Publié : dim. juin 25, 2006 3:50 am
Espoirs libéraux
Bernard Descôteaux
Édition du samedi 24 et du dimanche 25 juin 2006
Pour la première fois en trois ans, le premier ministre Jean Charest peut espérer voir le vent tourner. La dernière session s'est plutôt bien terminée et il peut faire état de réalisations positives. Cependant, la méfiance des Québécois à son endroit persistant, il lui faudra, pour inverser durablement la tendance, réussir à lever tout doute quant à sa capacité à défendre leurs intérêts.
Par définition, le premier ministre est la figure centrale d'un gouvernement et il porte directement la responsabilité des échecs et des succès de l'équipe qu'il dirige. Ce n'est pas sans raison que, ces 12 derniers mois, on spéculait dans les cercles politiques et médiatiques sur un changement de chef à la tête du Parti libéral avant les prochaines élections. On reprochait à M. Charest son manque de contrôle sur son gouvernement et son incapacité à «se connecter» avec ses concitoyens. Cela commençant à se corriger, les critiques se taisent, du moins au sein du parti.
Trois choses ont changé ces derniers mois, dont, tout d'abord, la maturité enfin acquise par l'équipe ministérielle, maturité que présomptueusement on lui avait attribuée pendant la campagne électorale. Avec le temps, un noyau de ministres s'est imposé. Le budget Audet de ce printemps a été bien accueilli et on peut parler de succès, comme l'illustre la révision à la hausse de la cote de crédit du Québec. La présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget, a pour sa part réussi à boucler la boucle des négociations avec les employés du secteur public cette semaine par une entente bien reçue sur l'équité salariale. Dommage qu'il ait fallu autant de temps pour «être prêt» à gouverner.
L'expérience aidant, le gouvernement a compris par ailleurs qu'il n'est pas obligatoire de toujours être en mode affrontement. Certes, il y a des habitudes dont il est difficile de se défaire, comme nous l'a montré le premier ministre en s'enferrant dans le controversé dossier de la privatisation du mont Orford. Par contre, sa défense de l'accord de Kyoto, qu'il entend mettre en oeuvre au Québec en dépit du désistement du gouvernement fédéral, lui aura apporté les éloges quasi unanimes des groupes environnementaux. Il est évidemment plus facile d'obtenir des consensus en adoptant des politiques déjà populaires.
Une troisième différence tient à l'attitude adoptée par le premier ministre qui, ayant le dos au mur, retrouve ses réflexes. Il a mieux exercé son leadership sur son équipe, bien qu'il faudrait peut-être employer le mot «autorité» plutôt que «leadership», comme l'a appris à ses dépens le ministre Thomas Mulcair, redevenu simple député pour refus de se plier aux volontés de son chef. Le signal a été compris. Sauf pour ce qui est de Pierre Paradis et de Thomas Mulcair, les autres velléitaires de la contestation sont rentrés dans le rang.
Fort d'une plus grande cohésion de l'équipe gouvernementale, Jean Charest semble flotter sur un nuage ces jours-ci. Ces prochaines semaines, il aura d'autres bonnes nouvelles à annoncer qui pourraient contribuer à inverser la perception négative des Québécois à son endroit. Si cela était, les libéraux pourraient être tentés de s'engager sur la route électorale dès cet automne. Le risque serait grand. Même si les prochains sondages leur annonçaient une embellie, il leur faudrait laisser un sentiment favorable à leur endroit s'enraciner. Trois années continues d'insatisfaction ne peuvent s'effacer en quelques semaines.
Jean Charest aura besoin de temps, mais surtout d'une cause à défendre pour pouvoir ces prochains mois établir cette relation de confiance avec les Québécois qui lui échappe toujours. Depuis son arrivée en 1998 sur la scène provinciale en provenance d'Ottawa, un doute persiste chez plusieurs quant à sa réelle détermination à servir les intérêts du Québec avant ceux du Canada. À cet égard, la négociation qui s'engage cet automne sur le déséquilibre fiscal est pour lui une occasion exceptionnelle de s'affirmer comme défenseur des intérêts du Québec. Encore faudra-t-il qu'il puisse obtenir gain de cause devant le premier ministre Stephen Harper, qui ne sera pas le partenaire amical qu'on croyait qu'il serait.
***
Que les choses aillent mieux pour le gouvernement Charest est en soi souhaitable. Si son impopularité se maintenait, le Parti libéral risquerait de subir une déroute semblable à celle du Parti conservateur aux élections fédérales de 1993. On a vu que cela est tout sauf sain sur le plan démocratique. Une remontée des libéraux ces prochains mois aurait pour effet, par ailleurs, de contraindre le Parti québécois à prendre davantage au sérieux son rôle de principal aspirant au pouvoir et de mieux se préparer. Depuis trois ans, plusieurs dans ce parti s'imaginent que les prochaines élections seront une simple formalité. Continuer à le penser ne ferait qu'accroître le risque d'une défaite qui aurait un goût amer pour ceux-là. D'ici les élections, beaucoup de choses pourront changer.
Bernard Descôteaux
Édition du samedi 24 et du dimanche 25 juin 2006
Pour la première fois en trois ans, le premier ministre Jean Charest peut espérer voir le vent tourner. La dernière session s'est plutôt bien terminée et il peut faire état de réalisations positives. Cependant, la méfiance des Québécois à son endroit persistant, il lui faudra, pour inverser durablement la tendance, réussir à lever tout doute quant à sa capacité à défendre leurs intérêts.
Par définition, le premier ministre est la figure centrale d'un gouvernement et il porte directement la responsabilité des échecs et des succès de l'équipe qu'il dirige. Ce n'est pas sans raison que, ces 12 derniers mois, on spéculait dans les cercles politiques et médiatiques sur un changement de chef à la tête du Parti libéral avant les prochaines élections. On reprochait à M. Charest son manque de contrôle sur son gouvernement et son incapacité à «se connecter» avec ses concitoyens. Cela commençant à se corriger, les critiques se taisent, du moins au sein du parti.
Trois choses ont changé ces derniers mois, dont, tout d'abord, la maturité enfin acquise par l'équipe ministérielle, maturité que présomptueusement on lui avait attribuée pendant la campagne électorale. Avec le temps, un noyau de ministres s'est imposé. Le budget Audet de ce printemps a été bien accueilli et on peut parler de succès, comme l'illustre la révision à la hausse de la cote de crédit du Québec. La présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget, a pour sa part réussi à boucler la boucle des négociations avec les employés du secteur public cette semaine par une entente bien reçue sur l'équité salariale. Dommage qu'il ait fallu autant de temps pour «être prêt» à gouverner.
L'expérience aidant, le gouvernement a compris par ailleurs qu'il n'est pas obligatoire de toujours être en mode affrontement. Certes, il y a des habitudes dont il est difficile de se défaire, comme nous l'a montré le premier ministre en s'enferrant dans le controversé dossier de la privatisation du mont Orford. Par contre, sa défense de l'accord de Kyoto, qu'il entend mettre en oeuvre au Québec en dépit du désistement du gouvernement fédéral, lui aura apporté les éloges quasi unanimes des groupes environnementaux. Il est évidemment plus facile d'obtenir des consensus en adoptant des politiques déjà populaires.
Une troisième différence tient à l'attitude adoptée par le premier ministre qui, ayant le dos au mur, retrouve ses réflexes. Il a mieux exercé son leadership sur son équipe, bien qu'il faudrait peut-être employer le mot «autorité» plutôt que «leadership», comme l'a appris à ses dépens le ministre Thomas Mulcair, redevenu simple député pour refus de se plier aux volontés de son chef. Le signal a été compris. Sauf pour ce qui est de Pierre Paradis et de Thomas Mulcair, les autres velléitaires de la contestation sont rentrés dans le rang.
Fort d'une plus grande cohésion de l'équipe gouvernementale, Jean Charest semble flotter sur un nuage ces jours-ci. Ces prochaines semaines, il aura d'autres bonnes nouvelles à annoncer qui pourraient contribuer à inverser la perception négative des Québécois à son endroit. Si cela était, les libéraux pourraient être tentés de s'engager sur la route électorale dès cet automne. Le risque serait grand. Même si les prochains sondages leur annonçaient une embellie, il leur faudrait laisser un sentiment favorable à leur endroit s'enraciner. Trois années continues d'insatisfaction ne peuvent s'effacer en quelques semaines.
Jean Charest aura besoin de temps, mais surtout d'une cause à défendre pour pouvoir ces prochains mois établir cette relation de confiance avec les Québécois qui lui échappe toujours. Depuis son arrivée en 1998 sur la scène provinciale en provenance d'Ottawa, un doute persiste chez plusieurs quant à sa réelle détermination à servir les intérêts du Québec avant ceux du Canada. À cet égard, la négociation qui s'engage cet automne sur le déséquilibre fiscal est pour lui une occasion exceptionnelle de s'affirmer comme défenseur des intérêts du Québec. Encore faudra-t-il qu'il puisse obtenir gain de cause devant le premier ministre Stephen Harper, qui ne sera pas le partenaire amical qu'on croyait qu'il serait.
***
Que les choses aillent mieux pour le gouvernement Charest est en soi souhaitable. Si son impopularité se maintenait, le Parti libéral risquerait de subir une déroute semblable à celle du Parti conservateur aux élections fédérales de 1993. On a vu que cela est tout sauf sain sur le plan démocratique. Une remontée des libéraux ces prochains mois aurait pour effet, par ailleurs, de contraindre le Parti québécois à prendre davantage au sérieux son rôle de principal aspirant au pouvoir et de mieux se préparer. Depuis trois ans, plusieurs dans ce parti s'imaginent que les prochaines élections seront une simple formalité. Continuer à le penser ne ferait qu'accroître le risque d'une défaite qui aurait un goût amer pour ceux-là. D'ici les élections, beaucoup de choses pourront changer.