Publié : jeu. juin 29, 2006 8:22 am
e jeudi 29 juin 2006
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La petite Léa apprend le signe «lapin».
Photo Le Soleil
Parlez-vous «bébé»?
Francis Higgins
Le Soleil
Collaboration spéciale
Si on vous apprenait qu'il est possible de parler avec votre enfant bien avant qu'il soit doué de parole, le croiriez-vous? Les bébés ont pourtant le potentiel insoupçonné de communiquer par une méthode simple connue depuis fort longtemps: le langage des signes!
Tous les parents rêvent du jour trop lointain où bébé dira son premier mot. Impatients, réjouissez-vous ! Il existe une façon de communiquer avec votre enfant bien avant qu'il soit doué de parole: le langage des signes.
Cette méthode de communication par les mains n'est pas l'apanage des sourds. Tous les bébés sans exception ont ce potentiel insoupçonné de se faire comprendre par signes avant même d'avoir appris à parler. La preuve, les tout-petits commencent très jeunes à faire bye-bye de la main.
«Le premier signe est aussi émouvant que le premier mot ! Même le bébé est heureux d'être compris. Plusieurs se mettent à rire la première fois», dit Audrey Delisle, une maman qui donne maintenant des ateliers pour enseigner cette langue inusitée.
Quiconque apprend l'existence de cette technique pose la même question : pourquoi n'en ai-je jamais entendu parler avant ?
Découvert et mis au point aux États-Unis, le langage des signes chez les bébés est mieux connu hors des frontières de la Belle Province. Valérie Paré, qui l'enseigne aussi, a eu vent de ce concept grâce à une amie albertaine.
«Il y a à peine deux ans, c'était difficile de trouver de l'information sur le sujet. Même les organismes d'aide aux sourds ne savaient pas de quoi je parlais !»
Après avoir appris les signes «pour adultes», la résidante de Neuville a commencé à les montrer à son bébé de six mois. Deux mois plus tard, le poupon lui répondait pour la première fois. Aujourd'hui, sa fillette de deux ans parle un peu, mais dessine dans les airs plus de 65 mots.
Pour sa part, la petite Léa, âgée de 10 mois, maîtrise à peine deux signes. Néanmoins, sa mère ressent déjà que leur relation s'est approfondie. «Ce langage nous rapproche de notre enfant, dit Louise Mailloux, de Saint-Jean-Chrysostome. On le comprend mieux et plus tôt.»
Pour cesser les pleurs
«Les enfants ressentent beaucoup de frustration du fait d'être incompris. Leurs crises sont nombreuses et violentes. Le langage des signes facilite tout. Pour avoir ce qu'il veut, le bébé n'a qu'à faire un signe et il est compris. Ça évite bien des pleurs», explique Mme Paré.
A-t-on enfin découvert le secret inespéré pour calmer les cris des poupons et épargner les oreilles des parents? Tout à fait, puisque les enfants qui signent pleurent moins que les autres, assurent toutes les mamans interrogées.
Pour Vicky Morasse, de Saint-Raymond-de-Portneuf, le langage des signes a été une planche de salut. Son fils Jeremy John a piqué de grandes colères quand il était petit, une épreuve que sa mère ne voulait pas subir de nouveau quand Dalia Mae est née. «J'étais sceptique, mais je dois admettre qu'élever ma fille a été beaucoup plus agréable, surtout pendant les repas ! Quand elle a demandé du lait pour la première fois, je me suis dit "Ça y est, on se comprend !" C'est tellement plus simple. Même le grand frère prend maintenant plaisir à signer avec sa soeur.»
Plus intelligents?
Plusieurs prêtent au langage des signes la vertu d'aiguiser l'intelligence et de faciliter l'apprentissage de la langue. D'autres ajoutent qu'il renforce les liens avec le père. Mme Paré, elle, l'enseigne juste pour faciliter la vie de tout le monde.
«Le but n'est pas de faire des bébés Einstein ! Ce langage sert à mieux communiquer entre parents et enfants, rien de plus. De toute façon, on ne peut prédire les impacts puisque chaque enfant grandit à son rythme», considère-t-elle.
Pour Mme Delisle, le langage des signes a des effets positifs indéniables sur le développement cognitif des bambins. Toutefois, c'est le sentiment de mieux connaître son enfant qui crée les plus beaux souvenirs.
«Quand ma petite avait 16 mois, son père est revenu après une semaine de travail à l'étranger. Elle s'est empressée de lui faire les signes écureuil, dehors et balançoire, puisqu'elle avait vu le petit animal plus tôt dans la journée pendant qu'on jouait dans la cour. Son père a répondu "Wow, tu as vu un écureuil en te balançant !" Ma fille s'est mise à rire et à applaudir, toute contente que son père ait compris son histoire. Je ne l'avais jamais vu aussi heureuse», raconte la maman avec émotion.
AU HASARD D'UNE DÉCOUVERTE
Au début des années 80, une Californienne du nom de Linda Acredolo faisait une promenade dans un parc fleuri en compagnie de sa fillette d'un an, Kate. Elle a noté la curieuse façon qu'avait son enfant de remuer le bout du nez chaque fois qu'elle voyait des fleurs. Elle a compris que Kate associait ce geste à la bonne odeur des plantes.
Le hasard fait bien les choses. Mme Acredolo est professeure de psychologie à l'Université de la Californie à Davis. Avec l'aide de sa consoeur Susan Goodwyn, aussi professeure de psychologie à l'Université de l'État de la Californie, elle a amorcé une étude approfondie sur la communication par signes. En étudiant de près 140 familles, les chercheuses ont ont découvert que ces bébés développaient de meilleures habiletés verbales et cognitives. Par exemple, à l'âge de trois ans, les enfants examinés parlaient au même niveau qu'un jeune de quatre ans. À huit ans, leur quotient intellectuel était 12 points plus élevé que les autres, en moyenne.
Leurs conclusions ont été publiées en 1996 dans le livre Baby Signs : How to Talk with Your Baby Before Your Baby Can Talk. Leurs recherches ont rapidement fait le tour des États-Unis.
Acredolo et Goodwyn ont aussi créé le programme Baby Signs pour inciter les parents à tenter l'expérience avec leurs propres enfants. Davantage connu au Canada anglais, ce programme a fait son entrée au Québec il y a moins de deux ans.
COMMENT ENSEIGNER LE LANGAGE DES SIGNES ?
Enseigner le langage des signes à son bébé est simple. Cet apprentissage ne demande aucun effort particulier, pas plus qu'il ne vous privera d'un temps précieux. Il suffit de s'armer de patience et d'intégrer l'habitude de signer à sa routine quotidienne.
Commencez par vous placer à la hauteur du bambin, pour que vos yeux soient au même niveau que les siens. Faites le signe devant ses yeux au moment même où vous prononcez le mot que vous désirez lui faire comprendre. Débutez par les signes de base les plus souvent utilisés, comme lait, manger ou encore.
Répétez le signe chaque fois que vous prononcez le mot. Surtout, soyez patient. Votre enfant ne pourra avoir une conversation «manuelle» du jour au lendemain ! Mais vos efforts seront récompensés au bout de quelques semaines.
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La petite Léa apprend le signe «lapin».
Photo Le Soleil
Parlez-vous «bébé»?
Francis Higgins
Le Soleil
Collaboration spéciale
Si on vous apprenait qu'il est possible de parler avec votre enfant bien avant qu'il soit doué de parole, le croiriez-vous? Les bébés ont pourtant le potentiel insoupçonné de communiquer par une méthode simple connue depuis fort longtemps: le langage des signes!
Tous les parents rêvent du jour trop lointain où bébé dira son premier mot. Impatients, réjouissez-vous ! Il existe une façon de communiquer avec votre enfant bien avant qu'il soit doué de parole: le langage des signes.
Cette méthode de communication par les mains n'est pas l'apanage des sourds. Tous les bébés sans exception ont ce potentiel insoupçonné de se faire comprendre par signes avant même d'avoir appris à parler. La preuve, les tout-petits commencent très jeunes à faire bye-bye de la main.
«Le premier signe est aussi émouvant que le premier mot ! Même le bébé est heureux d'être compris. Plusieurs se mettent à rire la première fois», dit Audrey Delisle, une maman qui donne maintenant des ateliers pour enseigner cette langue inusitée.
Quiconque apprend l'existence de cette technique pose la même question : pourquoi n'en ai-je jamais entendu parler avant ?
Découvert et mis au point aux États-Unis, le langage des signes chez les bébés est mieux connu hors des frontières de la Belle Province. Valérie Paré, qui l'enseigne aussi, a eu vent de ce concept grâce à une amie albertaine.
«Il y a à peine deux ans, c'était difficile de trouver de l'information sur le sujet. Même les organismes d'aide aux sourds ne savaient pas de quoi je parlais !»
Après avoir appris les signes «pour adultes», la résidante de Neuville a commencé à les montrer à son bébé de six mois. Deux mois plus tard, le poupon lui répondait pour la première fois. Aujourd'hui, sa fillette de deux ans parle un peu, mais dessine dans les airs plus de 65 mots.
Pour sa part, la petite Léa, âgée de 10 mois, maîtrise à peine deux signes. Néanmoins, sa mère ressent déjà que leur relation s'est approfondie. «Ce langage nous rapproche de notre enfant, dit Louise Mailloux, de Saint-Jean-Chrysostome. On le comprend mieux et plus tôt.»
Pour cesser les pleurs
«Les enfants ressentent beaucoup de frustration du fait d'être incompris. Leurs crises sont nombreuses et violentes. Le langage des signes facilite tout. Pour avoir ce qu'il veut, le bébé n'a qu'à faire un signe et il est compris. Ça évite bien des pleurs», explique Mme Paré.
A-t-on enfin découvert le secret inespéré pour calmer les cris des poupons et épargner les oreilles des parents? Tout à fait, puisque les enfants qui signent pleurent moins que les autres, assurent toutes les mamans interrogées.
Pour Vicky Morasse, de Saint-Raymond-de-Portneuf, le langage des signes a été une planche de salut. Son fils Jeremy John a piqué de grandes colères quand il était petit, une épreuve que sa mère ne voulait pas subir de nouveau quand Dalia Mae est née. «J'étais sceptique, mais je dois admettre qu'élever ma fille a été beaucoup plus agréable, surtout pendant les repas ! Quand elle a demandé du lait pour la première fois, je me suis dit "Ça y est, on se comprend !" C'est tellement plus simple. Même le grand frère prend maintenant plaisir à signer avec sa soeur.»
Plus intelligents?
Plusieurs prêtent au langage des signes la vertu d'aiguiser l'intelligence et de faciliter l'apprentissage de la langue. D'autres ajoutent qu'il renforce les liens avec le père. Mme Paré, elle, l'enseigne juste pour faciliter la vie de tout le monde.
«Le but n'est pas de faire des bébés Einstein ! Ce langage sert à mieux communiquer entre parents et enfants, rien de plus. De toute façon, on ne peut prédire les impacts puisque chaque enfant grandit à son rythme», considère-t-elle.
Pour Mme Delisle, le langage des signes a des effets positifs indéniables sur le développement cognitif des bambins. Toutefois, c'est le sentiment de mieux connaître son enfant qui crée les plus beaux souvenirs.
«Quand ma petite avait 16 mois, son père est revenu après une semaine de travail à l'étranger. Elle s'est empressée de lui faire les signes écureuil, dehors et balançoire, puisqu'elle avait vu le petit animal plus tôt dans la journée pendant qu'on jouait dans la cour. Son père a répondu "Wow, tu as vu un écureuil en te balançant !" Ma fille s'est mise à rire et à applaudir, toute contente que son père ait compris son histoire. Je ne l'avais jamais vu aussi heureuse», raconte la maman avec émotion.
AU HASARD D'UNE DÉCOUVERTE
Au début des années 80, une Californienne du nom de Linda Acredolo faisait une promenade dans un parc fleuri en compagnie de sa fillette d'un an, Kate. Elle a noté la curieuse façon qu'avait son enfant de remuer le bout du nez chaque fois qu'elle voyait des fleurs. Elle a compris que Kate associait ce geste à la bonne odeur des plantes.
Le hasard fait bien les choses. Mme Acredolo est professeure de psychologie à l'Université de la Californie à Davis. Avec l'aide de sa consoeur Susan Goodwyn, aussi professeure de psychologie à l'Université de l'État de la Californie, elle a amorcé une étude approfondie sur la communication par signes. En étudiant de près 140 familles, les chercheuses ont ont découvert que ces bébés développaient de meilleures habiletés verbales et cognitives. Par exemple, à l'âge de trois ans, les enfants examinés parlaient au même niveau qu'un jeune de quatre ans. À huit ans, leur quotient intellectuel était 12 points plus élevé que les autres, en moyenne.
Leurs conclusions ont été publiées en 1996 dans le livre Baby Signs : How to Talk with Your Baby Before Your Baby Can Talk. Leurs recherches ont rapidement fait le tour des États-Unis.
Acredolo et Goodwyn ont aussi créé le programme Baby Signs pour inciter les parents à tenter l'expérience avec leurs propres enfants. Davantage connu au Canada anglais, ce programme a fait son entrée au Québec il y a moins de deux ans.
COMMENT ENSEIGNER LE LANGAGE DES SIGNES ?
Enseigner le langage des signes à son bébé est simple. Cet apprentissage ne demande aucun effort particulier, pas plus qu'il ne vous privera d'un temps précieux. Il suffit de s'armer de patience et d'intégrer l'habitude de signer à sa routine quotidienne.
Commencez par vous placer à la hauteur du bambin, pour que vos yeux soient au même niveau que les siens. Faites le signe devant ses yeux au moment même où vous prononcez le mot que vous désirez lui faire comprendre. Débutez par les signes de base les plus souvent utilisés, comme lait, manger ou encore.
Répétez le signe chaque fois que vous prononcez le mot. Surtout, soyez patient. Votre enfant ne pourra avoir une conversation «manuelle» du jour au lendemain ! Mais vos efforts seront récompensés au bout de quelques semaines.