Publié : mer. août 23, 2006 5:11 am
Une garderie à deux vitesses voit le jour
Les services de garde privés cherchent à contourner le nouveau règlement de Québec
Clairandrée Cauchy
Édition du mercredi 23 août 2006
Après la médecine à deux vitesses, voici venu le temps de la garderie à deux vitesses. Pour contourner le nouveau règlement qui empêche les services de garde d'exiger davantage que la contribution standard de 7 $ par jour, une garderie privée de Saint-Hubert offre aux parents un service de luxe optionnel qu'ils paieront à une société privée distincte de la garderie.
Au service de garde La Gard'Et Rie de Saint-Hubert, les enfants dont les parents auront opté pour la Cadillac des services en déboursant 6 $ de plus que la contribution quotidienne de 7 $ par jour pourront suivre des cours d'anglais, de taebo, d'informatique et d'expression corporelle. Ils auront accès à des services de massothérapie et participeront à des ateliers de théâtre, de bricolage, d'art culinaire et même de politesse. On leur offrira aussi entre trois et cinq sorties pédagogiques par année, selon leur âge. Une conseillère pédagogique sera également disponible uniquement pour les enfants participant au programme éducatif enrichi. Le service sera ouvert de 6h30 à 18h.
Pour les autres, ceux dont les parents n'auront pas payé le supplément à l'entreprise de services éducatifs, on offrira un «service de base à 7 $» de 6h30 à 16h30, qui ne comprendra «ni sortie éducative, ni cours ou événement spéciaux».
Dans une lettre envoyée aux parents, dont Le Devoir a obtenu copie, la directrice de la garderie, Angie Langlois, explique clairement que cette nouvelle façon de faire découle du nouveau règlement adopté en juillet par Québec pour enrayer la surfacturation. «Les restrictions engendrées par les nouveaux règlements auront un impact important et nous empêcheront de maintenir les services que nous fournissons actuellement», écrit Mme Langlois.
Auparavant, ce service de garde, à l'instar de plusieurs autres garderies privées, imposait des frais de 12 $ par jour aux parents. Ces frais passeront cette année à 13 $ par jour pour ceux qui adhéreront au service de luxe. «Afin de continuer à vous offrir la possibilité d'accéder aux services auxquels vous avez actuellement droit et afin de répondre à votre demande et à vos besoins, nous avons mis sur pied une compagnie de services éducatifs», explique la directrice dans sa lettre envoyée récemment aux parents, dont le journal local Point Sud faisait état hier dans son édition électronique. Les frais additionnels seront donc facturés séparément aux parents par la nouvelle société, qui dispensera ces services directement à la garderie.
La direction de La Gard'Et Rie n'a pas rappelé Le Devoir hier. Il n'a pas non plus été possible de joindre un porte-parole de la chaîne de garderies Mad Science Group, dont fait partie La Gard'Et Rie. Notons que ce groupe avait défrayé la manchette l'an dernier lorsqu'on avait appris qu'il avait retenu les services de lobbyisme de Beryl Wajsman, associé au scandale des commandites, afin d'obtenir une rencontre avec la ministre de la Famille, Carole Théberge. Le Mad Science Group ambitionnait alors d'étendre sa chaîne à une dizaine de garderies.
Illégal...
Le règlement adopté en juillet, qui entrera en vigueur le 31 août, prévoit que les CPE et les garderies privées ne peuvent pas exiger plus de 7 $ par jour aux parents, sauf pour couvrir le coût d'un repas supplémentaire ou d'articles d'hygiène (par exemple, des couches ou de la lotion solaire).
Récemment mis au fait de la situation, le ministère de la Famille a demandé à sa direction territoriale de rencontrer les propriétaires pour les rappeler à l'ordre. «Effectivement, cela semble être une pratique non conforme au règlement. [Les responsables de la direction territoriale] vont demander au propriétaire de s'expliquer et vont sûrement lui rappeler le contenu du règlement», explique Daniel Desharnais, attaché de presse de la ministre de la Famille, Carole Théberge. Si la garderie refuse de se conformer, elle pourrait, au terme du processus, perdre ses subventions pour des places à 7 $.
Des garderies privées sur le pied de guerre
La tactique employée par la garderie privée de la Rive-Sud n'étonne pas le président de l'Association des garderies privées du Québec (APPQ), Sylvain Lévesque. «Avec tout ce qui se passe, les gens sont en train d'essayer de trouver des solutions. Ils vont contourner le système de toutes sortes de façons, c'est normal, vu la situation», fait valoir le président de l'APPQ, qui ne compte cependant pas les garderies du Mad Science Group parmi ses membres.
M. Lévesque souligne que les garderies privées reçoivent 7 $ de moins par tête de pipe que les CPE de la part du gouvernement pour offrir les services de garde. Cet écart grimpe à 10 $ lorsqu'on tient compte de leur statut de société privée, qui les force à payer les impôts fonciers et les taxes de vente, contrairement aux CPE, qui sont des organismes sans but lucratif. «Il ne faut pas se leurrer : les [frais additionnels] ne couvrent pas que des activités supplémentaires, ils couvrent la qualité des services éducatifs», plaide M. Lévesque, soulignant que plusieurs garderies privées auront de la difficulté à boucler leur budget en septembre à cause de la nouvelle réglementation.
Les membres de l'APPQ se réuniront d'ailleurs cet après-midi pour convenir d'un plan d'action afin de faire face à la nouvelle réglementation. On prévoit notamment l'envoi d'une lettre aux 33 000 parents dont les enfants fréquentent le réseau privé pour expliquer la situation. On envisage aussi de proposer aux garderies membres un contrat type, conforme à la nouvelle réglementation, qui leur permettrait d'imposer des frais supplémentaires sans s'exposer à la contestation de certains parents récalcitrants.
L'association fera connaître cet après-midi les moyens d'action qu'elle compte mettre en branle pour faire face au nouveau règlement.
Les services de garde privés cherchent à contourner le nouveau règlement de Québec
Clairandrée Cauchy
Édition du mercredi 23 août 2006
Après la médecine à deux vitesses, voici venu le temps de la garderie à deux vitesses. Pour contourner le nouveau règlement qui empêche les services de garde d'exiger davantage que la contribution standard de 7 $ par jour, une garderie privée de Saint-Hubert offre aux parents un service de luxe optionnel qu'ils paieront à une société privée distincte de la garderie.
Au service de garde La Gard'Et Rie de Saint-Hubert, les enfants dont les parents auront opté pour la Cadillac des services en déboursant 6 $ de plus que la contribution quotidienne de 7 $ par jour pourront suivre des cours d'anglais, de taebo, d'informatique et d'expression corporelle. Ils auront accès à des services de massothérapie et participeront à des ateliers de théâtre, de bricolage, d'art culinaire et même de politesse. On leur offrira aussi entre trois et cinq sorties pédagogiques par année, selon leur âge. Une conseillère pédagogique sera également disponible uniquement pour les enfants participant au programme éducatif enrichi. Le service sera ouvert de 6h30 à 18h.
Pour les autres, ceux dont les parents n'auront pas payé le supplément à l'entreprise de services éducatifs, on offrira un «service de base à 7 $» de 6h30 à 16h30, qui ne comprendra «ni sortie éducative, ni cours ou événement spéciaux».
Dans une lettre envoyée aux parents, dont Le Devoir a obtenu copie, la directrice de la garderie, Angie Langlois, explique clairement que cette nouvelle façon de faire découle du nouveau règlement adopté en juillet par Québec pour enrayer la surfacturation. «Les restrictions engendrées par les nouveaux règlements auront un impact important et nous empêcheront de maintenir les services que nous fournissons actuellement», écrit Mme Langlois.
Auparavant, ce service de garde, à l'instar de plusieurs autres garderies privées, imposait des frais de 12 $ par jour aux parents. Ces frais passeront cette année à 13 $ par jour pour ceux qui adhéreront au service de luxe. «Afin de continuer à vous offrir la possibilité d'accéder aux services auxquels vous avez actuellement droit et afin de répondre à votre demande et à vos besoins, nous avons mis sur pied une compagnie de services éducatifs», explique la directrice dans sa lettre envoyée récemment aux parents, dont le journal local Point Sud faisait état hier dans son édition électronique. Les frais additionnels seront donc facturés séparément aux parents par la nouvelle société, qui dispensera ces services directement à la garderie.
La direction de La Gard'Et Rie n'a pas rappelé Le Devoir hier. Il n'a pas non plus été possible de joindre un porte-parole de la chaîne de garderies Mad Science Group, dont fait partie La Gard'Et Rie. Notons que ce groupe avait défrayé la manchette l'an dernier lorsqu'on avait appris qu'il avait retenu les services de lobbyisme de Beryl Wajsman, associé au scandale des commandites, afin d'obtenir une rencontre avec la ministre de la Famille, Carole Théberge. Le Mad Science Group ambitionnait alors d'étendre sa chaîne à une dizaine de garderies.
Illégal...
Le règlement adopté en juillet, qui entrera en vigueur le 31 août, prévoit que les CPE et les garderies privées ne peuvent pas exiger plus de 7 $ par jour aux parents, sauf pour couvrir le coût d'un repas supplémentaire ou d'articles d'hygiène (par exemple, des couches ou de la lotion solaire).
Récemment mis au fait de la situation, le ministère de la Famille a demandé à sa direction territoriale de rencontrer les propriétaires pour les rappeler à l'ordre. «Effectivement, cela semble être une pratique non conforme au règlement. [Les responsables de la direction territoriale] vont demander au propriétaire de s'expliquer et vont sûrement lui rappeler le contenu du règlement», explique Daniel Desharnais, attaché de presse de la ministre de la Famille, Carole Théberge. Si la garderie refuse de se conformer, elle pourrait, au terme du processus, perdre ses subventions pour des places à 7 $.
Des garderies privées sur le pied de guerre
La tactique employée par la garderie privée de la Rive-Sud n'étonne pas le président de l'Association des garderies privées du Québec (APPQ), Sylvain Lévesque. «Avec tout ce qui se passe, les gens sont en train d'essayer de trouver des solutions. Ils vont contourner le système de toutes sortes de façons, c'est normal, vu la situation», fait valoir le président de l'APPQ, qui ne compte cependant pas les garderies du Mad Science Group parmi ses membres.
M. Lévesque souligne que les garderies privées reçoivent 7 $ de moins par tête de pipe que les CPE de la part du gouvernement pour offrir les services de garde. Cet écart grimpe à 10 $ lorsqu'on tient compte de leur statut de société privée, qui les force à payer les impôts fonciers et les taxes de vente, contrairement aux CPE, qui sont des organismes sans but lucratif. «Il ne faut pas se leurrer : les [frais additionnels] ne couvrent pas que des activités supplémentaires, ils couvrent la qualité des services éducatifs», plaide M. Lévesque, soulignant que plusieurs garderies privées auront de la difficulté à boucler leur budget en septembre à cause de la nouvelle réglementation.
Les membres de l'APPQ se réuniront d'ailleurs cet après-midi pour convenir d'un plan d'action afin de faire face à la nouvelle réglementation. On prévoit notamment l'envoi d'une lettre aux 33 000 parents dont les enfants fréquentent le réseau privé pour expliquer la situation. On envisage aussi de proposer aux garderies membres un contrat type, conforme à la nouvelle réglementation, qui leur permettrait d'imposer des frais supplémentaires sans s'exposer à la contestation de certains parents récalcitrants.
L'association fera connaître cet après-midi les moyens d'action qu'elle compte mettre en branle pour faire face au nouveau règlement.