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Publié : mar. nov. 21, 2006 5:08 am
par tuberale
Quand l'agresseur est une femme

Judith Lachapelle

La Presse


Au Québec, selon les statistiques, de 2 à 5 % des agresseurs sexuels seraient des femmes. Mais cette proportion pourrait être deux, ou même trois fois plus importante, si les coupables étaient toutes dénoncées. Trop souvent, les victimes ne dénoncent pas cette amie de la famille, cette tante, cette cousine ou le plus souvent, leur propre mère. Mais tout peut changer. Les tabous tombent et les femmes agresseurs ne sont plus à l'abri.

Quand il avait 9 ans, Jean* s'est fait heurter par une voiture. Fractures multiples, traumatisme crânien, il a passé un mois dans le coma. Mais quand il repense à cet événement, 20 ans plus tard, Jean ne pense pas qu'il a été victime d'un accident. Il voulait vraiment mourir.

À cause du traumatisme crânien, le souvenir de son enfance jusqu'à l'accident lui apparaît comme des flashs un peu flous. Il a grandi dans la région montréalaise, avec ses deux soeurs aînées, un père souvent absent et une mère qui souffrait de problèmes de santé mentale. «Je sais que ça a continué après l'accident, et mes soeurs m'ont dit que ça avait commencé avant l'accident. C'est pour ça, je pense, que je voulais mourir.»


«Ça», ce sont les agressions sexuelles que sa mère a commises sur ses trois enfants. Des attouchements, des séances de masturbation. «Juste de voir ma mère se masturber devant moi, c'était une agression. Elle me disait : viens ici! J'y allais. Avec l'accident, j'avais besoin de ma mère. Elle en a profité.» Après avoir quitté la maison, il pensait avoir mis ses horribles souvenirs derrière lui. Jusqu'à ce que le vase déborde l'an dernier. Il est entré en contact avec CRIPHASE, le Centre de ressources et d'intervention pour hommes abusés sexuellement dans leur enfance.

Benoît St-Jean, sexologue et intervenant à CRIPHASE, ne voit pas énormément d'hommes victimes de femmes. Selon les statistiques officielles, la proportion «d'agresseuses» serait de 2 à 5 %. Certaines études évaluent par contre que cette proportion pourrait grimper à 15 ou 20 %.» Ce qui est rapporté ne reflète pas la réalité», affirme M. St-Jean.

Les effets d'une agression sexuelle par un homme ou une femme sont les mêmes : honte, culpabilité, dévalorisation, difficulté de faire confiance à autrui. Mais hommes et femmes ne réagissent pas de la même façon.

«Quand ma soeur a eu ses enfants, raconte Jean, elle ne voulait pas laver leurs parties génitales. Elle ne voulait pas faire à son gars ce que sa mère lui avait fait. Moi, c'était le contraire. Je ne voulais pas que sa mère lave ma fille. Je la lavais, et je savais jusqu'où je pouvais aller.»



Qui sont-elles?



Monique Tardif, psychologue clinicienne au Centre de psychiatrie légale de l'Institut Philippe-Pinel, s'est penchée sur ces femmes qui commettent des agressions sexuelles. Elles ne sont pas nombreuses : depuis 1987, Mme Tardif a rencontré 20 femmes et 20 adolescentes qui lui étaient référées pour des agressions sexuelles. À cause de ce petit nombre, dit-elle, il est très difficile de mener des études sur leur cas.

Mais tout ça pourrait changer. «Il y a beaucoup moins de tabous à propos des agressions sexuelles et des gens qui en sont victimes», dit Monique Tardif. Moins de tabous, plus de signalements, y compris des femmes agresseurs.

Jean et ses soeurs ont d'ailleurs dénoncé leur mère une première fois en 1986. Ils sont allés voir les policiers, qui ont écouté leurs plaintes, mais qui n'ont rien fait. «Ils ont dit que, vu qu'elle était maniacodépressive, la cause n'irait pas très loin, elle ne serait jamais condamnée.»

L'histoire judiciaire retient surtout des cas d'enseignantes ou de gardiennes, ou de femmes qui ont agi avec un homme pour commettre l'agression. Pourtant, ce que la psychologue voit le plus souvent, ce sont des mères qui agressent leurs propres enfants. Les mères s'attaquent le plus souvent à leurs jeunes enfants, âgés de moins de 6 ans.

Attouchements, pénétration digitale ou avec objets, agressions physiques liées à des attouchements sexuels (comme celui d'utiliser l'enfant lors de la masturbation), contacts oraux et génitaux. Ces mères n'agressent pas plus souvent leurs fils que leurs filles, a observé Mme Tardif. « Elles ont des problèmes avec leur propre enfant, ce que ça exige. Elles voient l'enfant comme une menace à leur couple. Elles veulent être l'objet d'affection, alors que c'est l'enfant qui en a besoin, et qui en demande constamment.»

Certaines agissent avec agressivité, animées par un esprit de revanche. Des mères qui, par exemple, croient que leur fille attire trop l'attention de leur mari. Des mères qui, totalement sous la domination d'un homme, vont vouloir dominer outrageusement leur enfant. Ou accepteront d'agresser en couple un enfant. Des mères qui abuseront pour punir l'enfant.

Plusieurs, enfin, souffrent de troubles de la personnalité. Une bonne proportion d'entre elles font partie des «états limites» (personnalité borderline), plus souvent que chez les hommes, dit Mme Tardif.

Il y a aussi celles qui se servent allègrement de l'arme de la séduction et de l'ascendant qu'elles ont sur un jeune pour en abuser. Le cas des enseignantes qui abusent de leurs élèves est probant, selon Mme Tardif. «L'immaturité du jeune les réconforte, dit-elle. S'il n'y avait pas un déséquilibre dans le rapport, il ne serait pas si intéressant que ça. Il peut y avoir aussi une dimension de séduction extrêmement forte entre un enseignant et son élève qui va l'aduler.»

Benoît St-Jean se souvient d'un adolescent de 13 ans qu'une femme avait convaincu de quitter sa famille pour vivre avec elle. «Elle le droguait, elle lui a reflété une réalité qui n'était pas, lui disant qu'il était déjà un homme, qu'il pouvait le faire, alors qu'il n'était qu'un adolescent.» Elle l'a abandonné après être tombée enceinte. Il avait 16 ans. «Je le vois aujourd'hui en consultation privée, dit-il. Il a énormément de problèmes d'estime de soi, en plus de problèmes de drogue.»

Quand elles se retrouvent devant la psychologue, ces femmes reconnaissent les gestes sexuels faits, mais, tout comme les hommes agresseurs, elles ont tendance à en minimiser la portée. Elles diront qu'elles étaient fâchées, qu'elles voulaient punir l'enfant. «Mais de dire : j'ai un plaisir sexuel, j'ai des fantasmes, ça, elles ne le diront pas, explique Monique Tardif. Il y a sûrement une dimension de plaisir, sinon elles feraient uniquement des agressions physiques.»

Aujourd'hui, Jean suit sa thérapie. Il a cessé de travailler il y a quelques mois, le temps de faire le ménage dans sa tête.

Ses parents vivent encore ensemble, et il lui arrive même de les voir à l'occasion. Il n'a pas l'intention de retourner devant la justice pour faire condamner sa mère. À quoi bon? se dit-il. L'important pour lui, est maintenant de trouver une paix intérieure.

*Le véritable prénom de Jean a été changé pour protéger l'identité de sa famille.

Publié : mar. nov. 21, 2006 10:02 am
par Nikki
Hier à C.A., ils ont abordé le tabou des hommes battus par une femme (je sais, ça déborde de l'agression sexuelle) et j'ai été surprise de la sensibilité avec laquelle a été traité le sujet...

Quand Yan avoue à ses amis (Sara, Maude et Jean-Michel) que sa petite amie le bat, ils commencent les 3 par rire pour ensuite réaliser à quel point ça peut être difficile à vivre.  Tout ça entrecoupé de scènes démontrant le mépris des policiers qui ne le croient pas et la manipulation de la fille qui le menace de dire que lui la bat en se garrochant sur les murs pour se faire des traces (vu leur corpulence, ce serait facile à croire)..

Je crois que c'est souvent ce qui doit arriver lorsqu'une personne, surtout un gars, essaie de dénoncer une agresseure, où les personnes impliquées ne veulent pas croire que ces choses-là arrivent..

Triste triste triste

Publié : mar. nov. 21, 2006 3:34 pm
par Red Ketchup
L'aggression, ce n'est pas seulement physique. Les femmes sont autant manipulatrices que les hommes et utilisent autant l'aggression psychologique qu'eux.

Et c'est une chose qui est difficile de se défendre parce que pas pris au sérieux par la société. L'homme sera simplement perçu comme mou et s'il réagit physiquement, ce sera lui qui sera accusé d'aggresseur.

Publié : mer. nov. 22, 2006 7:35 am
par kolem
C'est une trise réalité, mais je suis heureuse qu'elle devienne moins tabou et de plus en plus dénoncée.

Publié : mer. nov. 22, 2006 7:45 am
par babychoux
J'ai un ami policier....Il a commencer il y a quelques mois....et il me dit qu'il a tellement été surpris du nombre de cas de violence conjugale fais par une femme........

Publié : mer. nov. 22, 2006 9:17 am
par brunetta
Et ce qui est encore plus fréquent c'est la honte qu'a l'homme à affirmer qu'il est victime d'une femme violente