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Publié : mar. déc. 27, 2005 9:43 pm
par tuberale
Droits d'auteur sur Internet: les députés français infligent un camouflet

Presse Canadienne

Les députés français infligent un camouflet au gouvernement dans le débat sur les droits d'auteur sur Internet. Une fronde transcendant les clivages partisans a empêché jeudi l'adoption avant la fin de l'année du projet de loi.

L'examen du texte présenté par le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, devrait reprendre à partir du 17 janvier, après les vacances parlementaires. "Visiblement, nos travaux ne seront pas finis ce soir. Nous les reprendrons à la rentrée en janvier", a précisé le président du groupe UMP Bernard Accoyer.

Les débats sur le projet de loi relatif aux "droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information", déjà passionnés, sont devenus incontrôlables avec l'adoption dans la nuit de mercredi à jeudi de deux amendements légalisent les échanges de fichiers entre internautes ("peer to peer" ou P2P).

Votés par 30 voix contre 28 malgré l'avis négatif du gouvernement, ces deux amendements identiques, déposés par Alain Suguenot (UMP) et Christian Paul (PS), créent une "licence globale optionnelle".

"L'auteur ne peut interdire les reproductions effectuées sur tout support

à partir d'un service de communication en ligne par une personne physique pour son usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à l'exception des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde", stipulent les amendements Suguenot et Paul. Les internautes acquitteraient en échange une redevance forfaitaire aux fournisseurs d'accès.

Ces deux amendements adoptés par une improbable coalition de députés UMP, PS et PCF remettent en cause l'architecture du texte, dont l'objectif de lutter contre le développement du piratage de musique et de films sur Internet par des mesures techniques de protection des oeuvres.

Leur vote a été applaudi par les associations de consommateurs et d'internautes, vent debout contre le texte. Ce vote "favorise une logique d'accès à la culture et de diversité culturelle face à la logique fortement répressive prônée par le gouvernement", a estimé Consommation, logement et cadre de vie (CLCV). L'UFC-Que Choisir a salué la "sagesse" des députés.

La Ligue Odebi, qui a fait circuler une pétition signée par plus de 100.000 internautes, a demandé "la démission du ministre Donnedieu, après ce désaveu cinglant".

Les artistes sont, eux, immédiatement montés au créneau pour s'inquiéter de cette menace pour leurs droits d'auteur. "Légaliser le téléchargement de la musique presque gratuitement, c'est tuer notre travail", a réagi Johnny Hallyday dans des propos rapportés par son agent.

Dans un communiqué commun, les organisations professionnelles du cinéma et de l'audiovisuel ont fait part de leur "profonde inquiétude" face à cette "expropriation des droits d'auteur sur Internet" et invité le gouvernement à trouver rapidement "les solutions permettant de rétablir l'équilibre entre les intérêts des ayant droit et des consommateurs".

Visiblement dépassé par les événements, Renaud Donnedieu de Vabres a voulu demander une nouvelle délibération des deux amendements. Mais le président du groupe UMP Bernard Accoyer s'est opposé à cette deuxième délibération. En conséquence, les articles 1 et 2 du projet de loi ont été réservés jusqu'à la fin du débat.

"Il n'est pas question de revenir à cette heure sur ce qui a été voté, mais par contre d'approfondir, de débattre", a expliqué à la presse M. Accoyer. Le groupe UMP entend "laisser le temps nécessaire pour écouter les nombreuses expressions", "en tenir compte" et "voter le meilleur texte possible".

A la reprise des débats en milieu d'après-midi, le ministre de la Culture a jugé cette décision "sage" et souhaité que ce délai de réflexion permette une "réconciliation" entre les défenseurs des internautes et ceux des artistes.

M. Donnedieu de Vabres a cependant refusé d'accéder à la demande des socialistes et de l'UDF de suspendre immédiatement l'examen du texte. Celui-ci s'est donc poursuivi en fin d'après-midi dans une ambiance surréaliste, le gouvernement réservant pour la fin de la discussion tous les articles importants. Le débat devait en tout état de cause s'interrompre jeudi minuit, l'Assemblée interrompant vendredi ses travaux pour les fêtes de fin d'année.

Le PS et le président de l'UDF François Bayrou n'ont pas manqué de dénoncer "l'improvisation" du gouvernement. "On a rarement vu autant d'amateurisme sur un texte aussi important", a ainsi raillé Christian Paul (PS). --Message edité par tuberale le 2005-12-28 02:44:35--