Publié : mer. mars 15, 2006 2:31 am
GOUVERNEMENT CHAREST
La cascade des bavures alimente la grogne des députés
Denis Lessard
La Presse
Le plus récent désastre médiatique du gouvernement Charest, le dossier de la vente du parc du Mont-Orford, s'inscrit dans une longue liste de bavures, de décisions mal ficelées, d'idées improvisées qui n'ont jamais été discutées avec les élus au préalable.
Percutant, ce verdict est venu hier d'un vétéran, à l'occasion du caucus à huis clos des députés libéraux à la toute veille de la reprise des travaux à l'Assemblée nationale, cet après-midi.
Pour l'essentiel, «le mont Orford, c'est comme les écoles juives, comme les coupes des prêts-bourses, comme les garderies, comme le Suroît», a laissé tomber, sans émotivité, le député de Notre-Dame-de-Grâce, Russell Copeman, hier.
Devant un Jean Charest visiblement contrarié, le député a, dit-on, égrené tout le chapelet des décisions mal calculées, où le gouvernement a dû reculer, perdant à chaque occasion un peu de plumes et beaucoup de crédibilité.
Les bons coups
Rien à voir dans ce bilan, avec le résumé des bons coups du gouvernement que fera, pendant 90 minutes cet après-midi, M. Charest à l'occasion du message inaugural à l'Assemblée nationale. Le premier ministre insistera surtout sur le ton nouveau des relations fédérales-provinciales, avec l'arrivée des conservateurs à Ottawa.
M. Charest martèlera aussi l'importance du dossier énergétique, dans le cadre du développement durable. Il se fera le porteur de ces projets mobilisateurs, d'ici les élections, en 2007. Attendue depuis six mois, la politique énergétique en est à sa 25e version- concoctée au conseil exécutif plutôt qu'au ministère de Pierre Corbeil.
Et, comme rien ne se fait sans désordre à Québec, Raymond Bachand, nouveau titulaire du Développement économique, a sauté dans la mêlée énergétique dès sa première entrevue aux médias.
M. Copeman n'a pas rappelé La Presse hier, mais, a confié un témoin anonyme, bien des élus opinaient du bonnet quand cet ancien employé politique de Robert Bourassa a décidé de jeter une douche d'eau froide sur l'état-major de M. Charest, qui doit en découdre à compter d'aujourd'hui avec une opposition qui ne manquera pas de munitions. Hier, la péquiste Louise Harel soutenait que le premier ministre avait perdu sa crédibilité en reniant ses engagements du premier message inaugural, en juin 2003.
«Il ne peut pas vendre de la fiction à coups de slogans continuellement», a lancé la chef péquiste. Pour l'adéquiste Mario Dumont, «si le gouvernement à ce moment-ci fait un discours inaugural, c'est pour tenter de passer une grosse brosse sur le tableau».
Une critique dure et rare
Venant de l'intérieur des rangs libéraux, une critique aussi dure que celle de Russell Copeman, élu passablement modéré, est plutôt rare. Des vétérans se souvenaient hier de sorties comparables de Jacques Chagnon, avant que les libéraux ne reviennent au pouvoir. Remaniement après remaniement, Jean Charest grossit le nombre des députés qui se disent qu'ils seront encore en politique après le départ de leur chef. Depuis le lendemain du dernier remaniement, on s'attend même à une opération de «déstabilisation» visant M. Charest jusque dans la haute fonction publique.
Sans trop de conviction, Pierre Reid, ministre limogé la semaine dernière, s'est levé pour défendre le projet d'Orford. Mais les stratèges libéraux ont sans doute compris qu'il y aurait pas mal d'absents à l'Assemblée nationale quand le gouvernement voudra faire adopter son projet de loi pour vendre les 600 hectares du parc national et y autoriser la construction de condominiums.
Éjecté du Conseil des ministres, Thomas Mulcair brillait d'ailleurs par son absence. Pierre Paradis était également introuvable. Ancien titulaire de l'Environnement lui aussi, il s'était maintes fois opposé à la vente de terrains du mont Orford à l'époque de Robert Bourassa quand Fernand Magnan voulait acheter la montagne.
La Presse a également appris, de sources au sein du gouvernement, que Québec devra payer «une dizaine de millions», au groupe d'André L'Espérance, avant de vendre le centre de ski du Mont-Orford, pour compenser les investissements effectués sur les équipements qui lui étaient loués jusqu'ici.
Les hausses de la SAAQ
Autre dossier épineux: Michel Després a rencontré les journalistes hier pour annoncer que les députés libéraux réclamaient maintenant que la Société d'assurance automobile du Québec vienne expliquer en commission parlementaire les hausses importantes de primes à compter de 2007. En janvier, tabassé une première fois par ses pairs, le même ministre avait, à l'inverse, mis le holà à une tournée d'information de la SAAQ qui visait, précisément, à expliquer ces décisions délicates.
Hormis l'atterrissage parfait de la décision délicate sur l'arrêt Chaoulli en santé, tout ce que touche le gouvernement semble tourner au vinaigre. Après trois ans de travail à Loto-Québec, le gouvernement Charest a subitement prévenu les patrons de la société d'État qu'il était opposé au projet de déménagement du casino. Les canaux de communication étaient pourtant évidents: Alain Cousineau et Pierre Bibeau ont de longs états de services comme apparatchiks libéraux.
Même cafouillis dans le dossier des hôpitaux universitaires de Montréal. La facture est actuellement de 600 à 700 millions de dollars supérieure aux prévisions. Les terrains coûtent plus cher que prévu à décontaminer, l'un des sites paraît instable, les estimations sont restées longtemps approximatives. Bref, le ministre Philippe Couillard devra prendre une décision en avril... et elle risque d'être, encore une fois, difficile à expliquer. Comme ceux de Loto-Québec, les dirigeants du CHUM sont laissés dans le noir- ils promettent même de lancer des appels d'offres dès ce printemps.
C'est sans parler des déboires de la Société des alcools, de la démission de Raymond Boucher, l'homme de confiance de M. Charest, des faux pas sortis de l'écran radar, par d'autres bourdes, plus récentes.
Avec la collaboration de Tommy Chouinard
La cascade des bavures alimente la grogne des députés
Denis Lessard
La Presse
Le plus récent désastre médiatique du gouvernement Charest, le dossier de la vente du parc du Mont-Orford, s'inscrit dans une longue liste de bavures, de décisions mal ficelées, d'idées improvisées qui n'ont jamais été discutées avec les élus au préalable.
Percutant, ce verdict est venu hier d'un vétéran, à l'occasion du caucus à huis clos des députés libéraux à la toute veille de la reprise des travaux à l'Assemblée nationale, cet après-midi.
Pour l'essentiel, «le mont Orford, c'est comme les écoles juives, comme les coupes des prêts-bourses, comme les garderies, comme le Suroît», a laissé tomber, sans émotivité, le député de Notre-Dame-de-Grâce, Russell Copeman, hier.
Devant un Jean Charest visiblement contrarié, le député a, dit-on, égrené tout le chapelet des décisions mal calculées, où le gouvernement a dû reculer, perdant à chaque occasion un peu de plumes et beaucoup de crédibilité.
Les bons coups
Rien à voir dans ce bilan, avec le résumé des bons coups du gouvernement que fera, pendant 90 minutes cet après-midi, M. Charest à l'occasion du message inaugural à l'Assemblée nationale. Le premier ministre insistera surtout sur le ton nouveau des relations fédérales-provinciales, avec l'arrivée des conservateurs à Ottawa.
M. Charest martèlera aussi l'importance du dossier énergétique, dans le cadre du développement durable. Il se fera le porteur de ces projets mobilisateurs, d'ici les élections, en 2007. Attendue depuis six mois, la politique énergétique en est à sa 25e version- concoctée au conseil exécutif plutôt qu'au ministère de Pierre Corbeil.
Et, comme rien ne se fait sans désordre à Québec, Raymond Bachand, nouveau titulaire du Développement économique, a sauté dans la mêlée énergétique dès sa première entrevue aux médias.
M. Copeman n'a pas rappelé La Presse hier, mais, a confié un témoin anonyme, bien des élus opinaient du bonnet quand cet ancien employé politique de Robert Bourassa a décidé de jeter une douche d'eau froide sur l'état-major de M. Charest, qui doit en découdre à compter d'aujourd'hui avec une opposition qui ne manquera pas de munitions. Hier, la péquiste Louise Harel soutenait que le premier ministre avait perdu sa crédibilité en reniant ses engagements du premier message inaugural, en juin 2003.
«Il ne peut pas vendre de la fiction à coups de slogans continuellement», a lancé la chef péquiste. Pour l'adéquiste Mario Dumont, «si le gouvernement à ce moment-ci fait un discours inaugural, c'est pour tenter de passer une grosse brosse sur le tableau».
Une critique dure et rare
Venant de l'intérieur des rangs libéraux, une critique aussi dure que celle de Russell Copeman, élu passablement modéré, est plutôt rare. Des vétérans se souvenaient hier de sorties comparables de Jacques Chagnon, avant que les libéraux ne reviennent au pouvoir. Remaniement après remaniement, Jean Charest grossit le nombre des députés qui se disent qu'ils seront encore en politique après le départ de leur chef. Depuis le lendemain du dernier remaniement, on s'attend même à une opération de «déstabilisation» visant M. Charest jusque dans la haute fonction publique.
Sans trop de conviction, Pierre Reid, ministre limogé la semaine dernière, s'est levé pour défendre le projet d'Orford. Mais les stratèges libéraux ont sans doute compris qu'il y aurait pas mal d'absents à l'Assemblée nationale quand le gouvernement voudra faire adopter son projet de loi pour vendre les 600 hectares du parc national et y autoriser la construction de condominiums.
Éjecté du Conseil des ministres, Thomas Mulcair brillait d'ailleurs par son absence. Pierre Paradis était également introuvable. Ancien titulaire de l'Environnement lui aussi, il s'était maintes fois opposé à la vente de terrains du mont Orford à l'époque de Robert Bourassa quand Fernand Magnan voulait acheter la montagne.
La Presse a également appris, de sources au sein du gouvernement, que Québec devra payer «une dizaine de millions», au groupe d'André L'Espérance, avant de vendre le centre de ski du Mont-Orford, pour compenser les investissements effectués sur les équipements qui lui étaient loués jusqu'ici.
Les hausses de la SAAQ
Autre dossier épineux: Michel Després a rencontré les journalistes hier pour annoncer que les députés libéraux réclamaient maintenant que la Société d'assurance automobile du Québec vienne expliquer en commission parlementaire les hausses importantes de primes à compter de 2007. En janvier, tabassé une première fois par ses pairs, le même ministre avait, à l'inverse, mis le holà à une tournée d'information de la SAAQ qui visait, précisément, à expliquer ces décisions délicates.
Hormis l'atterrissage parfait de la décision délicate sur l'arrêt Chaoulli en santé, tout ce que touche le gouvernement semble tourner au vinaigre. Après trois ans de travail à Loto-Québec, le gouvernement Charest a subitement prévenu les patrons de la société d'État qu'il était opposé au projet de déménagement du casino. Les canaux de communication étaient pourtant évidents: Alain Cousineau et Pierre Bibeau ont de longs états de services comme apparatchiks libéraux.
Même cafouillis dans le dossier des hôpitaux universitaires de Montréal. La facture est actuellement de 600 à 700 millions de dollars supérieure aux prévisions. Les terrains coûtent plus cher que prévu à décontaminer, l'un des sites paraît instable, les estimations sont restées longtemps approximatives. Bref, le ministre Philippe Couillard devra prendre une décision en avril... et elle risque d'être, encore une fois, difficile à expliquer. Comme ceux de Loto-Québec, les dirigeants du CHUM sont laissés dans le noir- ils promettent même de lancer des appels d'offres dès ce printemps.
C'est sans parler des déboires de la Société des alcools, de la démission de Raymond Boucher, l'homme de confiance de M. Charest, des faux pas sortis de l'écran radar, par d'autres bourdes, plus récentes.
Avec la collaboration de Tommy Chouinard