Publié : mer. août 01, 2007 9:32 am
Le péché originel
1 août 2007 par Joseph Facal
Dans une société qui se dit libre comme la nôtre, on devrait pouvoir critiquer n’importe quoi, non? Mais est-ce vraiment le cas?
Richard Martineau se demandait récemment si le défilé de la fierté gaie ne desservait pas la communauté homosexuelle. Question compliquée mais légitime. Mais pour certains militants du mouvement gai, la cause était entendue d’avance: seul un homophobe peut poser une telle question.
Plusieurs homosexuels pensent pourtant la même chose que Martineau: que l’hypersexualisation d’une minorité de participants au défilé projette une image caricaturale et dégradante de la communauté, qu’elle renforce les préjugés au lieu de les amoindrir, qu’elle rend plus difficile de faire comprendre que la majorité des gais ont une sexualité aussi rangée que celle des hétérosexuels.
Les nouveaux organisateurs du défilé l’ont si bien compris eux-mêmes qu’ils ont pris soin, cette année, de lancer un appel à plus de retenue.
Au fond, la vraie question que soulevait Martineau est de savoir si un hétérosexuel peut critiquer la communauté homosexuelle sans être accusé d’être homophobe, si un homme peut critiquer le mouvement des femmes sans être sexiste, si un Blanc peut critiquer un Noir sans se faire accuser de racisme.
Tous coupables
Bien sûr qu’il y a du sexisme, du racisme et de l’homophobie dans notre société, et qu’il faut les combattre. Mais il est vrai aussi que plusieurs militants de ces justes causes n’acceptent aucune critique et ont la gâchette rapide.
L’atout le plus puissant dont ils disposent pour clouer le bec à quiconque ose les critiquer est ce sentiment de culpabilité tapi au fond de tant de mâles hétérosexuels blancs occidentaux.
Oui, les hommes ont asservi les femmes pendant des milliers d’années. Et ce n’est pas fini.
Oui, les homosexuels ont été persécutés pendant longtemps et le sont parfois encore.
Oui, les Blancs ont réduit les Noirs en esclavage pendant des centaines d’années, et le racisme est encore présent.
Pour certains militants de ces causes, la société majoritaire - patriarcale, blanche et hétérosexuelle - est globalement coupable de ces crimes passés.
Taisez vous
Cette culpabilité collective, ce passé dont il faut forcément avoir honte, obligent aujourd’hui l’homme blanc hétérosexuel à se taire. Il n’a le droit de parler que si c’est pour appuyer les revendications de ceux qui disent parler au nom des opprimés.
Puisque la société majoritaire est globalement coupable, il faut forcément qu’elle fasse pénitence et accorde réparation. Et seule la victime peut décider s’il y a absolution.
La victime, justement parce qu’elle est victime, a forcément raison et mérite compensation.
C’est le retour en force de la doctrine du péché originel. Nos églises peuvent bien se vider, la religion est encore partout. Et toute religion, forcément, a besoin de curés pour décréter ce qui est bien et ce qui est mal.
Et quand vous critiquez la parole officielle, ces nouveaux curés laissent tomber la sanction: homophobe, sexiste, raciste.
On aboutit donc à un curieux paradoxe: la parole gaie, la parole féministe, qui étaient à l’origine des paroles de libération, deviennent progressivement des dogmes qu’on critique à ses risques et périls. Des paroles d’enfermement.
En passant, avez-vous remarqué que c’est seulement en Occident qu’existe et qu’on entretient assidûment cette culpabilité collective de la société majoritaire?
On attend encore le pays arabe qui s’excusera officiellement d’avoir pratiqué l’esclavage des Noirs avec une sauvagerie inouïe pendant des siècles.
Et on notera que ceux qui défendent l’égalité des hommes et des femmes chez nous sont souvent les mêmes qui sont prêts à laisser les talibans afghans ramener leurs femmes au XIIIe siècle.
Publié dans Journal de Montréal et Journal de Québec
1 août 2007 par Joseph Facal
Dans une société qui se dit libre comme la nôtre, on devrait pouvoir critiquer n’importe quoi, non? Mais est-ce vraiment le cas?
Richard Martineau se demandait récemment si le défilé de la fierté gaie ne desservait pas la communauté homosexuelle. Question compliquée mais légitime. Mais pour certains militants du mouvement gai, la cause était entendue d’avance: seul un homophobe peut poser une telle question.
Plusieurs homosexuels pensent pourtant la même chose que Martineau: que l’hypersexualisation d’une minorité de participants au défilé projette une image caricaturale et dégradante de la communauté, qu’elle renforce les préjugés au lieu de les amoindrir, qu’elle rend plus difficile de faire comprendre que la majorité des gais ont une sexualité aussi rangée que celle des hétérosexuels.
Les nouveaux organisateurs du défilé l’ont si bien compris eux-mêmes qu’ils ont pris soin, cette année, de lancer un appel à plus de retenue.
Au fond, la vraie question que soulevait Martineau est de savoir si un hétérosexuel peut critiquer la communauté homosexuelle sans être accusé d’être homophobe, si un homme peut critiquer le mouvement des femmes sans être sexiste, si un Blanc peut critiquer un Noir sans se faire accuser de racisme.
Tous coupables
Bien sûr qu’il y a du sexisme, du racisme et de l’homophobie dans notre société, et qu’il faut les combattre. Mais il est vrai aussi que plusieurs militants de ces justes causes n’acceptent aucune critique et ont la gâchette rapide.
L’atout le plus puissant dont ils disposent pour clouer le bec à quiconque ose les critiquer est ce sentiment de culpabilité tapi au fond de tant de mâles hétérosexuels blancs occidentaux.
Oui, les hommes ont asservi les femmes pendant des milliers d’années. Et ce n’est pas fini.
Oui, les homosexuels ont été persécutés pendant longtemps et le sont parfois encore.
Oui, les Blancs ont réduit les Noirs en esclavage pendant des centaines d’années, et le racisme est encore présent.
Pour certains militants de ces causes, la société majoritaire - patriarcale, blanche et hétérosexuelle - est globalement coupable de ces crimes passés.
Taisez vous
Cette culpabilité collective, ce passé dont il faut forcément avoir honte, obligent aujourd’hui l’homme blanc hétérosexuel à se taire. Il n’a le droit de parler que si c’est pour appuyer les revendications de ceux qui disent parler au nom des opprimés.
Puisque la société majoritaire est globalement coupable, il faut forcément qu’elle fasse pénitence et accorde réparation. Et seule la victime peut décider s’il y a absolution.
La victime, justement parce qu’elle est victime, a forcément raison et mérite compensation.
C’est le retour en force de la doctrine du péché originel. Nos églises peuvent bien se vider, la religion est encore partout. Et toute religion, forcément, a besoin de curés pour décréter ce qui est bien et ce qui est mal.
Et quand vous critiquez la parole officielle, ces nouveaux curés laissent tomber la sanction: homophobe, sexiste, raciste.
On aboutit donc à un curieux paradoxe: la parole gaie, la parole féministe, qui étaient à l’origine des paroles de libération, deviennent progressivement des dogmes qu’on critique à ses risques et périls. Des paroles d’enfermement.
En passant, avez-vous remarqué que c’est seulement en Occident qu’existe et qu’on entretient assidûment cette culpabilité collective de la société majoritaire?
On attend encore le pays arabe qui s’excusera officiellement d’avoir pratiqué l’esclavage des Noirs avec une sauvagerie inouïe pendant des siècles.
Et on notera que ceux qui défendent l’égalité des hommes et des femmes chez nous sont souvent les mêmes qui sont prêts à laisser les talibans afghans ramener leurs femmes au XIIIe siècle.
Publié dans Journal de Montréal et Journal de Québec