Publié : dim. févr. 04, 2007 4:45 am
On critique souvent les intégristes , faudrait aussi parler de positif , des autres , modérés , qui s'adaptent
MINORITÉS CULTURELLES
L'autre visage des musulmans
Katia Gagnon
La Presse
Les musulmans invisibles sont légion au Québec. Invisibles parce qu'ils se fondent dans la masse, s'intègrent à la société québécoise aussi bien au travail qu'à l'école. Sait-on qu'à peine 15 % d'entre eux se rendent à la mosquée tous les vendredis ? Que le discours fondamentaliste est très minoritaire à Montréal ? Même nos leaders ont des choses à apprendre à ce sujet, a-t-on découvert.
Louise Tremblay, jeune quarantaine, doctorat en sciences économiques, est devenue chef d'entreprise après avoir été, pendant plusieurs années, cadre supérieur. Elle est là, devant moi, coupe garçonne, lunettes de marque, maquillage discret, sourire irrésistible. Elle habite tout près du Jardin botanique et adore le ski de fond et la raquette.
Sauf qu'elle ne s'appelle pas vraiment Louise Tremblay.
Amina Benrhazi est Marocaine d'origine et vit au Québec depuis cinq ans. Elle fait partie de ces musulmans montréalais que vous ne remarquez pas, puisqu'ils se fondent discrètement dans la masse. Et la majorité des 109 000 musulmans vivant au Québec sont comme elle. Très, très loin de ces imams rigoristes qui se posent à la télé en porte-parole de la communauté.
«Je me sens insultée quand on présente des reportages sur les musulmans et que tout ce qu'on voit comme illustration, ce sont des femmes voilées jusqu'aux yeux», dit Amina. «Alors que, pour la plupart, nous sommes invisibles.»
Salah Ben Rejeb est aussi l'un de ces musulmans invisibles. Ce Tunisien d'origine est analyste à Développement économique Canada et planche toute la journée sur son ordinateur. Quand arrive l'heure de la prière, plutôt que d'aller en pause jaser près de la machine à café, il déroule son tapis dans son bureau et passe 10 minutes à prier.
Le vendredi, il va se recueillir à la mosquée Badr, dont il est le président. Non, il n'a ni grande robe, ni turban, ni barbe fournie. «Les musulmans sont des gens comme tout le monde. Ils mangent, ils vivent, ils font l'amour! Sincèrement, on ne représente aucun danger!» dit-il en riant.
Et la preuve que les musulmans s'intègrent très bien à Montréal, c'est qu'ils ne s'y sont pas regroupés en ghetto, observe-t-il. «Il y a un quartier chinois, une ville hassidique, mais il n'y a pas de quartier musulman.»
Effectivement. Les musulmans montréalais, qui sont d'ailleurs d'origines ethniques très diverses (voir tableau) sont disséminés un peu partout dans l'île de Montréal, à Laval, sur la Rive-Sud. «Il n'y a pas de Londonistan à Montréal», dit Frédéric Castel, religiologue et fin observateur de la communauté musulmane québécoise.
Ce qui ressemble le plus à un petit Maghreb s'étend sur quelques pâtés de maisons, rue Jean-Talon, entre les boulevards Pie-IX et Saint-Michel. Parmi des commerces italiens, grecs ou alors purement québécois, on trouve quelques boucheries halal, une boutique de vêtements pour dames, des cafés et une mosquée.
Dans une pâtisserie algérienne, notre question a bien fait rigoler les clients. «Les Québécois sont-ils racistes? »Bien sûr que non, rétorque immédiatement Yazid Ben Medjeber, qui vend des vêtements dans les marchés aux puces du Québec. Les gros marchés, comme à Lachute, mais aussi les petits, comme à Saint-Polycarpe ou Saint-Zotique. Quand vient l'heure de la prière, il déroule son tapis et s'agenouille. Disons que ça cause une certaine surprise chez ses clients. «Mais jamais je n'ai eu le moindre commentaire désobligeant», dit-il.
«On nous dépeint toujours comme une caricature», déplore Samia Bouzourène, qui habite avec son mari, Nassim Aoudia, et ses deux enfants, Zacharia et Adila, dans un grand appartement de Saint-Léonard. Elle lève les yeux au ciel quand on lui parle de Saïd Jaziri, le désormais célèbre imam de la mosquée Al Qods, invité à tous les micros. «Ce n'est pas vrai qu'on s'habille comme ça! Même en Algérie, on ne s'habille pas comme ça!»
Et les accommodements raisonnables dans tout ça? Nassim travaille pour une compagnie d'entretien de machinerie. Après trois ans au boulot et une évaluation extrêmement favorable, ses patrons lui ont demandé s'il désirait améliorer quelque chose dans son cadre de travail. Il a demandé à être libéré pendant quelques heures, le vendredi, pour aller prier à la mosquée. Le patron, un Chilien, a dit oui.
Quelques collègues ont rechigné. Mais ils se sont vite ravisés quand Nassim leur a expliqué qu'il n'était pas payé pour ces heures passées hors du boulot. «Et s'il y a une urgence, évidemment, je reste.» --Message edité par Rénatane le 2007-02-04 09:45:59--
MINORITÉS CULTURELLES
L'autre visage des musulmans
Katia Gagnon
La Presse
Les musulmans invisibles sont légion au Québec. Invisibles parce qu'ils se fondent dans la masse, s'intègrent à la société québécoise aussi bien au travail qu'à l'école. Sait-on qu'à peine 15 % d'entre eux se rendent à la mosquée tous les vendredis ? Que le discours fondamentaliste est très minoritaire à Montréal ? Même nos leaders ont des choses à apprendre à ce sujet, a-t-on découvert.
Louise Tremblay, jeune quarantaine, doctorat en sciences économiques, est devenue chef d'entreprise après avoir été, pendant plusieurs années, cadre supérieur. Elle est là, devant moi, coupe garçonne, lunettes de marque, maquillage discret, sourire irrésistible. Elle habite tout près du Jardin botanique et adore le ski de fond et la raquette.
Sauf qu'elle ne s'appelle pas vraiment Louise Tremblay.
Amina Benrhazi est Marocaine d'origine et vit au Québec depuis cinq ans. Elle fait partie de ces musulmans montréalais que vous ne remarquez pas, puisqu'ils se fondent discrètement dans la masse. Et la majorité des 109 000 musulmans vivant au Québec sont comme elle. Très, très loin de ces imams rigoristes qui se posent à la télé en porte-parole de la communauté.
«Je me sens insultée quand on présente des reportages sur les musulmans et que tout ce qu'on voit comme illustration, ce sont des femmes voilées jusqu'aux yeux», dit Amina. «Alors que, pour la plupart, nous sommes invisibles.»
Salah Ben Rejeb est aussi l'un de ces musulmans invisibles. Ce Tunisien d'origine est analyste à Développement économique Canada et planche toute la journée sur son ordinateur. Quand arrive l'heure de la prière, plutôt que d'aller en pause jaser près de la machine à café, il déroule son tapis dans son bureau et passe 10 minutes à prier.
Le vendredi, il va se recueillir à la mosquée Badr, dont il est le président. Non, il n'a ni grande robe, ni turban, ni barbe fournie. «Les musulmans sont des gens comme tout le monde. Ils mangent, ils vivent, ils font l'amour! Sincèrement, on ne représente aucun danger!» dit-il en riant.
Et la preuve que les musulmans s'intègrent très bien à Montréal, c'est qu'ils ne s'y sont pas regroupés en ghetto, observe-t-il. «Il y a un quartier chinois, une ville hassidique, mais il n'y a pas de quartier musulman.»
Effectivement. Les musulmans montréalais, qui sont d'ailleurs d'origines ethniques très diverses (voir tableau) sont disséminés un peu partout dans l'île de Montréal, à Laval, sur la Rive-Sud. «Il n'y a pas de Londonistan à Montréal», dit Frédéric Castel, religiologue et fin observateur de la communauté musulmane québécoise.
Ce qui ressemble le plus à un petit Maghreb s'étend sur quelques pâtés de maisons, rue Jean-Talon, entre les boulevards Pie-IX et Saint-Michel. Parmi des commerces italiens, grecs ou alors purement québécois, on trouve quelques boucheries halal, une boutique de vêtements pour dames, des cafés et une mosquée.
Dans une pâtisserie algérienne, notre question a bien fait rigoler les clients. «Les Québécois sont-ils racistes? »Bien sûr que non, rétorque immédiatement Yazid Ben Medjeber, qui vend des vêtements dans les marchés aux puces du Québec. Les gros marchés, comme à Lachute, mais aussi les petits, comme à Saint-Polycarpe ou Saint-Zotique. Quand vient l'heure de la prière, il déroule son tapis et s'agenouille. Disons que ça cause une certaine surprise chez ses clients. «Mais jamais je n'ai eu le moindre commentaire désobligeant», dit-il.
«On nous dépeint toujours comme une caricature», déplore Samia Bouzourène, qui habite avec son mari, Nassim Aoudia, et ses deux enfants, Zacharia et Adila, dans un grand appartement de Saint-Léonard. Elle lève les yeux au ciel quand on lui parle de Saïd Jaziri, le désormais célèbre imam de la mosquée Al Qods, invité à tous les micros. «Ce n'est pas vrai qu'on s'habille comme ça! Même en Algérie, on ne s'habille pas comme ça!»
Et les accommodements raisonnables dans tout ça? Nassim travaille pour une compagnie d'entretien de machinerie. Après trois ans au boulot et une évaluation extrêmement favorable, ses patrons lui ont demandé s'il désirait améliorer quelque chose dans son cadre de travail. Il a demandé à être libéré pendant quelques heures, le vendredi, pour aller prier à la mosquée. Le patron, un Chilien, a dit oui.
Quelques collègues ont rechigné. Mais ils se sont vite ravisés quand Nassim leur a expliqué qu'il n'était pas payé pour ces heures passées hors du boulot. «Et s'il y a une urgence, évidemment, je reste.» --Message edité par Rénatane le 2007-02-04 09:45:59--