Publié : sam. mars 31, 2007 3:33 am
KRUGER FERME CINQ USINES
Une catastrophe pour la Côte-Nord
Steeve Paradis
Le Soleil
Collaboration spéciale
L’industrie forestière québécoise, particulièrement celle de la Côte-Nord, subit un autre coup de masse sur la tête alors que la compagnie Kruger a annoncé hier la fermeture pour une durée indéterminée de cinq de ses usines, trois d’entre elles se trouvant sur la Côte-Nord. Au total, plus de 1000 travailleurs se retrouvent au chômage forcé.
Les scieries de Parent, en Mauricie, et de Launay, en Abitibi, cesseront leurs activités dès le 5 avril. Quant aux scieries de Ragueneau et de Forestville ainsi que l’usine de rabotage de Longue-Rive, elles fermeront le 29 juin, une fois que l’inventaire de bois déjà coupé sera épuisé.
Dans les circonstances, on peut penser que l’arrêt des scieries nord-côtières durera au moins un an puisqu’il n’y aura aucune coupe de bois sur le territoire pendant l’été.
Sans confirmer de durée, le porte-parole de Kruger convient qu’il s’agira d’une longue période. « Si une installation ferme plus de six mois, il faut donner un préavis de 12 semaines, ce qui est le cas pour nos installations de la Côte-Nord », a dit le vice-président aux affaires publiques de Kruger, Jean Majeau.
Bois d’œuvre et dollar
La compagnie évoque les conditions du marché du bois d’œuvre pour justifier cette décision.
« Le ralentissement de la demande sur le marché américain, la baisse des prix de vente et la vigueur du dollar canadien ne nous laissent aucun autre choix, a ajouté Majeau. Nous espérons qu’un redressement des conditions actuelles du marché nous permettra éventuellement de reprendre nos activités. »
« Ça faisait longtemps qu’on criait que ça allait mal et personne ne nous a écoutés. Tout ce qui a préoccupé le gouvernement dans cette crise, c’est sa réélection », a lancé avec amertume Robert Dugas, président du syndicat de la scierie de Ragueneau, qui croit que les « environnementalistes de Montréal » vont applaudir la décision.
Georges-Henri Gagné, président de la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord et maire de Ragueneau, parle de catastrophe pour la région. « C’est une autre tuile qui nous tombe dessus, a-t-il affirmé. On ne s’attendait pas à une mesure aussi grave et on croyait surtout que Kruger allait attendre le rapport du comité régional sur les recommandations du Forestier en chef avant d’agir. »
Aucun contrôle
Le Forestier en chef a recommandé de réduire de 42 % les approvisionnements en bois de Kruger sur la Côte-Nord. Cette amputation, qui entrera en vigueur en 2008, n’est cependant pas la raison principale qui a amené l’entreprise à fermer ses scieries et c’est justement ce qui inquiète M. Gagné.
« Notre plus gros problème, c’est que, quoi qu’on fasse, on n’a aucun contrôle sur le marché du bois d’œuvre, ajoute-t-il. La compagnie nous a bien dit que la région avait fait l’impossible. On avait fait tout ce qu’on pouvait faire. »
Avec ces fermetures, Kruger ne compte plus que deux scieries en activité au Québec, soit celles de Gérard Crête et fils, en Mauricie. L’entreprise compte aussi trois usines de papier journal dans la province.
L'annonce a peu surpris Guy Chevrette
« Sur la Côte-Nord, tous les ingrédients sont là pour une catastrophe. Les copeaux y sont les plus chers au monde, les distances sont plus grandes qu’ailleurs et c’est là qu’on retrouve le plus grand nombre de contraintes locales. »
Ce constat vient de Guy Chevrette, président-directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), appelé à commenter les fermetures annoncées par Kruger. « Ça fait longtemps qu’on claironne ça, poursuit-il. Même si le marché américain reprend, on n’aura pas réglé notre crise structurelle, qui est encore plus grande sur la Côte-Nord. »
M. Chevrette s’est dit peu surpris par le geste de l’entreprise. « Le prix du bois d’œuvre est à un creux historique. Il était de 550 $US le 1000 pieds-mesure de planche (PMP) il y a deux ans, il est actuellement à 310 $US. Ça ne couvre même pas les coûts de production. »
Même si le marché reprend, rien ne garantit que Kruger redémarrera, convient le porte-parole de l’entreprise. « De grands défis sont devant nous, déclare Jean Majeau. Lorsque la question de repartir les usines se posera, nous devrons tenir compte de la baisse d’approvisionnement de 42 % prévue pour 2008 et la faible compétitivité de l’industrie sur la Côte-Nord. »
Selon lui, le gouvernement devra admettre que la région doit bénéficier de mesures particulières pour se sortir du marasme. « La Côte-Nord est dans une situation unique. Elle doit donc avoir un traitement distinct. Actuellement, le système de redevances forestières désavantage largement la région. »
Le maire de Forestville, Gaston Tremblay, ne veut pas entendre parler de crise structurelle ou conjoncturelle. Il rappelle seulement que la région vit dans l’incertitude depuis trois ans et qu’il est plus que temps de prendre le taureau par les cornes.
« Kruger sera obligé de nous dire s’il reste ou pas. S’il ne veut pas opérer, on va le faire à leur place, lance-t-il. Ça nous prend des solutions originales et rapides et le gouvernement devra démontrer son ouverture aux régions en nous supportant pour assurer la stabilité de nos emplois et de nos usines. »
Les élus régionaux et une foule d’intervenants se réuniront en début de semaine pour dessiner ces solutions.
Une catastrophe pour la Côte-Nord
Steeve Paradis
Le Soleil
Collaboration spéciale
L’industrie forestière québécoise, particulièrement celle de la Côte-Nord, subit un autre coup de masse sur la tête alors que la compagnie Kruger a annoncé hier la fermeture pour une durée indéterminée de cinq de ses usines, trois d’entre elles se trouvant sur la Côte-Nord. Au total, plus de 1000 travailleurs se retrouvent au chômage forcé.
Les scieries de Parent, en Mauricie, et de Launay, en Abitibi, cesseront leurs activités dès le 5 avril. Quant aux scieries de Ragueneau et de Forestville ainsi que l’usine de rabotage de Longue-Rive, elles fermeront le 29 juin, une fois que l’inventaire de bois déjà coupé sera épuisé.
Dans les circonstances, on peut penser que l’arrêt des scieries nord-côtières durera au moins un an puisqu’il n’y aura aucune coupe de bois sur le territoire pendant l’été.
Sans confirmer de durée, le porte-parole de Kruger convient qu’il s’agira d’une longue période. « Si une installation ferme plus de six mois, il faut donner un préavis de 12 semaines, ce qui est le cas pour nos installations de la Côte-Nord », a dit le vice-président aux affaires publiques de Kruger, Jean Majeau.
Bois d’œuvre et dollar
La compagnie évoque les conditions du marché du bois d’œuvre pour justifier cette décision.
« Le ralentissement de la demande sur le marché américain, la baisse des prix de vente et la vigueur du dollar canadien ne nous laissent aucun autre choix, a ajouté Majeau. Nous espérons qu’un redressement des conditions actuelles du marché nous permettra éventuellement de reprendre nos activités. »
« Ça faisait longtemps qu’on criait que ça allait mal et personne ne nous a écoutés. Tout ce qui a préoccupé le gouvernement dans cette crise, c’est sa réélection », a lancé avec amertume Robert Dugas, président du syndicat de la scierie de Ragueneau, qui croit que les « environnementalistes de Montréal » vont applaudir la décision.
Georges-Henri Gagné, président de la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord et maire de Ragueneau, parle de catastrophe pour la région. « C’est une autre tuile qui nous tombe dessus, a-t-il affirmé. On ne s’attendait pas à une mesure aussi grave et on croyait surtout que Kruger allait attendre le rapport du comité régional sur les recommandations du Forestier en chef avant d’agir. »
Aucun contrôle
Le Forestier en chef a recommandé de réduire de 42 % les approvisionnements en bois de Kruger sur la Côte-Nord. Cette amputation, qui entrera en vigueur en 2008, n’est cependant pas la raison principale qui a amené l’entreprise à fermer ses scieries et c’est justement ce qui inquiète M. Gagné.
« Notre plus gros problème, c’est que, quoi qu’on fasse, on n’a aucun contrôle sur le marché du bois d’œuvre, ajoute-t-il. La compagnie nous a bien dit que la région avait fait l’impossible. On avait fait tout ce qu’on pouvait faire. »
Avec ces fermetures, Kruger ne compte plus que deux scieries en activité au Québec, soit celles de Gérard Crête et fils, en Mauricie. L’entreprise compte aussi trois usines de papier journal dans la province.
L'annonce a peu surpris Guy Chevrette
« Sur la Côte-Nord, tous les ingrédients sont là pour une catastrophe. Les copeaux y sont les plus chers au monde, les distances sont plus grandes qu’ailleurs et c’est là qu’on retrouve le plus grand nombre de contraintes locales. »
Ce constat vient de Guy Chevrette, président-directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), appelé à commenter les fermetures annoncées par Kruger. « Ça fait longtemps qu’on claironne ça, poursuit-il. Même si le marché américain reprend, on n’aura pas réglé notre crise structurelle, qui est encore plus grande sur la Côte-Nord. »
M. Chevrette s’est dit peu surpris par le geste de l’entreprise. « Le prix du bois d’œuvre est à un creux historique. Il était de 550 $US le 1000 pieds-mesure de planche (PMP) il y a deux ans, il est actuellement à 310 $US. Ça ne couvre même pas les coûts de production. »
Même si le marché reprend, rien ne garantit que Kruger redémarrera, convient le porte-parole de l’entreprise. « De grands défis sont devant nous, déclare Jean Majeau. Lorsque la question de repartir les usines se posera, nous devrons tenir compte de la baisse d’approvisionnement de 42 % prévue pour 2008 et la faible compétitivité de l’industrie sur la Côte-Nord. »
Selon lui, le gouvernement devra admettre que la région doit bénéficier de mesures particulières pour se sortir du marasme. « La Côte-Nord est dans une situation unique. Elle doit donc avoir un traitement distinct. Actuellement, le système de redevances forestières désavantage largement la région. »
Le maire de Forestville, Gaston Tremblay, ne veut pas entendre parler de crise structurelle ou conjoncturelle. Il rappelle seulement que la région vit dans l’incertitude depuis trois ans et qu’il est plus que temps de prendre le taureau par les cornes.
« Kruger sera obligé de nous dire s’il reste ou pas. S’il ne veut pas opérer, on va le faire à leur place, lance-t-il. Ça nous prend des solutions originales et rapides et le gouvernement devra démontrer son ouverture aux régions en nous supportant pour assurer la stabilité de nos emplois et de nos usines. »
Les élus régionaux et une foule d’intervenants se réuniront en début de semaine pour dessiner ces solutions.