Publié : dim. nov. 12, 2006 8:16 am
PETIT ÉCRAN
Et si la sexualité devenait banale?
Pascale Lévesque
Journal de Montréal
12-11-2006 | 06h47
Ce n'est un secret pour personne, le sexe est de plus en plus présent au petit écran. Les trois quarts des émissions présentées à heure de grande écoute aux États-Unis ont un contenu sexuel. Notre télévision n'y échappe pas non plus, pour le meilleur comme pour le pire.
L'arrivée de C.A. cet automne à Radio-Canada est beaucoup plus significative qu'on ne le croit. Les personnages blasés créés par Louis Morissette sont un peu le reflet de cette banalisation de la sexualité qui prévaut à notre époque. Un peu comme l'a fait Sex and the City.
«Ce genre d'émission-là, ça donne le message que tout passe par le sexe, pour les jeunes comme pour les vieux», affirme Jocelyne Robert, sexologue et auteure de plusieurs livres à succès sur la sexualité et les jeunes.
Qu'on ne s'y méprenne pas, Jocelyne Robert n'est pas une prude. Elle se réjouit de constater qu'on parle de sexualité et d'érotisme plus librement dans nos séries au petit écran. «C'est sûr qu'on présente aujourd'hui des choses qu'on ne voyait pas avant, dit-elle. Mais on a beau avoir plus de scènes de cul, il y a encore beaucoup d'ignorance. C'est encore courant que des jeunes femmes m'écrivent pour me demander si on peut tomber enceinte après avoir fait une fellation», raconte-t- elle.
Personnages blasés
«C'est un ensemble de facteurs qui ont fait que nous en sommes rendus là, mais en bout de ligne, c'est surtout la faute de la société qui a mis l'accent sur une sexualité de consommation et non conventionnelle», avance la sexologue.
Elle voit dans les personnages blasés de Louis Morrissette l'incarnation de ce désabusement. «Je ne sais pas où il veut en venir», dit-elle en parlant de l'auteur dont elle n'a vu que quelques épisodes de la série. «Veut-il finalement nous dire qu'il est désillusionné dans cette envie des trentenaires d'avoir du cul pour du cul ?», se demande Mme Robert.
«Même s'il joue beaucoup avec les clichés, c'est quand même quelque chose, comme série», indique-t-elle, citant l'épisode de la semaine dernière où deux ados de 15 ans enseignaient des trucs sexuels au plus vieux. «Dans cet épisode, il a touché à l'hypersexualisation des jeunes», souligne-t-elle.
Paradoxe
«C'est paradoxal, poursuit-elle. En même temps qu'on parle de sexe partout et de plus en plus à la télé, je ne remarque pas que les gens soient plus libres ou informés qu'avant. En fait, logiquement, si on en parle autant, notre sexualité devrait être plus épanouie ! Mais ce n'est pas le cas... Beaucoup d'hommes pensent qu'il faut performer à tout prix alors que les femmes sont encore nombreuses à simuler l'orgasme. Pourquoi ne voit-on pas ça plus souvent à la télé ?», se questionne Jocelyne Robert.
La sexologue croit que de façon générale, à force d'étaler trop de scènes de sexe, on provoque un effet pervers. «On finit par se tanner... et c'est là que ça devient banal», fait- elle voir.
Ce qu'elle aimerait voir de plus en plus à l'avenir dans notre télévision ? «Arrêtez de nous montrer le sexe tout cru et érotisez-nous, plutôt ! Déjà, si on parlait de la sexualité comme faisant partie de la vie en ne surestimant ni ne sous-estimant pas son importance, ce serait bien», répond-elle.
Une sexualité plus égale
Jocelyne Robert aimerait aussi que la sexualité présentée au petit écran en soit une d'égalité entre les sexes. «Où on est, homme et femme, tour à tour objet de désir et de plaisir. Pour le moment, le modèle qui nous est présenté est souvent celui où les femmes sont les objets de désir des hommes», plaide-t-elle, soulignant que ça ne veut pas dire que ca deviendra plate pour autant. Au contraire.
Jocelyne Robert prône une sexualité qui aurait du sens au petit écran. «Une sexualité où deux êtres vont à la rencontre l'un de l'autre, où il y a une signification, qui nous montre qu'il y a un embryon de projet entre ces deux êtres humains», conclut-elle.
Et ça, même Carrie, Samantha, Miranda et Charlotte ont fini par le faire.
Chez nos voisins...
Selon Sex On TV, une étude de la Kaiser Family Foundation faite en 2001, le nombre d'émissions présentées à heure de grande écoute ayant un contenu sexuel est passé de la moitié du lot à trois sur quatre de 1997 à 2001. Les chercheurs ont analysé le contenu de 1 114 émissions provenant d'une dizaine de réseaux nationaux et câblés aux États-Unis.
plevesque@journalmtl.com
Et si la sexualité devenait banale?
Pascale Lévesque
Journal de Montréal
12-11-2006 | 06h47
Ce n'est un secret pour personne, le sexe est de plus en plus présent au petit écran. Les trois quarts des émissions présentées à heure de grande écoute aux États-Unis ont un contenu sexuel. Notre télévision n'y échappe pas non plus, pour le meilleur comme pour le pire.
L'arrivée de C.A. cet automne à Radio-Canada est beaucoup plus significative qu'on ne le croit. Les personnages blasés créés par Louis Morissette sont un peu le reflet de cette banalisation de la sexualité qui prévaut à notre époque. Un peu comme l'a fait Sex and the City.
«Ce genre d'émission-là, ça donne le message que tout passe par le sexe, pour les jeunes comme pour les vieux», affirme Jocelyne Robert, sexologue et auteure de plusieurs livres à succès sur la sexualité et les jeunes.
Qu'on ne s'y méprenne pas, Jocelyne Robert n'est pas une prude. Elle se réjouit de constater qu'on parle de sexualité et d'érotisme plus librement dans nos séries au petit écran. «C'est sûr qu'on présente aujourd'hui des choses qu'on ne voyait pas avant, dit-elle. Mais on a beau avoir plus de scènes de cul, il y a encore beaucoup d'ignorance. C'est encore courant que des jeunes femmes m'écrivent pour me demander si on peut tomber enceinte après avoir fait une fellation», raconte-t- elle.
Personnages blasés
«C'est un ensemble de facteurs qui ont fait que nous en sommes rendus là, mais en bout de ligne, c'est surtout la faute de la société qui a mis l'accent sur une sexualité de consommation et non conventionnelle», avance la sexologue.
Elle voit dans les personnages blasés de Louis Morrissette l'incarnation de ce désabusement. «Je ne sais pas où il veut en venir», dit-elle en parlant de l'auteur dont elle n'a vu que quelques épisodes de la série. «Veut-il finalement nous dire qu'il est désillusionné dans cette envie des trentenaires d'avoir du cul pour du cul ?», se demande Mme Robert.
«Même s'il joue beaucoup avec les clichés, c'est quand même quelque chose, comme série», indique-t-elle, citant l'épisode de la semaine dernière où deux ados de 15 ans enseignaient des trucs sexuels au plus vieux. «Dans cet épisode, il a touché à l'hypersexualisation des jeunes», souligne-t-elle.
Paradoxe
«C'est paradoxal, poursuit-elle. En même temps qu'on parle de sexe partout et de plus en plus à la télé, je ne remarque pas que les gens soient plus libres ou informés qu'avant. En fait, logiquement, si on en parle autant, notre sexualité devrait être plus épanouie ! Mais ce n'est pas le cas... Beaucoup d'hommes pensent qu'il faut performer à tout prix alors que les femmes sont encore nombreuses à simuler l'orgasme. Pourquoi ne voit-on pas ça plus souvent à la télé ?», se questionne Jocelyne Robert.
La sexologue croit que de façon générale, à force d'étaler trop de scènes de sexe, on provoque un effet pervers. «On finit par se tanner... et c'est là que ça devient banal», fait- elle voir.
Ce qu'elle aimerait voir de plus en plus à l'avenir dans notre télévision ? «Arrêtez de nous montrer le sexe tout cru et érotisez-nous, plutôt ! Déjà, si on parlait de la sexualité comme faisant partie de la vie en ne surestimant ni ne sous-estimant pas son importance, ce serait bien», répond-elle.
Une sexualité plus égale
Jocelyne Robert aimerait aussi que la sexualité présentée au petit écran en soit une d'égalité entre les sexes. «Où on est, homme et femme, tour à tour objet de désir et de plaisir. Pour le moment, le modèle qui nous est présenté est souvent celui où les femmes sont les objets de désir des hommes», plaide-t-elle, soulignant que ça ne veut pas dire que ca deviendra plate pour autant. Au contraire.
Jocelyne Robert prône une sexualité qui aurait du sens au petit écran. «Une sexualité où deux êtres vont à la rencontre l'un de l'autre, où il y a une signification, qui nous montre qu'il y a un embryon de projet entre ces deux êtres humains», conclut-elle.
Et ça, même Carrie, Samantha, Miranda et Charlotte ont fini par le faire.
Chez nos voisins...
Selon Sex On TV, une étude de la Kaiser Family Foundation faite en 2001, le nombre d'émissions présentées à heure de grande écoute ayant un contenu sexuel est passé de la moitié du lot à trois sur quatre de 1997 à 2001. Les chercheurs ont analysé le contenu de 1 114 émissions provenant d'une dizaine de réseaux nationaux et câblés aux États-Unis.
plevesque@journalmtl.com