Publié : lun. janv. 08, 2007 5:39 am
Médias - Vidéos en ligne: le défi des diffuseurs
Non, nous ne reparlerons pas du contenu du Bye Bye de RBO, qui a suscité un véritable déluge de réactions.
Nous remarquons plutôt que ce Bye Bye semble remettre en question quelques-unes de nos savantes analyses sur l'état des médias. Car il a été vu par 2,6 millions de téléspectateurs, un auditoire vraiment exceptionnel alors que, depuis deux ou trois ans, les émissions qui attirent le plus large auditoire se situent plutôt autour de 1,5 ou 1,8 million.
Un chiffre d'autant plus étonnant que l'automne télévisuel en général, et particulièrement celui de Radio-Canada, montrait des changements importants dans l'écoute. Les nouvelles séries de fiction de la télévision publique, par exemple, n'arrivaient pas à rassembler un vaste public, même si on trouvait quand même un noyau dur de fidèles pour Tout sur moi, Sophie Paquin et C.A.
Parmi les explications possibles, la direction de Radio-Canada avait mentionné des modifications techniques apportées dans la mesure de l'écoute par la firme BBM. Cette explication a également été avancée par Télé-Québec pour expliquer la baisse générale de son auditoire l'automne dernier. C'est une explication qui tient moins la route quand la même firme de sondage calcule que 2,6 millions de téléspectateurs ont regardé la même émission!
Mais si on examine les chiffres d'écoute non pas sur une seule soirée, mais sur une période d'un an, il est indéniable que l'auditoire des émissions québécoises a tendance à baisser pour les émissions individuelles, alors que l'auditoire général de la télévision, lui, ne semble pas diminuer de façon marquante, signe de l'émiettement de l'écoute à travers plusieurs chaînes.
Le Bye Bye de RBO serait-il une sorte d'exception aux tendances actuelles, un phénomène de rassemblement collectif qui tend de plus en plus à disparaître?
En tout cas, on peut dire qu'il se place aussi au coeur d'une nouvelle tendance. Il y a une semaine, mon collègue Bruno Guglielminetti avançait dans cette page que l'année 2007 pourrait être l'année de la vidéo en ligne au Québec. La réalité pourrait rejoindre sa prédiction plus vite que prévu! Car dans les jours qui ont suivi le Bye Bye, on pouvait consulter sur les portails vidéo YouTube et Dalymotion au moins une dizaine d'extraits de ce Bye Bye. Mais comme nous l'apprenait La Presse la semaine dernière, les avocats de RBO et de Radio-Canada ont envoyé à ces deux portails des demandes pour qu'ils retirent les extraits en question, protégés par le droit d'auteur.
On peut comprendre et approuver le fait que RBO et Radio-Canada veuillent faire respecter le droit d'auteur, mais on constate également qu'il s'agit d'un respect plutôt élastique, puisqu'on trouve également depuis des mois sur YouTube et Dalymotion plusieurs vidéos des anciens numéros de RBO, tirés des compilations que le groupe a réalisées sur VHS ou DVD, sans que RBO n'ait manifestement trouvé à redire.
On remarquera également que Radio-Canada avait elle-même créé une demande inédite sur Internet puisque, durant tout le mois de décembre, la télévision publique offrait chaque jour sur son site Internet officiel une nouvelle vidéo des anciens sketches de RBO. Il est assez ironique de voir qu'elle s'indigne de voir son Bye Bye se promener dans Internet après s'être elle-même servi d'Internet pour attirer le téléspectateur.
Une tendance qui n'est pas marginale
En fait, on se rend bien compte que les consommateurs veulent regarder les vidéos de leur choix sur leur ordinateur, et qu'il ne s'agit plus d'une tendance marginale de jeunes maniaques de technologie. Ce mode de consommation prend de plus en plus l'allure d'un raz-de-marée, et tant les producteurs que les diffuseurs de contenus doivent maintenant faire face à la situation de façon lucide. Et c'est urgent.
Pour contrer la circulation «pirate» d'extraits d'émissions, qui grossira de façon exponentielle dans Internet en 2007, les diffuseurs auraient avantage à s'entendre avec les créateurs pour gérer eux-mêmes cette demande, que ce soit sur leurs sites actuels ou sur de futurs sites Internet, par exemple ce «YouTube québécois» que Quebecor veut lancer cet hiver.
Car une autre menace s'en vient. Les créateurs de Kazaa, le logiciel de partage de fichiers musicaux, annonçaient en décembre qu'ils préparent une plateforme de diffusion vidéo sur Internet qui permettrait de mieux échanger les vidéos d'un ordinateur à l'autre. Les deux Scandinaves créateurs de ce logiciel sont déjà en train de tester une version beta du projet, sur lequel on a peu de détails. Ils ont promis d'en dire plus en janvier mais selon la presse européenne, les deux hommes ont carrément l'intention de révolutionner l'industrie de la télévision, de la même façon que Kazaa a bouleversé, avec d'autres logiciels, l'industrie de la musique.
Curieusement, le Bye Bye de RBO se situe à la croisée de deux tendances complètement contradictoires. D'un côté, il marque le retour des méga-auditoires télévisuels rassembleurs, mais de l'autre, il subit une pression grandissante pour pouvoir continuer sa vie active dans Internet. Pour les diffuseurs, l'enjeu principal en 2007 sera vraiment d'occuper les deux modes de diffusion en même temps, celui de la télévision et celui d'Internet.
***
pcauchon@ledevoir.com
Non, nous ne reparlerons pas du contenu du Bye Bye de RBO, qui a suscité un véritable déluge de réactions.
Nous remarquons plutôt que ce Bye Bye semble remettre en question quelques-unes de nos savantes analyses sur l'état des médias. Car il a été vu par 2,6 millions de téléspectateurs, un auditoire vraiment exceptionnel alors que, depuis deux ou trois ans, les émissions qui attirent le plus large auditoire se situent plutôt autour de 1,5 ou 1,8 million.
Un chiffre d'autant plus étonnant que l'automne télévisuel en général, et particulièrement celui de Radio-Canada, montrait des changements importants dans l'écoute. Les nouvelles séries de fiction de la télévision publique, par exemple, n'arrivaient pas à rassembler un vaste public, même si on trouvait quand même un noyau dur de fidèles pour Tout sur moi, Sophie Paquin et C.A.
Parmi les explications possibles, la direction de Radio-Canada avait mentionné des modifications techniques apportées dans la mesure de l'écoute par la firme BBM. Cette explication a également été avancée par Télé-Québec pour expliquer la baisse générale de son auditoire l'automne dernier. C'est une explication qui tient moins la route quand la même firme de sondage calcule que 2,6 millions de téléspectateurs ont regardé la même émission!
Mais si on examine les chiffres d'écoute non pas sur une seule soirée, mais sur une période d'un an, il est indéniable que l'auditoire des émissions québécoises a tendance à baisser pour les émissions individuelles, alors que l'auditoire général de la télévision, lui, ne semble pas diminuer de façon marquante, signe de l'émiettement de l'écoute à travers plusieurs chaînes.
Le Bye Bye de RBO serait-il une sorte d'exception aux tendances actuelles, un phénomène de rassemblement collectif qui tend de plus en plus à disparaître?
En tout cas, on peut dire qu'il se place aussi au coeur d'une nouvelle tendance. Il y a une semaine, mon collègue Bruno Guglielminetti avançait dans cette page que l'année 2007 pourrait être l'année de la vidéo en ligne au Québec. La réalité pourrait rejoindre sa prédiction plus vite que prévu! Car dans les jours qui ont suivi le Bye Bye, on pouvait consulter sur les portails vidéo YouTube et Dalymotion au moins une dizaine d'extraits de ce Bye Bye. Mais comme nous l'apprenait La Presse la semaine dernière, les avocats de RBO et de Radio-Canada ont envoyé à ces deux portails des demandes pour qu'ils retirent les extraits en question, protégés par le droit d'auteur.
On peut comprendre et approuver le fait que RBO et Radio-Canada veuillent faire respecter le droit d'auteur, mais on constate également qu'il s'agit d'un respect plutôt élastique, puisqu'on trouve également depuis des mois sur YouTube et Dalymotion plusieurs vidéos des anciens numéros de RBO, tirés des compilations que le groupe a réalisées sur VHS ou DVD, sans que RBO n'ait manifestement trouvé à redire.
On remarquera également que Radio-Canada avait elle-même créé une demande inédite sur Internet puisque, durant tout le mois de décembre, la télévision publique offrait chaque jour sur son site Internet officiel une nouvelle vidéo des anciens sketches de RBO. Il est assez ironique de voir qu'elle s'indigne de voir son Bye Bye se promener dans Internet après s'être elle-même servi d'Internet pour attirer le téléspectateur.
Une tendance qui n'est pas marginale
En fait, on se rend bien compte que les consommateurs veulent regarder les vidéos de leur choix sur leur ordinateur, et qu'il ne s'agit plus d'une tendance marginale de jeunes maniaques de technologie. Ce mode de consommation prend de plus en plus l'allure d'un raz-de-marée, et tant les producteurs que les diffuseurs de contenus doivent maintenant faire face à la situation de façon lucide. Et c'est urgent.
Pour contrer la circulation «pirate» d'extraits d'émissions, qui grossira de façon exponentielle dans Internet en 2007, les diffuseurs auraient avantage à s'entendre avec les créateurs pour gérer eux-mêmes cette demande, que ce soit sur leurs sites actuels ou sur de futurs sites Internet, par exemple ce «YouTube québécois» que Quebecor veut lancer cet hiver.
Car une autre menace s'en vient. Les créateurs de Kazaa, le logiciel de partage de fichiers musicaux, annonçaient en décembre qu'ils préparent une plateforme de diffusion vidéo sur Internet qui permettrait de mieux échanger les vidéos d'un ordinateur à l'autre. Les deux Scandinaves créateurs de ce logiciel sont déjà en train de tester une version beta du projet, sur lequel on a peu de détails. Ils ont promis d'en dire plus en janvier mais selon la presse européenne, les deux hommes ont carrément l'intention de révolutionner l'industrie de la télévision, de la même façon que Kazaa a bouleversé, avec d'autres logiciels, l'industrie de la musique.
Curieusement, le Bye Bye de RBO se situe à la croisée de deux tendances complètement contradictoires. D'un côté, il marque le retour des méga-auditoires télévisuels rassembleurs, mais de l'autre, il subit une pression grandissante pour pouvoir continuer sa vie active dans Internet. Pour les diffuseurs, l'enjeu principal en 2007 sera vraiment d'occuper les deux modes de diffusion en même temps, celui de la télévision et celui d'Internet.
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pcauchon@ledevoir.com