Publié : jeu. nov. 23, 2006 4:51 am
HARPER DÉPOSE UNE RÉSOLUTION-SURPRISE SUR LE STATUT DU QUÉBEC
«Les Québécois forment une nation dans un Canada uni»
Joël-Denis Bellavance
La Presse
Ottawa
Dans un geste aussi audacieux qu’inattendu, le premier ministre Stephen Harper a affirmé solennellement pour la première fois à la Chambre des communes, hier, que « les Québécois forment une nation ».
Mais M. Harper a pris bien soin de préciser que cette nation québécoise fera toujours partie d’un « Canada uni ». Le premier ministre, qui avait dans le passé évité comme la peste de se prononcer sur l’existence de la nation québécoise, a même déposé une résolution en ce sens qui sera débattue et votée à la Chambre des communes d’ici lundi.
M. Harper veut couper l’herbe sous le pied du Bloc québécois. La veille, le Bloc a annoncé son intention de profiter de sa journée d’opposition d’aujourd’hui pour inviter les Communes à reconnaître que « les Québécoises et les Québécois forment une nation ».
M. Harper a ensuite tenté de mettre fin à la controverse qui prenait de l’ampleur sur la place du Québec au sein de la fédération canadienne à la suite de l’adoption, le mois dernier, d’une résolution par l’aile québécoise du Parti libéral reconnaissant que le Québec forme une nation.
Cette résolution divise grandement les libéraux, qui se réuniront en congrès la semaine prochaine pour élire leur prochain chef, parce qu’elle propose également la création d’un comité d’experts pour trouver des moyens « d’officialiser » cette reconnaissance. Certains libéraux croient que l’adoption de cette résolution entraînera de nouvelles négociations constitutionnelles.
D’ailleurs, la résolution de Gilles Duceppe forçait les libéraux à voter sur cette épineuse question mardi soir, avant même la tenue de leur congrès. Elle forçait aussi les conservateurs à prendre position pour la première fois dans ce débat. Craignant les dérapages, les stratèges conservateurs se sont réunis d’urgence mardi soir afin de peaufiner la stratégie du gouvernement Harper. Reconnaître que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni était la seule option sur la table.
Harper informe certains leaders
Selon des informations obtenues par La Presse, hier, M. Harper a discrètement informé le chef intérimaire du Parti libéral, Bill Graham, et le chef du NPD, Jack Layton, des grandes lignes de ses intentions mardi soir et a rapidement obtenu leur appui. Des stratèges conservateurs ont aussi discuté de cette option avec Stéphane Dion, candidat à la direction du Parti libéral. M. Dion faisait d’ailleurs circuler dans les rangs libéraux un compromis comparable à ce que M. Harper a proposé.
Le premier ministre a informé ses députés de son projet hier matin, à l’occasion de la réunion hebdomadaire du caucus conservateur. A priori surpris, ses députés ont donné leur appui unanime à M. Harper, après que ce dernier eut affirmé qu’il faudra toujours mettre de côté l’esprit partisan lorsqu’il s’agit de préserver l’unité du pays. Les 10 députés conservateurs du Québec avaient les larmes aux yeux après l’intervention du premier ministre, ont raconté des sources à La Presse.
« Les Québécois savent qui ils sont. Ils savent qu’ils ont participé à la fondation du Canada, à son développement et à sa grandeur. Ils savent qu’ils ont préservé leur langue et leur culture uniques et qu’ils ont fait avancer leurs valeurs et leurs intérêts au sein du Canada. La vraie question est simple : est-ce que les Québécoises et les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni ? La réponse est oui. Les Québécois et les Québécoises forment-ils une nation indépendante du Canada ? La réponse est non et elle sera toujours non », a lancé plus tard M. Harper à la Chambre des communes dans un discours.
Duceppe furieux
Le premier ministre a été chaudement applaudi par ses propres députés, de même que par les députés libéraux et néo-démocrates. Pendant ce temps, Gilles Duceppe bouillait de colère, n’ayant manifestement pas vu venir le coup.
Le premier ministre a aussi dit juger étonnant que le Bloc québécois demande ainsi à la Chambre des communes de définir la nation québécoise. Selon M. Harper, les troupes souverainistes voulaient tendre un piège aux Québécois.
« Pour le Bloc, il n’est pas question du Québec en tant que nation. L’Assemblée nationale s’est déjà prononcée à ce sujet. Il est plutôt question de séparation. Pour eux, nation veut dire séparation. (…) En d’autres mots, si on reconnaît le Québec comme une nation, il faut voter oui lors d’un référendum sur la séparation », a-t-il dit.
Prenant la parole après Stephen Harper, Bill Graham a salué l’initiative du premier ministre. « Nous, les libéraux, avons passé nos vies à construire notre pays et notre pays a toujours inclus le Québec. (…) Le Bloc québécois est pour sa part dévoué à détruire le Canada. Malgré tout le respect que nous pouvons avoir pour les députés de la Chambre, nous sommes fondamentalement opposés à ce point. »
Pour sa part, Gilles Duceppe a dénoncé cette manœuvre du premier ministre. Et son parti votera contre la résolution du gouvernement. « Les Québécois forment une nation, pas à condition de rester dans un Canada supposément uni ; ils forment une nation, pas à condition de devenir un pays. Ce sont là les deux options. Elles sont respectables toutes les deux. Dans un cas comme dans l’autre, jamais on ne doit soumettre l’existence de la nation québécoise à l’action que l’on privilégie. Nous sommes une nation parce que nous sommes ce que nous sommes, peu importe l’avenir qu’on choisira. »
http://www.cyberpresse.ca/article/20061 ... ACTUALITES
«Les Québécois forment une nation dans un Canada uni»
Joël-Denis Bellavance
La Presse
Ottawa
Dans un geste aussi audacieux qu’inattendu, le premier ministre Stephen Harper a affirmé solennellement pour la première fois à la Chambre des communes, hier, que « les Québécois forment une nation ».
Mais M. Harper a pris bien soin de préciser que cette nation québécoise fera toujours partie d’un « Canada uni ». Le premier ministre, qui avait dans le passé évité comme la peste de se prononcer sur l’existence de la nation québécoise, a même déposé une résolution en ce sens qui sera débattue et votée à la Chambre des communes d’ici lundi.
M. Harper veut couper l’herbe sous le pied du Bloc québécois. La veille, le Bloc a annoncé son intention de profiter de sa journée d’opposition d’aujourd’hui pour inviter les Communes à reconnaître que « les Québécoises et les Québécois forment une nation ».
M. Harper a ensuite tenté de mettre fin à la controverse qui prenait de l’ampleur sur la place du Québec au sein de la fédération canadienne à la suite de l’adoption, le mois dernier, d’une résolution par l’aile québécoise du Parti libéral reconnaissant que le Québec forme une nation.
Cette résolution divise grandement les libéraux, qui se réuniront en congrès la semaine prochaine pour élire leur prochain chef, parce qu’elle propose également la création d’un comité d’experts pour trouver des moyens « d’officialiser » cette reconnaissance. Certains libéraux croient que l’adoption de cette résolution entraînera de nouvelles négociations constitutionnelles.
D’ailleurs, la résolution de Gilles Duceppe forçait les libéraux à voter sur cette épineuse question mardi soir, avant même la tenue de leur congrès. Elle forçait aussi les conservateurs à prendre position pour la première fois dans ce débat. Craignant les dérapages, les stratèges conservateurs se sont réunis d’urgence mardi soir afin de peaufiner la stratégie du gouvernement Harper. Reconnaître que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni était la seule option sur la table.
Harper informe certains leaders
Selon des informations obtenues par La Presse, hier, M. Harper a discrètement informé le chef intérimaire du Parti libéral, Bill Graham, et le chef du NPD, Jack Layton, des grandes lignes de ses intentions mardi soir et a rapidement obtenu leur appui. Des stratèges conservateurs ont aussi discuté de cette option avec Stéphane Dion, candidat à la direction du Parti libéral. M. Dion faisait d’ailleurs circuler dans les rangs libéraux un compromis comparable à ce que M. Harper a proposé.
Le premier ministre a informé ses députés de son projet hier matin, à l’occasion de la réunion hebdomadaire du caucus conservateur. A priori surpris, ses députés ont donné leur appui unanime à M. Harper, après que ce dernier eut affirmé qu’il faudra toujours mettre de côté l’esprit partisan lorsqu’il s’agit de préserver l’unité du pays. Les 10 députés conservateurs du Québec avaient les larmes aux yeux après l’intervention du premier ministre, ont raconté des sources à La Presse.
« Les Québécois savent qui ils sont. Ils savent qu’ils ont participé à la fondation du Canada, à son développement et à sa grandeur. Ils savent qu’ils ont préservé leur langue et leur culture uniques et qu’ils ont fait avancer leurs valeurs et leurs intérêts au sein du Canada. La vraie question est simple : est-ce que les Québécoises et les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni ? La réponse est oui. Les Québécois et les Québécoises forment-ils une nation indépendante du Canada ? La réponse est non et elle sera toujours non », a lancé plus tard M. Harper à la Chambre des communes dans un discours.
Duceppe furieux
Le premier ministre a été chaudement applaudi par ses propres députés, de même que par les députés libéraux et néo-démocrates. Pendant ce temps, Gilles Duceppe bouillait de colère, n’ayant manifestement pas vu venir le coup.
Le premier ministre a aussi dit juger étonnant que le Bloc québécois demande ainsi à la Chambre des communes de définir la nation québécoise. Selon M. Harper, les troupes souverainistes voulaient tendre un piège aux Québécois.
« Pour le Bloc, il n’est pas question du Québec en tant que nation. L’Assemblée nationale s’est déjà prononcée à ce sujet. Il est plutôt question de séparation. Pour eux, nation veut dire séparation. (…) En d’autres mots, si on reconnaît le Québec comme une nation, il faut voter oui lors d’un référendum sur la séparation », a-t-il dit.
Prenant la parole après Stephen Harper, Bill Graham a salué l’initiative du premier ministre. « Nous, les libéraux, avons passé nos vies à construire notre pays et notre pays a toujours inclus le Québec. (…) Le Bloc québécois est pour sa part dévoué à détruire le Canada. Malgré tout le respect que nous pouvons avoir pour les députés de la Chambre, nous sommes fondamentalement opposés à ce point. »
Pour sa part, Gilles Duceppe a dénoncé cette manœuvre du premier ministre. Et son parti votera contre la résolution du gouvernement. « Les Québécois forment une nation, pas à condition de rester dans un Canada supposément uni ; ils forment une nation, pas à condition de devenir un pays. Ce sont là les deux options. Elles sont respectables toutes les deux. Dans un cas comme dans l’autre, jamais on ne doit soumettre l’existence de la nation québécoise à l’action que l’on privilégie. Nous sommes une nation parce que nous sommes ce que nous sommes, peu importe l’avenir qu’on choisira. »
http://www.cyberpresse.ca/article/20061 ... ACTUALITES