ils étaient bien en selle chez les francophones? Ils étaient des nationalistes québécois modérés, mais des nationalistes incontestables.
Systématiquement, tous les sondages font ressortir que le talon d’Achille de Jean Charest est de ne pas être perçu comme un défenseur fort des intérêts du Québec au sein du Canada. Son plan de match devrait donc être assez clair.
Encore faudrait-il qu’il y croie lui-même. Non seulement Jean Charest a abandonné depuis longtemps à Mario Dumont le terrain du nationalisme modéré, mais quand il essaie d’y revenir, on sent bien que le coeur n’y est pas.
Résultat: à chaque fois qu’il pose un geste d’affirmation des intérêts du Québec, il n’y donne pas suite, ou il pose ensuite un autre geste qui le contredit.
Lors de la dernière conférence des premiers ministres provinciaux, Jean Charest ramène la revendication québécoise cruciale d’encadrer le pouvoir fédéral de dépenser. Cruciale parce que si le gouvernement fédéral peut dépenser son argent où il le veut, le partage des compétences constitutionnelles ne veut strictement rien dire.
Les autres premiers ministres lui disent sans détour qu’il est hors de question de limiter de quelque façon la capacité d’Ottawa de faire à sa tête. Que fait alors Jean Charest? Rien. Fin de la discussion.
Faux procès
Mario Dumont s’interroge ensuite très légitimement sur l’immigration. Elle ne se réduit pas, dit-il, à une question de pénurie de main-d’oeuvre, et les budgets de soutien à l’intégration ont été coupés en même temps que le nombre d’immigrants augmentait.
Encore une fois, comme au moment d’Hérouxville, Mario Dumont soulève une question délicate, mais devenue incontournable et qui le place sans doute du côté du sentiment majoritaire au Québec.
On peut en effet soupçonner que nous sommes ici devant un autre de ces divorces entre l’opinion de la tribu médiatique et celle du peuple.
Que fait Jean Charest? Un procès d’intention à Mario Dumont, l’accusant absurdement de repli sur soi.
Il montre ainsi qu’il est sourd aux interrogations que suscite désormais cette question chez une majorité francophone qui sent son identité bousculée par des changements sur lesquels elle a le sentiment de ne plus avoir prise.
Sur tout ce qui touche aux intérêts fondamentaux des francophones du Québec au sein du Canada, qui est la cause première du décrochage entre les libéraux et les francophones, Jean Charest fait penser à un comédien fatigué qui auditionne sans conviction pour un rôle qu’il sait qu’il n’aura pas.
Parce qu’il le faut bien, parce que c’est «sa job». Et les Québécois ne s’y trompent pas.
15 août 2007 par Joseph Facal
Les remaniements ministériels n’ont d’importance que si les idées aussi sont remaniées. On verra. En attendant, il y a plus important.
Aux élections du 26 mars dernier, le Parti libéral du Québec a obtenu le deuxième plus mauvais résultat de son histoire. À peine un francophone sur cinq lui a fait confiance, sa pire performance depuis que l’industrie des sondages existe.
Rien ne s’est amélioré depuis. Les francophones boudent toujours les libéraux. Les anglophones sont mécontents. Même la communauté juive, libérale depuis toujours, leur glisse entre les doigts.
Il faut remonter à 1952 pour trouver un gouvernement réélu pour un troisième mandat. Seule la foi du charbonnier peut faire croire que Jean Charest pourrait réussir ce que n’ont pas réussi Jean Lesage et Robert Bourassa.
Un sondage récent montrait qu’avec Philippe Couillard à leur tête, les libéraux gagneraient à peine un point. Aucun grand projet, aucune idée emballante n’habitent ce gouvernement qui se contente de gérer les affaires courantes. Bref, ça va mal.
Nationaliste?
Quelle était la recette des libéraux du temps où ils étaient bien en selle chez les francophones? Ils étaient des nationalistes québécois modérés, mais des nationalistes incontestables.
Systématiquement, tous les sondages font ressortir que le talon d’Achille de Jean Charest est de ne pas être perçu comme un défenseur fort des intérêts du Québec au sein du Canada. Son plan de match devrait donc être assez clair.
Encore faudrait-il qu’il y croie lui-même. Non seulement Jean Charest a abandonné depuis longtemps à Mario Dumont le terrain du nationalisme modéré, mais quand il essaie d’y revenir, on sent bien que le coeur n’y est pas.
Résultat: à chaque fois qu’il pose un geste d’affirmation des intérêts du Québec, il n’y donne pas suite, ou il pose ensuite un autre geste qui le contredit.
Lors de la dernière conférence des premiers ministres provinciaux, Jean Charest ramène la revendication québécoise cruciale d’encadrer le pouvoir fédéral de dépenser. Cruciale parce que si le gouvernement fédéral peut dépenser son argent où il le veut, le partage des compétences constitutionnelles ne veut strictement rien dire.
Les autres premiers ministres lui disent sans détour qu’il est hors de question de limiter de quelque façon la capacité d’Ottawa de faire à sa tête. Que fait alors Jean Charest? Rien. Fin de la discussion.
Faux procès
Mario Dumont s’interroge ensuite très légitimement sur l’immigration. Elle ne se réduit pas, dit-il, à une question de pénurie de main-d’oeuvre, et les budgets de soutien à l’intégration ont été coupés en même temps que le nombre d’immigrants augmentait.
Encore une fois, comme au moment d’Hérouxville, Mario Dumont soulève une question délicate, mais devenue incontournable et qui le place sans doute du côté du sentiment majoritaire au Québec.
On peut en effet soupçonner que nous sommes ici devant un autre de ces divorces entre l’opinion de la tribu médiatique et celle du peuple.
Que fait Jean Charest? Un procès d’intention à Mario Dumont, l’accusant absurdement de repli sur soi.
Il montre ainsi qu’il est sourd aux interrogations que suscite désormais cette question chez une majorité francophone qui sent son identité bousculée par des changements sur lesquels elle a le sentiment de ne plus avoir prise.
Sur tout ce qui touche aux intérêts fondamentaux des francophones du Québec au sein du Canada, qui est la cause première du décrochage entre les libéraux et les francophones, Jean Charest fait penser à un comédien fatigué qui auditionne sans conviction pour un rôle qu’il sait qu’il n’aura pas.
Parce qu’il le faut bien, parce que c’est «sa job». Et les Québécois ne s’y trompent pas.